Intervention de Jean Bizet

Réunion du 18 mai 2016 à 14h15
Commission des affaires européennes

Jean Bizet, Président :

Je veux tout d'abord féliciter la présidente Danielle Auroi pour l'organisation de cette rencontre interparlementaire et la remercier d'y avoir associé les membres de la commission des affaires européennes du Sénat. Je salue tous nos collègues des parlements nationaux présents aujourd'hui. Je suis sûr que nous aurons tout au long de cet après-midi des échanges très fructueux.

Cette question du détachement des travailleurs est particulièrement importante. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet au Sénat et formalisé des positions de façon, je dois le dire, plutôt consensuelle. Cette question souligne l'enjeu du niveau de protection des travailleurs, quel que soit le lieu où ils exercent leur activité dans l'espace du marché unique. Elle met l'accent sur le défi de la convergence entre nos économies sur ce marché unique, qui est un marqueur de ce qu'est l'Union européenne. C'est bien la convergence, certes progressive, voire un peu lente aux yeux de certains, que nous cherchons à réaliser. Des divergences trop manifestes sont difficilement acceptables dans un espace sans frontières et de libre circulation. Au-delà, c'est bien le sens et la cohérence du projet européen qui sont en cause.

On constate une progression fulgurante du nombre de travailleurs détachés au sein de l'Union européenne. Face à un tel phénomène, on a du mal à se contenter des motifs généralement avancés, tels que le manque de main-d'oeuvre dans des secteurs spécifiques. On doit même s'interroger sur l'effet d'éviction de la main-d'oeuvre locale induit par ce dispositif. En dépit des précautions que l'on trouve dans le texte européen de 1996, le travailleur détaché peut apparaître moins onéreux qu'un salarié national, à degré de qualification et à tâche équivalents. Certains éléments n'étant pas pris en compte dans les droits du salarié détaché, un écart de 30 à 70 % peut être observé par rapport au salaire moyen applicable dans l'État d'accueil. Une telle situation n'est pas sans créer des distorsions de concurrence et rend le détachement plus attractif que le recrutement local.

À cette différence de coût salarial s'ajoute la question des charges sociales. Le salarié détaché reste en effet affilié au régime de sécurité sociale du pays d'envoi, à la condition que la prestation ne dépasse pas 24 mois.

Une directive d'exécution de mai 2014 a précisé les modalités d'application de la directive de 1996. Ce texte a répondu en large partie aux souhaits exprimés à l'unanimité par le Sénat dans une résolution européenne de 2013. Il a été transposé rapidement en droit français et suivi de contrôles en grand nombre. Nous nous inquiétons néanmoins du contrôle des petites opérations, réduites dans le temps, qui créent des distorsions de concurrence dont sont victimes les petites entreprises locales. Je crois que chacun d'entre nous, sur son territoire respectif, en a déjà pris la dimension.

Nous sommes désormais saisis de la proposition de révision ciblée de la directive de 1996. La révision du règlement sur la coordination des régimes de sécurité sociale est quant à elle reportée dans le contexte du référendum britannique. Cette révision de la directive répond au souhait de plusieurs pays dont la France. Elle suscite, en revanche, l'opposition d'autres États membres. Nous examinerons ce texte prochainement au sein de la commission des affaires européennes du Sénat. Sous réserve de cet examen plus approfondi et des améliorations que nous pourrons proposer, je crois pouvoir dire que nous approuvons la démarche de la Commission européenne. Elle devrait apporter des clarifications utiles pour répondre aux enjeux que j'ai évoqués au début de mon intervention.

Quelles que soient les imperfections du texte de 1996, nous ne devons pas oublier que chaque époque a sa vérité et que nous devrons juger ce texte à son terme : pour le démarrage du marché unique, il était sans doute important de commencer ainsi. Mais il est évident que nous devons faire des progrès désormais en la matière.

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