Intervention de Ana Birchall

Réunion du 18 mai 2016 à 14h15
Commission des affaires européennes

Ana Birchall, présidente de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie :

(interprétation de l'anglais). Je vous remercie d'avoir organisé cette réunion, en fournissant une plateforme de discussions rationnelles, justes et transparentes sur des sujets de haute importance pour l'Union européenne, telles que la responsabilité sociale des entreprises et le détachement des travailleurs. Vous avez su mettre en place ces échanges, si différentes nos opinions soient-elles. Cela promet une discussion constructive, au terme de laquelle nous surmonterons certainement les points difficiles car, même si notre opinion est peut-être différente de la vôtre, elle mérite elle aussi d'être écoutée, entendue et prise en considération.

Je tiens à souligner que la Roumanie soutient toute initiative visant à protéger les travailleurs détachés contre toute forme d'abus ou d'exploitation, en restreignant les possibilités pour les entreprises de faire des bénéfices par des moyens illégaux, tout spécialement par le travail au noir, activité indépendante forcée ou sous-traitance. Dans le même temps, la Roumanie soutient aussi la proposition en ce qu'elle prévoit la publication d'une liste des entreprises qui ont commis de graves atteintes à la législation européenne sur le travail et d'établir un protocole social pour protéger les droits fondamentaux, car ces derniers doivent prévaloir sur la liberté économique.

Toutefois, nous considérons le fait que des entreprises aient eu recours au détachement pour tirer profit des écarts salariaux entre États membres ne saurait être considéré comme un comportement inapproprié. L'économie de marché a pour résultat typique le développement de stratégies de marché, telles que des stratégies d'investissement qui reposent sur l'exploitation des différences entre les divers marchés. En outre, nous pensons que la tendance baissière des salaires dans les États qui ont des économies fortes tient davantage au besoin de maintenir la compétitivité des entreprises européennes dans le contexte de la mondialisation qu'au détachement des travailleurs.

Le détachement est une importante manifestation de la liberté de prestation de services à travers l'Union européenne et constitue un facteur stimulant de son économie. En tant que tel, il est lié à l'existence du marché unique et ne saurait, à notre sens, être restreint. L'Union européenne a développé de vastes politiques pour encourager l'investissement. Il serait incohérent de créer des avantages pour les investisseurs tout en limitant leur accès à une main-d'oeuvre meilleur marché.

Comme vous le savez, la Chambre des députés de Roumanie a adopté un avis motivé préparé par la commission à laquelle j'appartiens, appelant à l'activation de la procédure de « carton jaune ». Nous nous attendons à ce qu'elle soit sérieusement prise en compte. Nous regrettons la décision de certains États membres qui défendent avec insistance la révision de la directive 9671 avant même la mise en application de la directive d'exécution de 2014. Il conviendrait au contraire de procéder d'abord à une évaluation approfondie de la législation en vigueur.

Il nous semble que cette insistance peut apparaître comme le reflet de pressions des opinions publiques intérieures. Nous pouvons bien sûr l'accepter dans une certaine mesure, mais nous ne pouvons évidemment accepter le transfert de cette pression au niveau européen et, de là, vers des États membres dont les économies sont moins développées.

Comme je l'ai dit, la Roumanie salue la décision des dix autres États membres qui ont fait connaître leur opposition à la révision de la directive sur le détachement des travailleurs. Nous avons confiance dans la réussite de notre démarche, avec le soutien de nos partenaires des parlements nationaux qui nous ont rejoints. Il s'agit d'un acte de justice envers un pays comme la Roumanie, en plein accord avec les valeurs et principes européens. Il illustre le fait que chaque citoyen européen doit se reconnaître dans l'Union européenne et y trouver un bénéfice réel.

Si la révision est adoptée en l'état au niveau européen, cela représentera une atteinte grave à la mobilité des travailleurs, affectant de manière sérieuse les principes qui font la cohérence de l'Union européenne comme le fonctionnement du marché européen. Les effets sociaux induits créeraient de nouveaux déséquilibres au moment même où le populisme monte. J'espère que nous arriverons plutôt, grâce à nos discussions, à une proposition juste et équilibrée.

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