Intervention de Jackie Morin

Réunion du 18 mai 2016 à 14h15
Commission des affaires européennes

Jackie Morin, chef de l'unité « Libre circulation des travailleurs » à la Direction générale « Emploi, affaires sociales et inclusion » de la Commission européenne :

Je ferai rapport à Mme Thyssen de l'ensemble des éléments apportés aujourd'hui au débat par les différents intervenants.

Cette proposition de révision promeut-elle le marché intérieur ou lui porte-t-elle atteinte ? La Commission s'inscrit dans une dynamique de promotion du marché intérieur et de la libre prestation des services. Cela suppose d'une part l'absence de discrimination à l'encontre des prestataires non nationaux de services – ils doivent avoir accès au marché européen – mais aussi des règles équitables pour les prestataires nationaux. Nous estimons que cette proposition est conforme à l'esprit de l'article 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui prévoit la libre prestation de services, mais dans les mêmes conditions que celles imposées aux ressortissants nationaux. Il s'agit non pas d'instituer des systèmes de règles différents pour les prestataires nationaux et les autres, mais d'avoir une approche non discriminatoire.

Le concept de rémunération a été introduit par la Commission avec l'idée qu'il ne fallait pas que l'on puisse imposer à des prestataires extérieurs des conditions plus contraignantes que celles qui s'imposent de façon générale au plan national. C'est pourquoi il est fait référence aux éléments obligatoires généraux de rémunération, fixés par la loi ou par des conventions collectives. Aujourd'hui, on ne se réfère qu'à des minima – souvent vus, d'ailleurs, comme des maxima par ceux qui recourent au travail détaché. Devront désormais être respectés, outre ces minima, un certain nombre d'éléments obligatoires, telles, par exemple, les éventuelles majorations de rémunération auxquels le travail du dimanche ou du week-end, ou des activités à risque, peuvent donner lieu, telles des règles d'avancement ou de versement d'un treizième mois. Ce sont autant d'éléments qui sont intégrés dans cette notion de rémunération.

La Commission européenne a cependant veillé avec le plus grand soin à ne pas intervenir dans la définition de ce qu'est la rémunération, qui est du ressort des États membres. Ce point figure non plus dans un article mais au douzième considérant de la proposition de directive modifiant la directive du 16 décembre 1996. Il y est précisé très explicitement qu' » il relève de la compétence des États membres de fixer les règles relatives à la rémunération conformément à leur législation et à leurs pratiques ».

Une question m'a été posée par le représentant du Danemark à propos de l'égalité de traitement, qui concerne les travailleurs temporaires. À notre sens, la directive n'empêche pas un État membre d'aller au-delà des domaines énumérés par la directive de 2008. Si l'on se réfère à la directive de 2008, cela ne signifie pas que l'ensemble des éléments des conditions de travail ne peut pas, par la mise en oeuvre de cette proposition de directive révisée de détachement, être pris en compte. Je comprends cependant qu'une clarification soit nécessaire.

Pourquoi cette durée de deux ans ? La logique suivie a été de dire qu'il n'y a pas de définition de durée du détachement aussi longue que la durée de l'activité. Par contre, une question se pose : quelle législation s'applique au travailleur détaché au-delà d'une certaine durée ? En matière de sécurité sociale, il y a une limite de deux ans : lorsque le détachement est prévu pour une durée de plus de deux ans, c'est la législation du pays d'activité qui s'applique. La même logique a été suivie ici : en matière de conditions de travail, lorsqu'il est prévu que le détachement dure plus de deux ans, c'est la législation du pays d'activité qui s'appliquera au travailleur détaché. On se réfère ici à des durées d'activité qui devront être notifiées à l'avance, conformément à la nouvelle directive 201467. Il sera donc très facile de savoir si une activité est prévue pour une durée supérieure à deux ans ou non, et donc de déterminer quelles règles s'appliqueront aux travailleurs concernés.

Il est prévu que, dans certaines circonstances, un même emploi puisse être occupé par plusieurs travailleurs successivement détachés. La Commission a donc voulu introduire une clause qui empêche de contourner la règle des deux ans, en indiquant que, dans l'hypothèse où une même activité serait assurée par plusieurs détachements successifs de travailleurs pour une durée totale de plus de vingt-quatre mois, chaque travailleur étant lui-même détaché pour plus de six mois, les règles en vigueur dans le pays d'activité s'appliqueraient. Évidemment, cette durée de six mois peut être débattue au niveau politique.

J'ai bien entendu les remarques faites à propos de la subsidiarité. La Commission européenne devra, de ce point de vue, étayer la décision qu'elle prendra, quelle que soit celle-ci, au terme du réexamen qu'elle devra mener à la suite de l'avis motivé des parlements. Et une communication devra être faite par la Commission sur les suites données à ces avis motivés.

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