Intervention de Karima Delli

Réunion du 18 mai 2016 à 14h15
Commission des affaires européennes

Karima Delli, membre de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen :

Le débat est complexe, il nous faudrait passer une semaine ensemble pour en venir à bout, mais un consensus semble se former sur certains points.

Ainsi, beaucoup s'interrogent : pourquoi ne pas réduire cette durée de deux ans ? Nous pourrions proposer de retenir plutôt une durée de douze mois.

De même, il faut renforcer les contrôles, tout le monde est d'accord, mais comment ? Là-dessus, personne n'est d'accord ! Ce n'est pas de la compétence de la Commission européenne, mais chaque État membre jouerait-il le jeu des contrôles alors que c'est aussi son économie nationale qui est en jeu ? J'avais avancé l'idée d'un corps européen d'inspecteurs. Le débat mériterait d'être rouvert. Et pourquoi ne pas confier la tâche aux douaniers, puisque les transports sont particulièrement concernés ?

Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut renforcer la sécurité des travailleurs, mais alors, chers collègues, allons vraiment de l'avant ! C'est cela, le projet européen.

Les pays qui brandissent ce fameux « carton jaune » songent tous au problème du salaire minimum. Je veux y revenir. Nous sommes tous conscients de la diversité des situations économiques, et l'instauration d'un salaire minimum unique dans l'Union européenne n'est pas pour demain. Il n'y a d'ailleurs pas de salaire minimum unique dans tous les pays. Quant au risque que la Commission européenne impose un salaire minimum européen… Mes chers collègues, la Commission européenne n'a nullement ce pouvoir, arrêtez donc de croire que certaines instances européennes ont des pouvoirs que les traités ne leur confèrent pas !

Cela étant, si nous sommes tous attachés, dans cette salle, au projet européen, nous devons réfléchir à une harmonisation au sein de l'Union européenne. Cela implique de plaider pour des minima sociaux. C'est à cela qu'il faut travailler. Nous voulons tous une convergence vers les plus hauts standards sociaux pour mettre fin au dumping social et garantir au travailleur une vie décente. Mais qu'appelle-t-on une vie décente au travail ? Regardez les routiers, quelle que soit leur nationalité. Ils vivent dans leur camion, ils y dorment, ils y mangent, qu'il fasse chaud ou froid. Est-ce cela, une vie décente au travail ? Et ne parlons pas de leurs conditions de logement… Nous devons définir des critères qui protègent la santé mais aussi la sécurité de ces travailleurs. Sinon, qui sera responsable en cas de problème ?

M. Juncker l'a dit : c'est la Commission de la dernière chance. Je fais partie de cette génération qui ne laissera pas tomber le projet européen. Le dumping social, c'est le poison de l'Europe. Si nous ne sommes pas capables de tenir, tous ensemble, d'affirmer franchement que plus rien ne se fera sans l'Europe, seul échelon pertinent pour régler les crises, quelles qu'elles soient, si nous ne sommes pas capables de défendre une harmonisation sociale, une Europe sociale, alors même que c'est ce que les citoyens veulent, alors, dans quelques années, ce sera la fin du projet européen. Pour ma génération, ce sera vraiment destructeur.

Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir une Europe forte, une Europe sociale. En même temps, nous faisons l'Europe politique. Sans compromis, nous entendrons crier toujours plus fort les eurosceptiques et l'extrême-droite, et ce sera la mort du projet européen. Moi, je ne laisserai pas faire.

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