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Votre mission d'information souhaitant faire « un bilan du paritarisme qui concerne des domaines aussi essentiels de la vie des Français que la formation, l'assurance chômage, les retraites, la prévoyance, etc. Elle s'attache également à retracer l'historique du paritarisme et à en tracer des perspectives d'avenir face à un monde du travail bouleversé par des mutations professionnelles profondes. »
Il nous a semblé nécessaire de vérifier la définition précise du paritarisme. Le Petit Larousse le définit comme « un mode de gestion et de décision dans les organismes paritaires » soit des organismes ou instances décisionnaires composés « d'un nombre égal de représentant de chaque partie : où les deux parties sont représentées à égalité ».
Pour la CGT, il est important de distinguer paritarisme, démocratie et équité.
Si le paritarisme s'appuie sur une représentation égalitaire de deux parties, dont les intérêts sont réputés opposés, la démocratie repose sur une représentation proportionnelle aux orientations portées par la somme des individus qui constituent l'entité à gérer ou à gouverner.
Nous ne devons pas entretenir la confusion entre un mode de gestion et la composition de délégations invitées à négocier des accords, qu'ils soient de branche ou interprofessionnels.
Il nous semble important de dissocier le paritarisme et la négociation, éléments complémentaires du dialogue social, mais différents tant dans leur objet que dans leur modalité de fonctionnement.
La négociation décide de la normalisation des règles sociales dans un périmètre ou un champ professionnel donné. Elle se déroule dans des commissions paritaires de branche ou dans un cadre national interprofessionnel pour produire de la norme sur le périmètre qui est le leur, et parfois plus largement dans le cadre des procédures d'extension.
Ces structures sont composées des différentes parties organisées en deux collèges dont les intérêts sont réputés contradictoires, si ce n'est opposés, mais pas nécessairement de manière égalitaire (le nombre de membre de chaque partie et collège n'étant pas nécessairement le même). En tout état de cause, le poids de chaque partie n'est pas égal et dépend des rapports de force du moment.
Si l'on juge nécessaire d'avoir une négociation équitable, conforme au rapport de force du moment, il est indispensable qu'elle s'appuie sur une représentation démocratique des parties constituées proportionnellement à leur représentativité.
Ceci n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui puisque, au niveau national interprofessionnel, le collège salarié est composé égalitairement de représentants d'organisation syndicale dont la représentativité a été mesurée alors que le collège patronal est composé proportionnellement à une représentativité supposée. On peut également s'étonner que les organisations patronales soient consultées sur la représentativité des organisations de salariés et pas l'inverse.
D'autres points indispensables à une négociation équitable sont, outre la loyauté de la négociation, le cadre, le contexte et les moyens de la négociation. Il est inéquitable :
– que les négociations se déroulent systématiquement dans les locaux des organisations patronales,
– que les représentants du collège patronal puissent passer le temps qu'ils jugent nécessaire au traitement des dossiers négociés alors que ceux du collège salarié doivent systématiquement traiter ces dossiers dans l'urgence du délai que leur laisse le collège patronal,
– que les représentants du collège patronal puisse participer aux instances comme ils le souhaitent alors que ceux du collège salarié ne peuvent siéger qu'avec l'autorisation des représentants de l'autre collège.
La loi Larcher du 31 janvier 2007 pose entre autres, le problème du lien entre la norme produite par les interlocuteurs sociaux et celle produite par la loi.
Pour nous, le paritarisme, fut-il national et interprofessionnel, n'a pas été élu démocratiquement pour produire les normes sociales de notre pays et ne peut servir d'alibi aux législateurs, seuls responsables du contrat social français.
Pour autant, le paritarisme a vocation à produire de la norme sur des sujets non abordés dans le code du travail et être force de proposition pour améliorer le sort des salariés, dans le cadre du principe de faveur et de la hiérarchie des normes. Sujet d'actualité s'il en est.
Si on en revient au paritarisme, ou du moins aux organismes où siègent les acteurs sociaux, il nous semble important d'en différencier trois types, avec chacun des objets et des types de gouvernance différents : les organismes d'orientation, de gestion, ou de coordination.
Le paritarisme de gestion au sens propre du terme peut se justifier lorsque les fonds à gérer sont issus du travail et qu'ils financent des prestations à destination des salariés dont les intérêts sont partagés entre employeurs et salariés.
C'est le cas de la formation professionnelle des salariés en activité dans l'entreprise, où le développement et le maintien des compétences sont un enjeu commun, et du logement, considérant qu'il est de l'intérêt partagé de l'entreprise et de ses salariés qu'ils soient logés dans de bonnes conditions et à proximité de leur lieu de travail.
La question doit se poser différemment pour des fonds issus du fruit du travail et finançant des prestations au seul bénéfice des salariés. Dans ce cadre, le collège représentant les bénéficiaires devrait bénéficier d'un poids prépondérant dans les décisions de gestion – la présence des autres financeurs (les entreprises, l'État) pouvant se justifier, y compris avec un droit de veto en cas de non-respect des normes légales ou conventionnelles – sauf à considérer que tous ces fonds sont issus d'une communauté unique aux intérêts communs à tous ses membres que serait l'entreprise. Auquel cas, il faudrait une gestion paritaire de l'ensemble des fonds produits par l'entreprise et de l'ensemble des structures intervenant sur le fonctionnement et l'existence de l'entreprise tels que les chambres consulaires et autres tribunaux de commerce.
Outre ces principes généraux, on ne peut traiter le paritarisme de gestion globalement au regard des spécificités et de l'histoire de chaque secteur géré.
Par exemple, le « 1 % logement » est géré paritairement au sein de « Action Logement », mais la présence de représentants du gouvernement peut se justifier compte tenu de ce que la participation des entreprises à l'effort de construction (PEEC) est un des éléments participant à la politique du logement, enjeu de cohésion sociale s'il en est.
La sécurité sociale n'est plus gérée paritairement depuis les lois de 1996 instaurant les lois de financement de la sécurité sociale ; elle ne l'était, au sens propre du terme, que depuis 1967.
La gestion de la sécurité sociale, à l'origine et pendant plus de 20 ans, a été assurée par les représentants des bénéficiaires, avec une représentation démocratiquement élue des organisations de salariés. En devenant paritaire, aucune solution n'a été trouvée pour appréhender les difficultés liées, en outre, à l'évolution de la pyramide des âges et au développement des politiques de santé.
Depuis la mise en place d'une gestion paritaire, soit bientôt 50 années, les comptes restent déséquilibrés.
En créant la CSG en 1991, au lieu de faire évoluer l'assiette des cotisations comme il le faisait jusqu'alors, l'État a fait le choix de modifier la nature des fonds gérés en faisant du financement de la sécurité sociale un financement à caractère fiscal. Les salariés se sont ainsi retrouvés privés de la gestion d'une partie de leur salaire socialisé.
Cependant, la gestion des différentes branches de la sécurité sociale et la nature même de leur financement ne sont pas homogènes, certaines relevant plus de droits universels, d'autres de droits contributifs.
Aussi, pour la CGT, il est indispensable que la représentation des salariés, a minima le poids des voix qu'elle porte, soit proportionnelle à la représentativité et que le collège des salariés ait une prépondérance dans les orientations et décisions à prendre, compte tenu de l'aptitude des organisations représentatives à mesurer les besoins des bénéficiaires.
La retraite complémentaire est le seul secteur de la protection sociale géré paritairement. Ceci peut s'entendre au regard de la nature des fonds qui le finance, mais se conçoit moins si l'on veut prendre en considération les besoins des bénéficiaires. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles a été négocié l'accord national interprofessionnel sont largement contestables. Je vous renvoie, sur ce point, à la contribution que notre organisation a dû vous remettre lors de l'audition du 3 décembre 2015.
L'action des acteurs sociaux en matière de traitement du chômage – du point de vue de la gestion – est à considérer à quatre niveaux :
– la collecte et la gestion des fonds au sein de l'Unedic ;
– l'indemnisation des demandeurs d'emploi au sein de Pôle Emploi ;
– le placement des demandeurs d'emploi, également au sein de Pôle Emploi ;
– la formation des demandeurs d'emploi, forcément en lien avec le placement, au sein de Pôle Emploi, mais également du FPSPP et des nouveaux organismes de concertation et coordination que sont les CREFOP et le CNEFOP.
L'Unedic, de par sa mission, justifie d'une gestion paritaire.
Sur la base des principes évoqués précédemment, on peut s'interroger sur la pertinence d'une gestion paritaire de l'indemnisation du chômage. Seuls les représentants des salariés sont fondés à gérer des fonds issus du travail quand les seuls bénéficiaires sont les salariés.
Le placement relève, pour le coup, d'un intérêt partagé indéniable qui justifie d'une gestion paritaire de cette activité.
La gestion de la formation des demandeurs d'emploi est, quant à elle, beaucoup plus complexe car elle implique l'ensemble des parties :
– les entreprises, parce que la formation des demandeurs d'emploi doit être en adéquation avec les besoins d'embauche à court, moyen et long terme ;
– les salariés, parce qu'étant les premiers concernés sur leurs perspectives d'emploi, leurs aspirations, leurs besoins ;
– l'État, en outre, au regard du treizième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui fait de l'accès à la formation une de ses missions régaliennes ;
– les régions enfin, au regard de l'évolution des dispositions légales qui leurs confient la responsabilité de la formation des demandeurs d'emploi.
Dans ce contexte, l'évolution du rôle du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) au fil des réformes successives en a fait un élément structurant de l'intervention des acteurs sociaux en matière de gestion des moyens à destination de la formation des demandeurs d'emploi.
Pour la CGT, la tendance actuelle de l'État à vouloir faire capter les fonds du FPSPP pour financer la formation de demandeurs d'emploi au détriment de celle des salariés en activité pose question – faudra-t-il qu'un salarié se retrouve privé d'emploi pour qu'il puisse accéder à une formation ? –, sans pour autant nier certaines dérives sur l'utilisation des fonds à destination des entreprises, notamment dans le cadre des projets Mutéco.
La gouvernance actuelle de cette instance, avec la présence de représentants de l'État au conseil d'administration, nous semble fondée et équilibrée.
Aussi nous sommes opposés à la fusion du FPSPP, organisme de gestion, et du COPANEF, organisme d'orientation, que certains appellent de leurs voeux au prétexte fallacieux qu'il y aurait une redondance entre les deux structures.
Il n'y a redondance, aujourd'hui, que parce que la présidence du COPANEF s'autosaisit d'une multitude de sujets qui ne relèvent pas de ses attributions (définies par l'article L.6123-5 du code du travail), ce qui a pour effet de contourner les représentants de l'État au conseil d'administration du FPSPP.
Sur la formation des salariés en activité, la gestion paritaire est organisée dans les OPCA et les OPACIF. La réforme de la formation professionnelle de 2014 a modifié en profondeur les attributions et le rôle des OPCA. Nous avons été confrontés à deux orientations différentes :
– faire de l'OPCA un outil de gestion pure avec comme unique objectif l'optimisation financière des « retours » sur la contribution obligatoire ;
– faire de l'OPCA un outil de mutualisation des moyens afin de maîtriser les fluctuations des besoins en formation, conjoncturels ou structurels.
Nous nous sommes engagés sur la deuxième orientation, considérant qu'elle permettait d'atténuer les effets pervers de la réforme, qui conduit à un désinvestissement des entreprises en matière de formation professionnelle. Nous parlons bien sûr de la baisse du taux de la contribution légale au financement de la formation professionnelle, qui a été ramené de 1,6 % ou 1,05% à 1 % de la masse salariale, raison principale pour laquelle nous n'avons pas signé l'ANI du 14 décembre 2013. La collecte 2016 nous conforte dans cette décision, même si nous ne pouvons-nous en réjouir.
Dès lors, le paritarisme au sein des OPCA se justifie puisqu'il fait des fonds de la formation professionnelle, issus du travail des salariés, des moyens pour satisfaire des objectifs partagés entre les employeurs et les salariés pour le maintien et le développement des compétences des salariés en activité.
L'autre option, de notre point de vue, relève moins de la gestion paritaire que de la gestion de l'entreprise, même si nous déplorons son objectif final de contournement de l'obligation de financement de la formation professionnelle.
Les derniers outils de gestion des fonds de la formation professionnelle que nous souhaitons évoquer sont les OPACIF qui, contrairement aux OPCA, gèrent des fonds à destination exclusive des salariés.
À ce titre, il nous semble que rien ne justifie une gestion paritaire – sauf à entretenir là aussi les contournements de la loi en laissant la capacité aux entreprises de capter les fonds du congé individuel de formation pour financer des formations d'adaptation et de maintien au poste de travail, qui relèvent pourtant de l'obligation de former de l'entreprise censée justifier de la baisse du taux de la contribution légale.