Je comprends la position du groupe Union des démocrates et indépendants, qui souhaite que nous adoptions un compromis en vue de la suppression, à terme, des néonicotinoïdes – objectif qui semblent reconnus par tous –, puis de l'ensemble des pesticides. Toutefois, le Sénat s'en remet à l'ANSES pour interdire l'usage de ces produits culture par culture, catégorie de produit par catégorie de produit, en fonction de l'existence d'un substitut. Or, ces solutions alternatives consistent, pour une part, dans de nouvelles méthodes agronomiques, dont l'efficacité est reconnue mais qui sont mises en oeuvre progressivement dans l'agriculture biologique, mais également les fermes Delphi, et concernent de petites entreprises dirigées par de jeunes exploitants. Nous savons que les générations les plus anciennes auront quelques difficultés à opérer cette révolution culturale.
Ces solutions résident également dans la mise sur le marché de produits de substitution. Mais je vois mal comment l'ANSES pourrait, d'ici au 31 décembre 2016, faire d'autres propositions que celles qui figurent dans ses rapports, notamment le dernier, dans lequel elle préconise le renforcement du moratoire et des précautions d'usage.
En outre, même lorsque des substituts existent, les firmes multinationales qui produisent ces substances refusent de les mettre sur le marché européen. Or, l'ANSES n'aura jamais la capacité juridique de passer outre leur refus et d'imposer la commercialisation d'un produit de substitution qui lui permettrait d'interdire l'usage d'un produit néonicotinoïde – le même problème se pose, du reste, dans le secteur pharmaceutique, à propos, par exemple, de la substitution de l'Avastin au Lucentis. Nous avons pu constater, lors de l'interdiction du Bisphénol A, que, lorsque les industriels sont au pied du mur et peuvent bénéficier d'un délai d'adaptation, ils finissent par proposer des produits de substitution. Mais encore faut-il qu'ils l'acceptent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. On sait en effet qu'une vingtaine de produits de biocontrôle vendus aux États-Unis sont absents du marché européen, tout simplement parce que les grandes firmes en ont décidé ainsi.
Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de fixer une date butoir – 2017 ou 2018, à la limite, peu importe. D'autant que, depuis quelques mois, la publication des études s'est accélérée dans ce domaine. On sait ainsi désormais qu'un neurone humain soumis à de faibles doses de nicotine ou de néonicotinoïdes subit les mêmes retards de développement qu'un neurone de rat. Faut-il rappeler l'épidémie d'autisme à laquelle on assiste et la progression exponentielle de ce que l'on appelle les troubles envahissants du développement neurocognitif, dont l'ONU elle-même s'alarme ?
En conclusion, s'il convient de prévoir un certain temps d'adaptation, il est impératif de fixer une date butoir, car il y a urgence, et l'on nous demandera des comptes. Les problèmes de fertilité qui obligent un nombre croissant de couples à recourir à la PMA pour avoir des enfants doivent nous interpeller !