Intervention de Bernard Lapasset

Réunion du 8 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Bernard Lapasset, co-président du comité de candidature Paris :

L'héritage est un point important. Nous travaillons beaucoup avec Anne Hidalgo. La maire de Paris est un soutien de plus en plus affirmé, structuré et fort. Elle a pris de la distance par rapport à sa position initiale. Aujourd'hui, la relation fonctionne très bien, elle s'exprime avec beaucoup de force et d'intensité.

L'héritage est multiple. Il est d'abord territorial, raison pour laquelle les processus d'aménagement doivent être accélérés. Nous devons aussi faire de la candidature la vitrine de nos savoir-faire en matière de technologies urbaines. Mme Hidalgo évoque l'héritage sur la Seine en proposant de rendre la Seine propre et accessible aux Parisiens. Sur cette question de l'héritage, toutes les innovations sont bienvenues. Il nous appartient toutefois de faire le tri selon leur faisabilité à court ou long terme.

L'héritage économique est un élément clé du dispositif. Mais je veux insister sur l'héritage sociétal. Il est important de donner un sens à la dimension sportive du projet. Que cherche-t-on au travers du sport ? Le vivre ensemble. Nous devons faire du sport une référence sociétale. Le sport a sa place, comme l'éducation, la culture, la santé, l'environnement, pour nous aider à exprimer ensemble notre vision du monde. Il contribue au modèle de société que nous construisons, nous sommes l'une des rares nations à ne pas le reconnaître.

Parfois, je suis un peu malheureux d'être français. La référence du Commonwealth est quelque chose de très fort. J'ai assisté aux jeux du Commonwealth trois fois. Vous ne pouvez pas imaginer la façon dont les gens vivent leur lien à la pratique sportive. La dimension culturelle et sociétale est extrêmement forte. Il faut que nous soyons les gardiens de ce modèle. Nous devons donner au sport cette dimension qu'il n'a pas aujourd'hui dans notre pays. Des tentatives ont été faites en ce sens. Les actions du Gouvernement commencent à porter leurs fruits. Nous devons être très attachés à l'héritage en matière sociétale. C'est la clé si on ne veut pas être demain un peu plus à l'étroit ou en difficulté par rapport à des sociétés qui évoluent très vite. Nous devons développer nos propres modèles et définir une stratégie sociétale qui trouverait une résonance très forte dans les Jeux.

Nous travaillons sur un livre blanc sur l'héritage qui doit sortir en décembre 2016. Le comité emploie 50 personnes ; la parité est respectée – les femmes sont même plus nombreuses que les hommes. Nous essayons de faire vivre le modèle que nous défendons dans le domaine sportif.

Vous l'avez dit, nous avons par le passé peut-être commis l'erreur de choisir une configuration qui n'exprimait pas la force nécessaire. Notre idée première est que les sportifs doivent parler aux sportifs. Nous mettons le sport et le mouvement sportif en avant, les institutions au second plan. Nous souhaitons que les athlètes expriment eux-mêmes leur passion et de leur métier – puisque beaucoup sont professionnels aujourd'hui. Ils sont le moteur de la campagne et de la communication envers les médias et la population. Nous associons bien sûr les membres fondateurs que sont l'État, la région, qui fait un gros travail, et la ville.

Notre méthodologie consiste à placer au premier rang les valeurs exprimées par les athlètes et le regard que ceux-ci portent sur les Jeux. Après sa visite en France, Thomas Bach déclarait dans le Parisien : « j'ai enfin vu une France unie ». Ce n'est pas un fait du hasard. Ce n'est pas une déclaration à la légère. Cette exigence est une nécessité pour le CIO.

Nous devons absolument afficher notre unité. Les désaccords politiques et stratégiques ont le droit de s'exprimer, c'est la vie démocratique. Mais il faut être vigilant car les Jeux appartiennent à tout le monde, à tous ceux qui portent un regard sur la pratique sportive. C'est sur cette dimension de la candidature que nous souhaitons insister.

J'ai initié les études sur la faisabilité de la candidature mais, très vite, il m'a semblé indispensable d'avoir quelqu'un à mes côtés. On ne peut pas représenter uniquement le gouvernement du sport. Il faut aussi représenter les athlètes. Avec Tony Estanguet, trois médailles d'or, trois olympiades gagnantes – chapeau ! –, nous portons le message et nous assumons la même responsabilité. Nous essayons de faire valoir ce que représente la diversité sportive en France ainsi que la richesse qu'elle apporte.

Quant aux oppositions, nous sommes aujourd'hui dans un contexte très favorable. Je ne vous communique pas les chiffres des sondages que nous réalisons régulièrement car ils peuvent évoluer très vite. Vous connaissez mieux que nous la sensibilité des sondages. Nous sommes très vigilants même s'ils sont positifs, parfois à des niveaux extrêmement élevés. Nous essayons de maintenir la confidentialité, nous verrons plus tard lorsque les choses seront stabilisées, lorsque le dialogue direct avec les membres du CIO sera ouvert.

Nous avons cette chance aujourd'hui de bénéficier d'un soutien populaire extrêmement fort. Bien sûr, on parle des attentats, des grèves. Tout cela fait partie de la société dans laquelle on vit ; c'est un moment qu'il faut passer. J'attends surtout que l'Euro se passe bien pour pouvoir nous appuyer sur cette expérience qui est portée par de nombreux bénévoles, des entreprises françaises et les institutions – un tissu social s'est structuré autour des compétitions de cette importance. La période est un peu difficile mais nous en avons vécu d'autres dans le passé, ce n'est pas une opposition en soi, c'est un moment dans une histoire. J'aurais l'occasion de voir tous les responsables syndicaux, comme je l'ai fait en 2007 pour la Coupe du monde de rugby. Nous avions signé un protocole d'accord qui recensait les points de vue sur la manière d'organiser la Coupe du monde. Au final, la compétition s'est bien déroulée, en dépit de quelques incidents, venant ainsi apporter une valeur ajoutée aux références françaises en matière d'organisation de grands événements sportifs. Nous essayons d'avoir une lecture qui permet de rester positifs et d'avancer, tout en respectant les règles démocratiques.

Quant à l'Exposition universelle, j'ai souhaité aborder le sujet dès le départ avec M. Fromantin et son équipe parce que j'estimais que nous pouvions faire quelque chose ensemble éventuellement. Une coordination était possible si elle était souhaitée par les parties. Nous leur avons fait une proposition qui n'a malheureusement jamais reçu de réponse. Je suis désolé de le dire ici officiellement. J'ai voulu rencontrer M. Fromantin et son équipe ; je n'ai pas eu beaucoup de succès. Je me suis senti un peu écarté. En outre, j'ai lu des appréciations pas très positives pour les Jeux. Pour ma part, je n'ai jamais critiqué l'Exposition universelle. La promotion d'une France culturelle est importante dans le monde actuel. Je reste dubitatif sur la manière dont s'est construite cette candidature dans la mesure où je n'ai pas pu exprimer un avis personnel.

Les systèmes de décision diffèrent : les Jeux sont rattachés au CIO tandis que l'Exposition universelle dépend du Bureau international des expositions (BIE). Nous attendons de connaître l'avis du BIE puisqu'il semble que la candidature pose quelques difficultés. Nous aurions pu discuter de tout cela avant. Cela ne s'est pas fait. Dont acte. Nous sommes en mesure de continuer notre chemin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion