Je sais que grand nombre d'entre vous, à titre personnel, s'intéressent au sport. Mais le sport n'a jamais été l'objet d'étude au sein de cette Commission. Pourtant, et les exemples historiques sont légion, le sport est un révélateur de la marche du monde. Il permet aux Etats de se mettre en scène. Il fait depuis longtemps - et fait encore - l'objet d'une forte exploitation au service de doctrines d'Etat. On pense naturellement aux JO de Berlin en 1936, utilisés par le régime nazi pour valoriser son idéologie totalitaire de la supériorité aryenne. Mais pensons, plus proches de nous, à la « diplomatie des muscles », la « diplomatie virile » d'un Vladimir Poutine, qui a voulu les Jeux de Sotchi en 2014 et a veillé à leur mise en scène et à leur gigantisme pour illustrer le réveil de la Grande Russie. Ou aux tentatives des Etats-Unis de faire aujourd'hui le ménage dans les instances « corrompues » du sport mondial, fidèles en cela à leur idéologie de la « destinée manifeste », mélange de doctrine interventionniste, de volonté de se poser en justiciers du monde et de diffuser un modèle de démocratie libérale. Pensons également au Qatar qui a fait du sport l'un des piliers de sa stratégie nationale « Vision 2030 », pour exister sur la carte du monde en tant que grande puissance régionale.
Les illustrations ne manquent pas et justifient que l'on pose, au sein de cette Commission, la question de la place du sport dans l'effort diplomatique de la France et de l'utilisation qu'elle peut en faire pour renforcer ses positions au sein du concert des nations.
Tel fut le point de départ et l'ambition de notre travail.
Avant de vous présenter les grands axes et les préconisations de notre rapport, je voudrais insister sur le contexte particulier dans lequel il vous est présenté : Roland Garros s'est achevé dimanche. 3 milliards de personnes en audience cumulée ont suivi le tournoi dans le monde. Le Tour de France, véritable vitrine de notre pays, part du Mont-Saint-Michel dans quelques semaines. 190 pays dans le monde le rediffuseront. L'Euro 2016 débute dans 2 jours, dans le contexte particulier que nous connaissons. Et nous venons d'entendre Bernard Lapasset, Président de Paris 2024, nous parler très éloquemment de l'impact que pourrait avoir l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques en France, sur notre image dans le monde.
Autant d'occasions où les yeux du monde entier sont braqués sur la France, où l'on parle de la France, où l'on dissèque sa réalité contemporaine, où l'on évalue sa côte d'amour ou de désamour, où nous pouvons mesurer voire exercer la capacité d'influence et le pouvoir d'attraction de la France sur la scène internationale ! Qui peut encore croire dès lors que le sport n'a pas toute sa place dans les travaux de cette Commission, qu'il n'est pas à la fois un baromètre et un vecteur à part entière de la politique extérieure française ?
Il nous a donc semblé important de prendre la mesure de cet enjeu et de ne pas s'en tenir à des politiques ponctuelles. Il existe, c'est ce que ce rapport tend à démontrer, un intérêt à structurer une diplomatie sportive et à donner au sport une place autre que le simple commentaire des résultats ! Nous soutenons avec ardeur la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, mais l'histoire nous a appris, avec les candidatures infructueuses de 2008 et 2012, qu'une candidature ne saurait à elle seule constituer une stratégie globale et pérenne. Elle peut en revanche être un puissant catalyseur d'une telle stratégie.
Ce terme de stratégie peut paraître fort aux membres de cette Commission, dont l'agenda est rythmé par les crises profondes auquel le monde fait face. Néanmoins, si le ministère des Affaires étrangères a étendu en 2014 son champ de compétence au développement international, c'est bien que la puissance de la France au XXIème siècle résultera de la conjugaison intelligente des différents leviers de l'influence. Nous en sommes convaincus : le sport est un de ces leviers, dont il faut se saisir pleinement pour au moins quatre grandes raisons.
La première est que la tenue de grands évènements sportifs internationaux contribue au rayonnement et à l'attractivité de notre pays et recèle des potentiels énormes de développement économique, social et environnemental pour les territoires et les entreprises. Le rapport présente longuement cette dimension dite d'héritage des évènements sportifs, qui légitime que l'accueil de grands évènements sur notre sol soit une priorité, mais qui requiert de se donner les moyens d'inscrire cette stratégie dans une dynamique de long terme.
La deuxième raison est que dans un certain nombre de pays, souvent pour des raisons d'image mais aussi de développement économique et territorial, on observe des investissements massifs dans le secteur sportif : infrastructures, réaménagement urbain, politiques publiques, sites touristiques... Vous trouverez dans le rapport plusieurs exemples, les plus évidents étant le Qatar, la Russie, le Brésil, mais ce ne sont pas les seuls. Ces marchés à conquérir offrent des perspectives de croissance considérables pour nos entreprises. Pour être au rendez-vous de cette opportunité, l'offre française a besoin d'être structurée et offensive face à la concurrence.
La troisième raison est que le levier sportif a un impact économique qui déborde très largement la seule filière sportive. Se positionner sur les marchés sportifs génère des effets d'entrainements sur de nombreuses filières et ouvre des gisements importants d'emplois, en matière de BTP, mais aussi de mobilité, de gestion des sites et des flux, de conseil, de formation. La filière de la ville durable et le secteur de la sécurité sont particulièrement sollicités.
Par ailleurs, tout cet écosystème est propice à l'innovation technologique, qui est un marqueur de plus en plus distinctif de puissance. Equipements sportifs, vêtements connectés, applications numériques, etc. Ces marchés offrent des possibilités de niches intéressantes pour les PME françaises et des volumes de marchés qui rentabilisent les efforts de recherche et développement des grandes entreprises.
La dernière raison est qu'il est essentiel d'inscrire le sport dans une réelle perspective diplomatique, et pas uniquement économique et commerciale. Je n'ai pas besoin d'expliciter ici les raisons pour lesquelles une diplomatie économique fait sens. Nous avons tous soutenu la tutelle du ministère des Affaires étrangères sur les opérateurs Business France et Atout France et l'organisation d'une synergie et d'une action coordonnée de l'ensemble des acteurs à l'étranger sous l'autorité des ambassadeurs. Ce qu'il me semble important de souligner, c'est que la diplomatie économique elle-même s'intègre dans une diplomatie globale d'influence. La diplomatie d'influence de la France, c'est l'économique, le culturel, le technologique, le scientifique et le stratégique. C'est un tout. Le sport est un outil de cette diplomatie globale, en concourant au redressement économique de notre pays mais aussi plus largement à son rayonnement, à sa renommée.
D'une part, l'évènementiel sportif modélise et diffuse l'image de la France. Et d'autre part, le sport occupe une place particulière dans toutes les sociétés car c'est l'activité humaine à la fois la plus répandue, la plus partagée et la plus fédératrice. Faire vibrer cette corde c'est faire directement vibrer le coeur des populations, en application du concept du « public diplomacy », comme avoir accès au coeur du pouvoir, au plus haut niveau décisionnel. C'est un moyen privilégié de conforter et d'élargir la présence française à l'étranger. Cet atout mérite d'autant plus d'être exploité dans des pays où la présence française est en-deçà de son potentiel.
Le rapport formule un certain nombre d'orientations en ce sens, pour structurer notre diplomatie économique sportive et pour intégrer de manière pertinente et variée le levier sportif au sein de notre diplomatie globale.
Le premier niveau de structuration est sans aucun doute celui de l'accueil des grands évènements sportifs.
La France est très loin d'être novice à ce niveau mais des marges d'amélioration existent. Notre pays a une grande tradition d'accueil de grands évènements sportifs, des politiques publiques sportives bien ancrées et des entreprises relativement performantes. Elle doit néanmoins se battre pour conserver son rang de grande puissance d'accueil et, pour cela, il convient de lever l'hypothèque du coût de l'accueil, qui prime aujourd'hui sur l'approche de long terme. Or il y a un piège de l'évaluation chiffrée.
Il est assez facile de quantifier les retombées économiques directes des grands événements : elles concernent le marché de la restauration, de l'hôtellerie, de la sécurité, du luxe, des transports, du tourisme. En revanche, quantifier l'impact à long terme d'un évènement, est bien plus malaisé, sans même parler de son héritage immatériel, social, sociétal, médiatique, ou des gains en points de renommée ou en termes d'amélioration de l'image de marque du pays-hôte. Parce que les marchés liés au sport relèvent d'une multitude de domaines, il est difficile de quantifier l'incidence réelle sur notre tissu économique. Nous avons été confrontés au cours de nos travaux à la difficulté même de dresser une radiographie exhaustive des entreprises et secteurs d'activité concernés.
Cette difficulté à objectiver les retombées produit un terreau favorable aux préjugés : des budgets prévisionnels minorés, des retombées économiques surestimées, une dérive vers le gigantisme, et une impression persistante que les devis initiaux ne sont jamais respectés.
Objectiver les retombées est donc un axe fort de structuration. Le rapport rappelle sur ce champ l'existence d'études françaises, notamment l'expertise du Centre de Droit et d'Économie du Sport (CDES) de Limoges, qui a par exemple réalisé une étude pour le compte de l'UEFA sur l'impact économique de l'Euro 2016 sur la croissance et l'emploi. On peut également saluer l'existence de l'étude d'impact réalisée par la candidature de Paris 2024 que Bernard Lapasset nous a présentée. Une direction de l'économie du sport a également été créée au sein du ministère des Sports et un Observatoire de l'économie du sport sera lancé demain. La mise au point de référentiels et de méthodologies est indispensable.
En tout état de cause, l'enjeu essentiel d'un grand événement sportif demeure de faire approcher le résultat du potentiel. L'impact économique d'un évènement est fonction de son inscription dans un projet de développement de long terme de telle sorte qu'il en accélère et en amplifie les effets. C'est toute la différence entre les Jeux olympiques d'Athènes et ceux de Londres. C'est le très bon exemple du développement de la Plaine Saint-Denis autour du Stade de France.
Un grand événement doit aller au-delà d'années de préparation et de quelques semaines de compétition et de liesse populaire, aussi réussies soient-elles. Il doit être l'occasion pour une ville ou un État de (re)structurer économiquement une filière, de mettre en place des politiques publiques en faveur du sport, d'accélérer des projets en matière de déplacements, d'urbanisme ou de logement, de mettre en place des politiques d'attractivité à partir de l'évènement et des infrastructures en legs. Cela ne concerne pas que les capitales comme on le voit dans le rapport avec les exemples de Turin, Vancouver ou Barcelone. Une telle ambition nécessite un pilotage public transversal.
Dans ce domaine, la France s'est dotée d'une délégation interministérielle aux grands évènements sportifs, qui est très active pour rationaliser le travail des différents ministères et standardiser les lettres de garantie, mais qui souffre d'un manque de visibilité auprès des entreprises et des fédérations sportives, et n'a pas les moyens en ressources humaines pour être force de proposition. La DIGES est une petite délégation interministérielle placée auprès du ministère des Sports et elle est donc perçue comme un appendice de ce ministère. Une des clés de l'amélioration du dispositif national en termes d'efficacité serait de la positionner auprès du Premier ministre. Cela faciliterait l'amplification des retombées directes par la mise en oeuvre de procédures standardisées incluant un socle de services diversifiés (notamment culturels). Pour le mettre au point, il faut que la délégation ait autorité sur les autres ministères, surtout lorsqu'ils sont peu sensibles au sport.
Cela permettrait aussi à la sphère publique de « garder la main », élément essentiel de toute stratégie politique. La DIGES devrait avoir autorité pour engager l'organisateur dans un contrat relevant de plusieurs ministères (ville, sport, économie, transports, affaires étrangères, tourisme …) au regard de la pluralité des bénéfices attendus d'un tel événement. La préparation de l'accueil se doublerait d'un contrôle du respect des engagements.
Le périmètre de la délégation interministérielle ainsi crédibilisée pourrait couvrir les évènements sportifs ou l'ensemble des grands évènements.
Dans tous les cas, la DIGES doit devenir la mémoire de l'évènement sportif et capitaliser sur les expériences acquises. Cette question d'absence de transfert des compétences est centrale. De nombreuses personnes à différents échelons, dans le public comme dans le privé, ont participé à l'organisation de grands évènements et leur savoir-faire n'est pas suffisamment exploité pour les suivants.
Le deuxième niveau de structuration de la diplomatie sportive est à parfaire dans l'orbite du ministère des Affaires étrangères.
Le sport est un outil à manier partout mais avec des degrés et des formes variées. Il faut intégrer le sport dans l'influence globale de la France, non pas uniquement comme un élément de cette influence, aussi puissant soit-il, mais surtout comme devant être activé en fonction de la politique d'influence définie et exercée dans telle ou telle région du monde. Etablir une cartographie exhaustive est nécessaire, afin de croiser le paramètre « sport »avec les stratégies développées notamment à l'égard des puissances émergentes.
Partout, une analyse d'opportunité doit être effectuée dans le cadre des conseils d'influence mis en place dans nos postes à l'étranger, sous l'autorité du référent sport et du chef de poste. Partout des réflexes méritent d'être développés, notamment pour favoriser nos candidatures, ouvrir des portes commerciales, monter des opérations de valorisation en lien avec les évènements accueillis en France et associant les sportifs, capitaliser sur les valeurs associés à un pays qui valorise le sport. Le rapport formule plusieurs recommandations en ce sens.
Partout le sport est pratiqué, et partout il y a des marchés pour notre diplomatie économique. Il ne s'agit pas dire que le sport doit dominer notre diplomatie d'influence partout ! C'est au ministère des Affaires étrangères de déterminer les conditions dans lesquelles ce levier doit être utilisé en fonction des pays et des moments pour en maximiser les effets, aux côté des autres leviers de la diplomatie. Deux grandes catégories de pays peuvent être définies comme méritant une attention particulière.
Les premiers sont les énormes marchés bien établis pour la filière sport. Les grands pays organisateurs des futurs événements planétaires (Russie, Corée du Sud, Japon, Chine, Qatar) sont identifiés. Il s'agit avant tout de conforter le rôle des opérateurs et services du champ économique pour leur permettre de bien articuler les besoins locaux et une offre française encore insuffisamment structurée, d'identifier les entreprises, d'identifier des réseaux, de les entretenir sur le long terme, d'appuyer et piloter des clubs sport entreprises, s'assurer le partage d'informations et le recours à l'appui politique de nos chancelleries ou des ministères à Paris à chaque fois que c'est opportun.
C'est globalement le même travail que sur n'importe quelle filière, sous réserve des spécificités liées à l'organisation de grands évènements sportifs, à savoir que l'ampleur de tels évènements oblige à se positionner très tôt avec une concurrence très vive ; le pays organisateur aura tendance à privilégier d'une manière ou d'une autre ses entreprises et il faut donc identifier des niches mais surtout des partenaires locaux auxquels s'associer .Le nombre d'acteurs dans la chaîne de décision et l'éclatement des compétences sont souvent très élevés. A contrario une personnalité de niveau très politique peut parfois être la véritable et seule autorité décisionnaire et il convient alors que la mise en contact soit appuyée au plus haut niveau.
Comme toujours, il est très important que l'offre française soit structurée, qu'il y ait une organisation collective et offensive. Cette organisation s'installe en France et la création de la filière sport est une avancée majeure à traduire désormais dans les faits. Il est très important qu'elle puisse s'appuyer sur l'existant, notamment sur le travail conduit dans d'autres familles, puisque l'écosystème du sport et de l'évènement sportif embrasse à peu près tous les secteurs ! Ville durable, sécurité, French Tech et tourisme sont des exemples donnés dans le rapport. Il ne faut pas se disperser en cloisonnant excessivement les politiques.
Une deuxième catégorie de pays requiert aussi une grande attention. Ce sont des pays qui offrent des opportunités de marché liées au développement de la pratique du sport de masse, dans le cadre de politiques de cohésion sociale, de réduction des inégalités sociales ou de santé publique notamment, comme en Inde, en Afrique du Sud ou en Arabie Saoudite. Outre un effet d'entrainement non négligeable sur les autres filières, le sport est un levier qui renforce la présence française et sa visibilité, indépendamment du calendrier des grands évènements sportifs.
Cela peut être lié à la place du sport dans le développement d'un pays ou dans sa politique d'intégration sociale, comme par exemple en Colombie qui est pour de multiples raisons un pays identifié dans la cartographie d'influence. Cela peut aussi être parce que le sport fait jouer d'autres leviers d'influence contribuant au rayonnement de la France que l'on a besoin de renforcer, tels que la langue ou l'architecture. Cela peut enfin être parce que le sport est un bon moyen de mettre en place des coopérations qui touchent directement la jeunesse. L'exemple de la Tunisie est notamment développé dans le rapport.
Pour cette diplomatie, il faut un ambassadeur pilote dans l'avion. Nous savons à quel point le principe d'ambassadeurs thématiques fait l'objet de critiques, parfois à raison. Néanmoins, l'ambassadeur pour le sport a un rôle essentiel dans la dynamique du réseau, car à défaut d'un acteur central la mobilisation existe uniquement au coup par coup, de manière opportuniste et saupoudrée lors de l'accueil de l'évènement sportif dans le pays en question, lorsque celui-ci construit sa diplomatie d'influence autour du sport ou lorsque les diplomates en poste ont été sensibilisés à l'enjeu dans le cadre d'une précédente affectation. Autant dire sans efficacité ni ligne directrice. Dans la plupart des pays, le réseau culturel qui est chargé de la diplomatie sportive doit assurer de multiples missions, y compris celles relevant du tourisme et de la gastronomie. Il est souvent trop démuni face à un secteur qu'il connaît mal.
L'Ambassadeur pour le sport est cet acteur central qui peut dialoguer avec les postes, les solliciter dans le cadre d'une stratégie globale cohérente, être à l'écoute et au service du réseau autant qu'il le met sous tension. Il peut dès lors devenir l'interlocuteur privilégié de tous les acteurs pour construire et piloter la diplomatie sportive. Je remercie la présidente de la commission de l'avoir convié ce matin et je salue Philippe Vinogradoff, dont l'enthousiasme et la proactivité depuis qu'il a pris ce poste ont été souvent salués au cours de nos auditions.
L'Ambassadeur pour le sport est également l'intermédiaire entre les postes, notre territoire national et les stratégies internationales des collectivités, qui sont très importantes. Une diplomatie globale d'influence suppose une architecture de décision, mais doit aussi irriguer l'ensemble du système. Une fois identifié un pays comme prioritaire pour la diplomatie sportive, il est essentiel de recenser les initiatives en cours autant qu'en susciter et de les coordonner, voire les canaliser. La segmentation est toujours le risque. Le Medef a une liste de pays cibles. La filière sport va définir des stratégies collectives par pays. Sans compter le GIP Paris 2024 qui constitue ses groupes de travail, élabore ses thématiques économiques et développe également une approche pays par pays. L'absence de coordination fait courir le risque de manquer des opportunités, ou de rendre perplexes ou dubitatifs des interlocuteurs à l'étranger qui sont parfois –voire souvent – les mêmes !
Le dernier point concerne l'association des entreprises et des fédérations.
Il ressort de nos auditions que les entreprises du secteur et les fédérations sportives sont demandeuses d'une organisation des acteurs nationaux et d'un pilotage par l'Etat. Les entreprises de la filière sport sont beaucoup plus ouvertes à des collaborations que dans d'autres filières et se sont fortement impliquées dans le projet de développement de la filière sport. Il convient cependant, côté Etat comme côté entreprises, que le principe collaboratif ne s'en tienne pas aux discours. Nous avons été peu convaincus par le club sport au Japon par exemple, qui semble peu actif. Or, la diplomatie sportive française ne peut exister sans parvenir à susciter cette alchimie. C'est très difficile et l'Etat ne peut pas tout, mais il reste des marges à exploiter.
Trois types d'actions pourraient être développés.
Le premier concerne l'exploitation des évènements sportifs, à l'étranger comme en France. Leur organisation doit intégrer une dimension de véritable valorisation des savoir-faire français au moyen notamment de salons, de vitrines, d'opérations de promotion, d'accueil de délégations étrangères, comme ce devrait être le cas pour la 1ère fois à l'occasion de cet Euro 2016. La puissance publique doit aussi identifier les décideurs économiques, politiques étrangers présents sur chaque manifestation, voire inviter des passionnés de sport pour organiser, en marge, des rencontres non protocolaires. L'autorité en charge de cette politique pourrait être Business France mais son fonctionnement sur recettes propres est problématique. Vous verrez dans le rapport les approches très différentes, à cet égard, des Jeux équestres mondiaux de 2014 et de la Ryder Cup de 2018.
La seconde action concerne la méthode d'association des différents acteurs à la réflexion globale de la définition et de la mise en oeuvre de la diplomatie sportive. En 2014, en parallèle de la nomination du premier Ambassadeur au Sport et de la feuille de route pour structurer la filière sport, avait été installée une structure : le Comité Français du Sport International(CFSI). Placé auprès du CNOSF et dirigé par Bernard Lapasset, il rassemblait l'Etat, le mouvement sportif, les collectivités, les entreprises, et avait pour mission d'assurer la cohérence globale et la conduite de la stratégie française sur le temps long en matière de relations internationales sportives, autour de trois axes : consolider l'influence des fédérations françaises dans leur environnement international ; renforcer l'influence et le rayonnement du sport français sur la scène internationale ; élargir le champ d'action du sport français en créant des synergies avec des acteurs d'autres secteurs.
Pour des raisons budgétaires, le CFSI s'est transformé en GIP pour la candidature aux Jeux 2024 et nous avons pu constater le vide laissé aussi bien pour la diplomatie, que pour les entreprises, les collectivités ou pour le mouvement sportif. Notre recommandation est de restaurer une telle enceinte, sous une forme à définir. Le CNOSF a créé une division internationale qui pourrait remplir cette fonction à moyen terme, auquel cas il faudrait fortement la développer. L'autre option serait de recréer le CFSI. Cette structure garantirait une circulation de l'information, clarifierait les responsabilités des différents acteurs et conforterait la place de l'ambassadeur pour le sport et du DIGES.
La troisième action pourrait être une réflexion sur une « Marque France » du sport, un label du savoir-faire français dans ce domaine, qui permettrait utilement de définir et valoriser les atouts concurrentiels distinctifs de l'offre française.
Pour résumer et en conclusion, à notre sens, une diplomatie sportive efficace reposera sur deux axes :
– la mise en oeuvre d'une stratégie générale, universelle, de prise en compte et de documentation des enjeux liés au sport, y compris en France. Cette stratégie devra s'appuyer sur une cartographie de l'activation du levier du sport, au regard des opportunités économiques ou de l'impact multiplicateur d'influence que peut produire ce levier dans tel ou tel pays ;
– la rationalisation du paysage décisionnaire et une mobilisation mieux pensée de l'ensemble des acteurs, qui garantisse une stratégie globale lisible, fluide et offensive reposant sur les principes suivants : des portes d'entrée bien définies (ambassadeur pour le sport et DIGES), un continuum national et international (intégration verticale), une association des mondes sportifs, économiques et politiques systématiques (intégration horizontale) et une capitalisation de l'expérience (procédures et ressources humaines).