Monsieur Hinard, nous partageons beaucoup de nos choix professionnels. Vous disiez qu'il faut avoir vécu avec les animaux pour connaître leur sensibilité. Quand on est éleveur, on vit avec les animaux, on connaît la sensibilité de l'animal de manière générale.
Pour ma part, j'ai le sentiment que notre société vit dans la confusion s'agissant des rapports entre l'humain et l'animal. C'est surtout vrai pour les animaux domestiques. L'animal est un être sensible, l'homme est un être sensible et sentimental, et je vois de plus en plus de gens entretenir une relation sentimentale avec leurs animaux domestiques. C'est à mon sens une dérive. Comment le faire comprendre et appeler l'attention de tout le monde sur cet aspect des choses sans pour autant remettre en cause le caractère d'être sensible reconnu à l'animal par le droit ?
Dans le cadre des travaux de cette commission, nous voyons que c'est une question difficile car nous sommes des êtres sentimentaux. Nous devons mener un travail autour des notions de maltraitance et de bientraitance, mais nous définissons ces notions par rapport à nos propres sentiments. Nous ne pouvons pas nous mettre dans la peau de l'animal, et jamais un animal ne vous dira ce qu'il pense de la mort ni de ses conditions de vie. La mission est donc compliquée, car il y a autant de ressentis que d'individus sur ces questions – j'ai eu l'occasion de faire le parallèle avec la fin de vie, sujet sur lequel nous avons également tous notre propre vision des choses.
Quand nous sommes éleveurs, il n'y a pas de confusion possible entre l'homme-éleveur et l'animal, et nous sommes parfois tueurs d'animaux. Dans ce rapport avec l'animal, même le chien est là parce qu'il est utile, il a un travail à faire dans la ferme, de même que le chat. Et nous allons donc nourrir le chien parce qu'il ne peut pas se nourrir autrement, mais pas le chat, car son rôle est de dératiser, de chasser, et il va vivre de sa chasse. Or une foule de gens n'imaginent pas du tout que l'on puisse ne pas donner à manger au chat…