Sur la transition, je crois que le plus probant, c'est ce qui fonctionne. Si l'éleveur ou l'agriculteur parvient à vivre de son travail, c'est déjà pas mal. Si les gens sont contents de manger ce qu'ils ont dans leurs assiettes, ils en parlent, et le modèle se développe assez bien. Il y a une forte croissance des circuits courts ; selon la configuration retenue, certains marchent mieux que d'autres, mais globalement, ce modèle fonctionne et permet à des éleveurs de sortir la tête de l'eau et de vivre de leur travail, ce qui devrait être la base.
Aujourd'hui notre agriculture fonctionne mal. On ne peut pas imaginer que 60 % du revenu des agriculteurs soit issu de subventions, alors que nous vivons dans un pays tempéré ou l'on peut à peu près tout élever et tout faire pousser. Nous nous retrouvons à faire importer des tonnes d'aliments de partout. La viande bovine que l'on consomme dans les cantines universitaires et scolaires est à 70 % importée, ce ratio monte à 87 % pour la volaille et entre 70 et 80 % pour le cochon. Est-il normal que nos éleveurs ne puissent pas vivre de leur métier car ils n'arrivent pas à vendre leurs produits à nos enfants, aux hôpitaux et aux cantines professionnelles ?
Il y a sans doute des réformes à apporter aux appels d'offres. Aujourd'hui certains contournent la réglementation, car il faut trouver la faille. Le directeur d'un centre de formation agricole, spécialisé justement dans l'élevage, me disait qu'il ne voyait pas pourquoi il expliquerait à ses étudiants comment élever une bonne bête tout en leur donnant de la viande issue de je ne sais où et qui a passé trois ans dans un frigo. Pour contourner ce système, il achète ses bêtes sur pieds. Du coup, il faut manger toute la bête, c'est une autre façon de consommer, et il a créé tout un réseau avec les écoles environnantes. Enfin, les apprentis éleveurs peuvent manger ce qu'ils ont produit.
Il existe donc des solutions, il faut trouver les failles permettant de bien nourrir la population. C'est pourtant la base : une population mal nourrie est une population malade, et ce n'est pas parce que l'on est trop nourri que l'on est en meilleure santé, loin de là. Quand on voit l'augmentation continue des frais médicaux, il serait bon de se rappeler les paroles d'Hippocrate : « Que ton aliment soit ta première médecine ».
Quant à l'abattage rituel, c'est un sujet qui touche énormément les Français. Cinq propositions de loi sur l'étiquetage ont été préparées, avec des dénominations différentes : casher ou halal, avec ou sans étourdissement, beaucoup de choses ont été proposées, mais le plus inquiétant est de savoir que ces cinq propositions de loi ont toutes été retirées avant même d'avoir été discutées… Les députés et les sénateurs représentent les Français et sont censés porter ces revendications de la population. Mais on comprend que ce sont les pressions de la part de religieux et d'industriels qui bloquent cette réforme. Ce n'est pas ce que nous voulons entendre, nous avons confiance en vous ! La balle est dans votre camp…
Il faut savoir qu'il existe aujourd'hui des entreprises spécialisées pour faire venir travailler des personnes dans les abattoirs français. En termes de tissu économique et de travail, quand les industriels viennent voir le ministre en prétendant représenter 150 000 salariés, il faut regarder qui sont ces 150 000 salariés, comment ils sont payés et comment fonctionne le système.
Dans les grosses entreprises, les cinq premières tranches de salaire, qui sont les plus proches du SMIC, ne sont pas soumises aux charges sociales. Donc quand des entreprises comme Doux ont des taux d'accidents du travail de 97 %, ces accidents du travail ne sont finalement pas pris en charge par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale, mais par le citoyen lambda. Est-il logique de laisser perdurer ce genre de système ?