Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 9h30
Avenir du système de soins — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Surtout, c’est une réforme dangereuse, puisqu’en généralisant le tiers payant, vous déconnectez définitivement les patients du coût de leurs soins et vous achevez de fonctionnariser totalement les professionnels médicaux. Nous proposons donc de conserver le système actuel et de laisser aux praticiens la liberté d’appliquer ou non le tiers payant.

Le deuxième objectif de cette proposition de loi est de sortir de la logique hospitalo-centrée, qui dicte depuis trop longtemps l’organisation de notre système de santé, et de sanctuariser la médecine libérale et ambulatoire. Nous voulons revenir sur le monopole de l’hôpital public que vous érigez en dogme. Pour cela, nous proposons de conférer aux établissements privés la possibilité d’assurer, dans certaines conditions, et s’ils le souhaitent, des missions de service public, ce que la loi santé leur interdit désormais. C’est l’objet de l’article 3.

L’article 4 a pour objet de mettre en place une expérimentation pour offrir aux établissements publics qui le souhaitent un cadre moins rigide, davantage de marges de manoeuvre, en somme une certaine autonomie fondée sur le modèle des établissements de santé privés d’intérêt collectif, les ESPIC. Parmi ceux qui ont adopté ce principe, on peut citer, entre autres, l’Institut mutualiste Montsouris, le Centre chirurgical Marie-Lannelongue ou l’hôpital Foch.

Nous vous invitons également à inscrire dans la loi le fait que la durée des autorisations obligatoirement accordées par les agences régionales de santé ne peut être différente pour les établissements publics et les établissements privés. Telle est la finalité de l’article 5.

Notre système de santé repose sur deux piliers indispensables et complémentaires : le public et le privé. Ces deux piliers, il faut les défendre de manière égale pour délivrer des soins à tous avec la meilleure efficience et consolider ainsi notre système de santé.

La troisième ambition du texte est de lutter contre la désertification médicale. Nous sommes tous en rangs serrés, me semble-t-il, pour parvenir à cette fin, qui exige notamment la déshospitalisation de la formation des médecins et la création d’outils territoriaux aux modalités d’organisation plus souples, pour un exercice libéral regroupé. On observe, en effet, un inquiétant recul de la médecine générale dans notre pays : selon les chiffres publiés la semaine dernière par le Conseil national de l’ordre, le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % entre 2007 et 2016. Nous sommes persuadés que les professionnels de santé, en particulier ceux appartenant aux nouvelles générations, attendent de nouveaux modes d’organisation et d’exercice permettant plus de souplesse et d’efficacité. C’est de la réussite de ces nouveaux modes d’organisation que dépendra l’issue de notre lutte contre les déserts médicaux.

Certaines dispositions, il est vrai, existent déjà, mais nous voulons mettre l’accent sur l’orientation des étudiants en médecine vers la médecine générale. Face aux nombreuses contraintes administratives – que vous voulez encore alourdir –, aux difficultés financières et à la charge de travail liées à la médecine libérale, les jeunes sont de moins en moins tentés d’emprunter cette voie. Au cours de nos auditions, les jeunes ou futurs médecins nous ont tous dit qu’ils se sentaient enfermés dans l’hôpital et qu’ils ne connaissaient pas la médecine de terrain et de proximité. Les stages ne sont pas toujours effectifs et on nous a même dit que certains d’entre eux, pourtant obligatoires, n’étaient effectués qu’à 40 ou 50 %.

C’est pour répondre à ces attentes que nous voulons permettre la création de plateformes territoriales d’appui à la médecine libérale, objet de l’article 6. Ces plateformes doivent permettre de sortir de l’« hospitalocentrisme » du système de santé actuel en évitant les hospitalisations inutiles ou évitables et les ruptures dans les parcours de santé complexes. Nous proposons également de créer, à l’article 9, des centres ambulatoires universitaires pour les enseignements publics médicaux et post-universitaires à destination des futurs médecins généralistes et spécialistes en soins primaires ambulatoires. Ces centres de santé ambulatoires universitaires donneraient la possibilité de faire de l’enseignement dans des maisons médicales, au sein de plateformes territoriales ou dans toute autre forme que les médecins libéraux voudront s’approprier pour faire de l’exercice regroupé.

Notre texte propose également deux autres avancées nécessaires. Il s’agit, en premier lieu, de la régionalisation des épreuves classantes nationales. En effet, la nationalisation des épreuves classantes ou du concours de l’internat n’est plus le bon choix, dans un contexte de régionalisation marqué par l’apparition de nouvelles grandes régions. Il convient de faire éclater le principe de nationalisation pour permettre aux étudiants de choisir des centres hospitaliers dans ces régions, au lieu d’être noyés sur tout le territoire.

En second lieu, par l’article 11, qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement, la proposition de loi fait un premier pas vers la mise en place d’un parcours de prévention en matière de santé tout au long de la vie. Par ce dispositif, qui s’inspire des systèmes canadien et scandinave et qui a pour objectif de permettre un vieillissement en bonne santé, un assuré social signerait avec ses organismes payeurs un contrat de prévention personnalisé qui le suivrait tout au long de sa vie, lui permettant ainsi de devenir un acteur de sa santé.

En commission des affaires sociales, le groupe majoritaire a choisi de supprimer, un à un, les douze articles du texte, ce que, bien entendu, je déplore. Plutôt que de les balayer d’un revers de main, en éliminant systématiquement toutes les dispositions de ce texte, comme le souhaite Mme la ministre, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi, qui est attendue par le monde médical.

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