Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, initiée par notre collègue Jean-Pierre Door, s’intitule « pour l’avenir de notre système de soins » et a pour objectif de « proposer les aménagements qui apparaissent indispensables pour améliorer à court terme les capacités d’adaptation du système et sa performance au service de nos concitoyens. » Elle propose donc de rééquilibrer le système en le « déshospitalisant » et en redonnant toute sa place à la médecine de ville.
Elle est d’ores et déjà présentée par certains – acteurs de la santé ou politiques –, qui en sont peut-être les inspirateurs, comme une contre-réforme à la loi santé de Marisol Touraine. Pourtant, et on peut le noter à la lecture du titre que vous avez choisi pour cette proposition de loi, vous ne vous inscrivez pas, comme on aurait pu le penser, dans une remise en cause de la loi dite de « modernisation de notre système de santé » portée par Marisol Touraine et promulguée il y a seulement quelques semaines, le 26 janvier 2016.
Votre proposition de loi ne comporte en effet aucun article visant à amender la loi dans son titre Ier relatif à la prévention, et je m’en réjouis. Ni les articles concernant le paquet neutre, qui se met en place ces jours-ci, ni les articles relatifs aux salles de consommation à moindre risque, qui ont pourtant mobilisé notre hémicycle à votre initiative, chers collègues Les Républicains, de nombreuses heures, ne sont évoqués dans cette proposition de loi, pas plus d’ailleurs que la lutte contre l’alcoolisme, l’obésité ou les maladies chroniques.
Nous nous réjouissons que vous ayez fait vôtre ce titre Ier relatif à la prévention et qui préfigure bien, à nos yeux, ce que doit être un système de soins à l’avenir : un système qui sait anticiper et prévenir dès le plus jeune âge et protéger le plus possible des maladies que nous pouvons éviter.
D’ailleurs, en en faisant le titre Ier de sa loi, la ministre entendait bien faire de la prévention un axe prioritaire du système de santé, dans l’objectif de combattre les inégalités dans ce domaine, mais aussi de préserver notre Sécurité sociale, car il est toujours plus coûteux de guérir que de prévenir.
De fait, les efforts faits depuis 2012 nous permettent d’enregistrer des évolutions positives des comptes de la Sécurité sociale, sans procéder à des déremboursements et en prenant néanmoins en charge les innovations thérapeutiques, comme nous avons pu le constater avec satisfaction pour l’hépatite C.
Du reste, la note récente sur les évolutions de l’ONDAM – objectif national des dépenses d’assurance maladie – pour 2016 est très rassurante et confirme, s’il en était besoin, que nous tenons le cap difficile de garantir dans la durée un retour à l’équilibre tout en garantissant un égal accès aux soins et à l’innovation.
Le déficit escompté de la Sécurité sociale pour 2016 est même en retrait de 600 millions d’euros par rapport aux prévisions initiales de l’année ; depuis 2012, celui-ci est en réduction de 70 %. Qui pourrait contester ces données chiffrées, qui sont le gage même de la pérennité d’un système de santé efficient ?
Dans ce contexte, vous centrez votre proposition de loi sur des sujets que nous connaissons bien car ils constituent pour vous des totems, que vous brandissez comme des arguments pour inquiéter nos concitoyens ou pour donner des gages à votre électorat.
Au fond, vous en conviendrez, votre proposition de loi ne contient que peu ou pas de propositions nouvelles, pas de sens, pas de cap, pas de directions nouvelles, simplement une suite d’articles qui amputent sur quelques points, certes emblématiques, la loi de janvier 2016. De plus, vous n’hésitez pas à proposer des mesures déjà existantes ou à rappeler des points figurant dans le code même de la santé, suggérant ainsi qu’ils pourraient avoir disparu avec la loi santé.
Ainsi en est-il de l’article 1er, qui pourrait laisser penser à un lecteur non averti que la loi de janvier 2016 reviendrait sur le libre choix du patient, alors même que l’article L. 1110-8, premier alinéa, du code de santé publique précise que « le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé (…) est un principe fondamental de la législation sanitaire. »
La loi du 26 janvier 2016 a au contraire renforcé, à la grande satisfaction des associations de patients mais aussi des médecins concernés, le choix des patients en matière de prise en charge ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu’ils relèvent de soins palliatifs.
De la même manière, la loi du 26 janvier 2016 n’a pas remis en cause la liberté d’installation des médecins, comme nous l’avons parfois entendu ici ou là. Nous notons d’ailleurs avec satisfaction que votre proposition de loi ne revient pas sur la notion de communauté professionnelle de territoire de santé et son corollaire, le contrat territorial de santé, même si votre article 7, sous le prétexte de souplesse, vise ni plus ni moins à supprimer l’initiative que pourraient prendre les agences régionales de santé, dites ARS, en cas de défaut d’initiative des professionnels.
Permettez-moi, comme je l’ai fait lors des débats dans l’hémicycle lors de l’examen de la loi de janvier 2016, ou la semaine dernière en commission, de vous dire notre profond désaccord mais surtout notre perplexité devant votre proposition.
Au fond, vous proposez, ni plus ni moins, de créer des inégalités territoriales et des inégalités entre nos concitoyens. Nous savons tous très bien qu’il y a aujourd’hui des communautés qui peuvent fonctionner, et des territoires où les professionnels sont insuffisants ou peu organisés entre eux. Faut-il accepter cet état de fait et considérer que l’ARS n’aurait pas, dans ces territoires, à encourager, à initier, à rechercher les moyens de créer la synergie ? Non, bien sûr, et la rédaction de cet article, reprise en concertation avec les acteurs concernés, a permis de rassurer sur les intentions : l’ARS n’interviendra qu’à défaut d’initiative des professionnels et en concertation avec les unions régionales et les représentants des centres de santé.
Vous nous avez dit en commission que certaines ARS ne valideraient pas les projets proposés par les communautés professionnelles. Permettez-moi de souligner, monsieur le rapporteur, qu’en aucune manière votre proposition ne permettrait de résoudre ce problème ! Vous proposez en réalité de supprimer toute capacité d’initiative aux ARS en cas de carence ou de difficulté à se fédérer des professionnels ! Supprimer cet alinéa serait un mauvais coup porté aux territoires les moins dynamiques, et nous ne saurions le cautionner.