Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui une proposition de loi tendant à instituer une carte de famille de blessé de guerre.
J’ai été, en 2014, avec notre ancienne collègue Émilienne Poumirol, pour qui j’ai une pensée amicale aujourd’hui et que je tiens à associer à nos travaux, l’auteur d’un rapport d’information sur la prise en charge des blessés qui était le premier sur ce thème. Au cours des travaux préparatoires, nous avons recueilli de nombreux témoignages poignants et je ne suis pas sorti indemne de la confrontation à cette douleur, toujours exprimée avec dignité, mais bien présente chez les militaires comme dans leur famille.
Car les hommes et les femmes auxquels nous confions la si lourde et noble mission de combattre pour notre pays ainsi que de défendre notre liberté et nos valeurs acceptent une hypothèque sur leur vie et leur intégrité dont la Nation tout entière est comptable.
S’il arrive qu’ils soient blessés, nous leur devons à ce titre l’évacuation la plus rapide, les meilleurs soins et la meilleure prise en charge dans la durée. J’ai pu constater, au cours de l’élaboration du rapport sur les blessés, non seulement que cela était bien le cas mais que beaucoup d’efforts étaient faits pour améliorer encore ce qui était perfectible.
Mais les blessés, qui voient leurs besoins matériels couverts de façon satisfaisante, ont, comme chacun d’entre nous, soif de ces bienfaits immatériels indispensables que sont la considération et la reconnaissance.
Pour les militaires, la considération et la reconnaissance se manifestent symboliquement par la remise d’une décoration : l’insigne des blessés de guerre dans le cas qui nous occupe. En conformité avec l’article 6.1 du rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, les modalités du port de cet insigne, qui ont fait l’objet de tant d’incompréhensibles difficultés, devaient être clarifiées grâce à un décret pris après avis du Conseil d’État. Ce décret est toujours attendu, bien qu’il semblerait qu’il y ait quelques évolutions ; j’appelle sa parution de mes voeux afin qu’elle vienne enfin mettre un terme à cette situation ubuesque. C’est le moins que nous devions à nos blessés. Les armées l’ont bien compris, monsieur le secrétaire d’État, qui remettent l’insigne des blessés aux militaires qui en font la demande.
Ce que la Nation doit aux blessés, elle le doit également à leur famille qui souffre pour ainsi dire du second impact de la blessure. J’ai entendu comme vous des récits terribles de familles qui ne reconnaissaient plus l’homme ou la femme qui leur était rendu ; de projets de vie anéantis ; de lien qui ne se faisait plus ou dans une douleur telle que la famille se désintégrait. Or, tous les interlocuteurs entendus au titre de la mission ont souligné le rôle central des familles dans le rétablissement du blessé. De beaux récits existent aussi.
Les familles ne sont pourtant pas oubliées dans le dispositif de soutien mis en place par le ministère. Des guides sont destinés aux familles, des réunions d’information collectives sont organisées préalablement au départ en opérations extérieures. En cas de blessure, la famille peut compter sur le soutien immédiat des cellules d’aide aux blessés de chaque armée, qui procurent un soutien moral et, le cas échéant, une aide concrète, financière et administrative. Une maison du blessé a été inaugurée à l’hôpital Percy en avril 2015 – nous y étions, autour de Jean-Yves Le Drian – et propose aux blessés en soins de suite et aux familles des studios et des appartements. Un hébergement hôtelier est pris en charge pendant 21 jours pour permettre à deux membres de la famille de rester auprès du blessé hospitalisé avant que des associations ne prennent le relais en cas de nécessité.
Différentes prestations sont disponibles ainsi que le recours à des aides sociales personnalisées gérées par l’action sociale ou l’office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, au cas par cas.
Si, mes chers collègues, ce soutien matériel est bien évidemment fondamental, il est loin de suffire. Le dispositif Écoute défense répond au besoin de parole grâce à un numéro vert accessible en permanence qui offre une mise en relation avec des psychologues du Service de santé des armées pouvant orienter vers un suivi de proximité.
Mais le besoin de reconnaissance, dont la vocation thérapeutique n’est démentie par personne, est bien celui dont on m’a le plus souvent entretenu au cours des travaux préparatoires au rapport sur les blessés – il semble aussi le moins bien satisfait.
En effet, la douleur des familles et les sacrifices qu’elles consentent sont peu audibles alors qu’elles jouent – je l’ai dit – un rôle central et essentiel dans le rétablissement du blessé sans que leurs efforts soient reconnus pour autant. C’est du moins le sentiment dont elles font état alors qu’elles aspirent légitimement à la reconnaissance de la Nation.
Or cette considération, cette reconnaissance, ne peuvent être muettes. C’est pourquoi je propose, pour combler cette lacune, une mesure de portée purement symbolique, certes, mais permettant de matérialiser et d’écrire cette reconnaissance en instituant en lien – je le répète – avec l’homologation de la blessure de guerre, une carte de famille de blessé de guerre.
Ma proposition est concise et ce n’est pas par facilité que je n’entre pas dans le détail des modalités d’application mais bien pour laisser toute latitude au ministère, monsieur le secrétaire d’État, afin de mettre en place le dispositif le plus léger possible.
Je tiens toutefois, si vous le permettez, à formuler quelques recommandations qui tiennent compte des consultations que nous avons menées et des observations de mes collègues de la commission de la défense – que je tiens à remercier particulièrement aujourd’hui pour leur apport à ces travaux.
En fonction du statut du militaire, les cartes devraient être délivrées par la structure chargée de l’homologation de la blessure de guerre afin que le lien avec la carte soit établi de façon indubitable.
Il convient, et c’est très important, de ne pas remettre la carte de façon systématique une fois la blessure de guerre homologuée. Certains blessés ne demandent jamais l’homologation de leur blessure et d’autres, si le dispositif est adopté, ne demanderont jamais la carte pour leur famille.