La proposition de loi que vous défendez et dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit donc dans le prolongement d’un labeur de plusieurs années. On ne sort pas indemne de la lecture de votre travail, je tiens à vous le dire, partagé que nous sommes entre l’admiration à l’égard de ceux qui se dévouent pour nos blessés – de la médicalisation de l’avant aux hôpitaux militaires, de la prévention au travail de réinsertion – et l’émotion à la lecture des témoignages de ceux qui sont marqués à jamais par cette épreuve – les blessés, bien sûr, mais aussi leurs familles.
Je tiens à vous remercier chaleureusement pour cet engagement : c’est le signe incontestable que la France ne les oublie pas, dans un moment où nos forces connaissent un niveau d’engagement exceptionnel. Cette attention au risque du métier de soldat joue un rôle fondamental dans leur moral et dans la confiance qu’il porte à l’institution. Elle participe donc aussi de l’efficacité opérationnelle de nos forces.
Vous me permettrez donc, mesdames et messieurs les députés, de commencer par situer cette proposition de loi dans le cadre de l’action que le ministère de la défense mène depuis quatre ans pour la prise en charge des blessés. Vous le savez, il s’agit là d’une préoccupation personnelle du ministre depuis sa prise de fonction. J’en viendrai ensuite à ce qui nous rassemble aujourd’hui : l’accompagnement et la reconnaissance de leurs familles.
Je tiens d’abord à rendre hommage aux cellules d’aide aux blessés des trois armées, à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ainsi qu’au Service de santé des armées pour leur engagement exceptionnel.
Pour soutenir nos blessés et leurs familles, la communauté de défense dans son ensemble se mobilise en une cohésion où s’éprouve la force du lien entre les armées et la Nation – je pense bien sûr à tous les services du ministère qui concourent à cette tâche mais, aussi, à l’engagement exemplaire du monde associatif : Solidarité Défense, Terre Fraternité, l’Œuvre nationale du Bleuet de France, l’Association nationale des femmes de militaires, l’Association pour le développement des oeuvres d’entraide dans l’armée, la Fondation des oeuvres sociales de l’Air. Toutes ces associations et bien d’autres, à un titre ou à un autre, ont à coeur de faire en sorte que la reconnaissance de la Nation soit à la hauteur du dévouement de nos soldats et des épreuves que traversent leurs familles.
Le ministre, depuis quatre ans, cherche à répondre à la question de l’amélioration du soutien et de l’accompagnement de nos militaires blessés et de leurs familles. Nous avons engagé depuis 2012 un effort considérable pour améliorer les modalités de mise en oeuvre du droit à réparation, pour renforcer l’accompagnement des blessés et des familles et pour que la reconnaissance de la Nation soit à la hauteur de l’engagement et des sacrifices consentis par les femmes et les hommes de nos armées.
Mais la dimension financière n’est qu’une composante de l’action du ministère. Parallèlement, de nombreux dispositifs ont été mis en oeuvre pour renforcer l’accompagnement dans la durée des blessés et de leurs familles.
Je tiens d’ailleurs à mentionner l’institution d’un parcours global de soins pour les militaires blessés défini dans le nouveau guide du parcours du soldat blessé : il s’agit d’un parcours individualisé qui comporte une offre importante d’accompagnement dans les différents domaines touchant à la réinsertion : médical, administratif, social, professionnel ou, encore, sportif, avec le retour à l’emploi comme étape ultime de ce parcours.
Nous sommes conscients que des progrès restent à accomplir. Notre action se poursuit donc, guidée par cette exigence.
À la suite de votre rapport de 2014 et après un long travail d’expertise, une nouvelle impulsion a été donnée au plus haut niveau du ministère. Le 10 novembre 2015, un plan d’action ministériel relatif à l’amélioration de la prise en charge du soldat blessé a ainsi été approuvé. Il est structuré en cinq objectifs et a été lancé sous l’autorité du cabinet du ministre de la défense au mois de janvier 2016. Un comité de pilotage assure le suivi des actions, qui doivent toutes avoir été mises en oeuvre avant la fin de l’année 2016.
Il s’agit d’abord d’organiser les états généraux de l’accompagnement du syndrome post-traumatique. Une première session s’est tenue au début du mois de mai et la prochaine sera organisée après l’été. Il faut aussi réduire les délais de traitement des demandes de pensions militaires d’invalidité et améliorer l’efficacité des dispositifs de reconversion des militaires blessés. Nous expertisons en ce moment les conditions et modalités de création d’une maison interarmées du blessé à l’hôtel national des Invalides. Enfin, l’amélioration du système d’information relatif aux blessés a été confiée au Service de santé des armées.
Comme vous pouvez le constater, nous sommes déterminés à agir et vous pouvez être assurés de l’implication personnelle du ministre sur ces sujets.
J’aborde à présent la question de l’accompagnement des familles, sujet de votre proposition de loi.
Je rappelle les aides matérielles que nous avons instaurées telles que la prise en charge des frais de transport, d’hébergement et de restauration pendant 21 jours pour que les proches parents puissent se rendre au chevet des convalescents, ou la carte de circulation SNCF temporaire accordée aux familles pendant la durée d’hospitalisation du militaire blessé en opération extérieure.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, les familles peuvent désormais également bénéficier de l’accès aux appartements de la maison des familles et des blessés de l’hôpital d’instruction des armées de Percy, que le ministre a en effet inaugurée le 7 avril 2015 – vous étiez d’ailleurs présent à la pose de la première pierre quelques mois plus tôt. À cela s’ajoute une semaine de séjour gratuit dans un centre de loisirs de l’Institution de gestion sociale des Armées.
Aboutissement d’un projet au long cours, la maison des blessés de Percy permet de garantir la meilleure prise en charge possible aux blessés qui sont en suivi de soins et aux familles qui accompagnent leurs proches dans ces moments difficiles.
C’est bien pour répondre à l’enjeu fondamental de l’accompagnement des familles qui viennent au chevet de leur proche – bien souvent dès les premiers jours après la survenue de l’accident – que cette maison a été pensée. Nous savons tous combien le lien familial est fondamental dans toutes les étapes de la prise en charge, notamment les plus aiguës. Un pas de plus a ainsi été franchi dans l’accompagnement des familles. Outre le fait de ne plus avoir à se préoccuper des prix et des problèmes de transports liés à l’hébergement en région parisienne, une telle structure leur permet d’être pleinement intégrées au projet de réadaptation de leur proche et d’être soutenues par l’aide des assistantes sociales, des psychologues ou des juristes présents à leurs côtés. C’est pourquoi cette maison est autant celle des blessés que de leurs familles. Les uns ne peuvent se relever de cette épreuve partagée sans les autres.
Nous apportons aussi d’autres formes de soutien aux proches en les informant notamment de leurs droits et des démarches à accomplir mais, surtout, depuis l’année dernière, les familles des blessés peuvent bénéficier des services des psychologues du Service de santé des armées via des entretiens téléphoniques ou des consultations médicales.
Le ministère de la défense ne peut donc que saluer l’idée d’instituer une carte de famille des blessés de guerre, symbole de la reconnaissance de la Nation pour le rôle primordial que joue la famille dans la reconstruction du blessé.
Une telle carte viendrait utilement renforcer les mesures déjà mises en oeuvre pour le soutien aux familles. Nous sommes convaincus, comme vous le rapportiez dans votre travail de 2014, que les familles de militaires ont autant besoin de reconnaissance que les soldats eux-mêmes. Or elles ne sont naturellement pas décorées. Vous aviez reçu le témoignage, à ce propos, de la présidente de l’Association nationale des femmes de militaires, qui considérait que ce qui faisait le plus défaut aux femmes de militaires blessés, c’était justement la reconnaissance.
Toutefois, en cohérence avec le code des pensions militaires d’invalidité, et pour éviter qu’un lointain parent ne puisse prétendre à l’obtention de la carte, alors même qu’il n’a pas contribué au soutien du blessé, le ministère de la défense souhaite restreindre le périmètre de la notion de « famille » de votre proposition de loi aux ascendants, au conjoint et aux enfants. Mais il est vrai que nous avons pu en plusieurs circonstances, et au cas par cas, reconnaître d’autres membres ayant joué un rôle éminent dans l’accompagnement ou la guérison du militaire blessé – un frère ou un oncle, par exemple. Le dispositif nouveau que constitue la carte de famille des blessés de guerre devrait donc également permettre de prendre en compte, d’une façon ou d’une autre, ces exceptions.
Par ailleurs, au sein du ministère de la défense, nous partageons l’idée que cette carte de famille de blessés de guerre marque, d’abord et avant tout, une reconnaissance de la Nation. Elle a une portée symbolique forte et doit donc être détachée de l’attribution de droits. Cependant, elle pourrait également être un vecteur de renforcement du lien entre les armées et la Nation, en permettant notamment aux élus locaux de mieux connaître ces familles et, pourquoi pas, de leur accorder quelques facilités matérielles, déjà reconnues à d’autres catégories de personnes. En la matière, les services départementaux de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONACVG, pourront jouer un rôle éminent pour créer le lien entre ces familles et les élus locaux.
Je constate que les remises les plus récentes de l’insigne des blessés de guerre, aux anciens du Drakkar ou aux blessés psychiques de l’armée de terre des OPEX, ont eu lieu en présence des familles, qui ont été mises en avant au même titre que le militaire blessé.
Nous pensons donc que la carte de famille de blessé de guerre serait une institution utile, si le militaire blessé en fait la demande, en même temps que l’insigne des blessés de guerre lui est remis. Cependant, tant que les modalités d’application – notamment les contours exacts de la « famille » – ainsi que les modalités d’octroi et de remise de la carte de famille de blessés ne seront pas définies précisément, le Gouvernement s’en remettra, sur l’ensemble de cette proposition de loi, à la sagesse de votre assemblée. Il propose par ailleurs qu’un groupe de travail, auquel participerait l’ONACVG, en définisse les modalités d’application.