Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 9h30
Carte de famille de blessé de guerre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, monsieur le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, de saluer le courage et le professionnalisme de tous nos soldats, déployés en opérations extérieures, mais également sur le territoire national. J’y ajoute bien sûr une pensée toute particulière pour l’ensemble de nos forces de l’ordre.

Nous rendons tout particulièrement hommage aux hommes tombés pour la France, ainsi qu’à tous les soldats blessés, dans leur âme et dans leur chair, parce qu’ils se battaient pour notre pays. Cet engagement de nos troupes, c’est avant tout l’engagement de la France pour la liberté et contre le terrorisme. À ce titre, la Nation doit à ces hommes et à ces femmes toute sa gratitude. C’est pourquoi nous devons tout mettre en oeuvre afin que leur sacrifice et leurs souffrances soient pleinement reconnus.

Les blessés de guerre bénéficient actuellement d’une solide prise en charge, dès leur blessure sur le terrain, puis durant tout leur parcours de soins. Ils sont également accompagnés dans leur processus de reconstruction, sur le plan physique et psychologique. À ce titre, nous souhaitons saluer l’engagement des cellules d’aide aux blessés, qui font un travail de suivi remarquable et permettent bien souvent à ces soldats blessés de garder un lien avec l’institution militaire.

Le droit à réparation permet ensuite de matérialiser la gratitude de la Nation envers les soldats qui ont souffert pour elle, à travers des dispositifs concrets, tels que la pension militaire d’invalidité et les indemnisations complémentaires. À ce titre, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants regrette la très faible augmentation de la valeur du point de la pension militaire d’invalidité, qui n’est passé, entre le 1er février 2005 et le 1er janvier 2015, que de 12,95 à 14 euros. Cette augmentation, de moins de 8 %, ne permet malheureusement pas une revalorisation suffisante de la pension militaire d’invalidité et demeure bien inférieure à l’inflation, qui a progressé, quant à elle, de 14,80 % au cours de la même période.

C’est pourquoi les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants ont, à plusieurs reprises, demandé au Gouvernement d’augmenter la valeur du point de la pension militaire d’invalidité pour le porter à 20 euros, niveau qui devrait être le sien si le rapport constant avait été respecté. Nous continuerons de formuler cette demande, qui est à nos yeux essentielle, tant pour les soldats blessés que pour les anciens combattants. En effet, la valeur du point de la pension militaire d’invalidité conditionne également le niveau de la retraite du combattant qui, après avoir connu une forte augmentation entre 2005 et 2012, est demeurée bloquée depuis le début du quinquennat, ce que nous ne pouvons que déplorer.

Au-delà de ce droit à réparation, la reconnaissance se manifeste également par des mesures symboliques, comme l’attribution de décorations, telles que la médaille militaire, la médaille de la Défense nationale, échelon or, ou encore l’insigne des blessés militaires, qui demeure la décoration emblématique. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants souhaite d’ailleurs saluer l’évolution positive qu’a connue la remise de cet insigne qui, après avoir fait l’objet pendant des années de réticences et de pratiques divergentes, est aujourd’hui décerné sans hésitation par les armées à leurs blessés.

Il n’est pas à démontrer que la reconnaissance est en effet une étape essentielle du processus de reconstruction du blessé, mais également de son entourage. C’est pourquoi il est nécessaire que des mesures symboliques de reconnaissance s’adressent directement aux familles des soldats blessés. En effet, la blessure des soldats n’affecte pas uniquement le blessé. Elle a également des conséquences majeures sur sa famille, que celle-ci reste unie autour du blessé, ou qu’elle ne parvienne pas à faire face au choc. La famille est toujours violemment touchée, puisqu’elle voit nécessairement son mode de fonctionnement brutalement modifié, et ses projets de vie remis en cause.

Les chiffres disponibles sont actuellement très parcellaires, mais les personnes touchées sont potentiellement très nombreuses. En effet, ce sont près de 60 000 soldats qui sont passés en Afghanistan à partir de 2001. Et, après 2007, 4 000 y ont été déployés en permanence, dans des combats durs et des situations de stress qui n’avaient pas été observées depuis très longtemps. Actuellement, près de 10 000 soldats sont déployés sur vingt-cinq théâtres d’opération, que ce soit au Sahel, en Irak et Syrie, au Liban, ou encore en République centrafricaine. En outre, près de 13 000 soldats sont mobilisés en permanence sur notre sol, dans le cadre des opérations Vigipirate et Sentinelle.

Notre rapporteur, que je salue pour son excellent travail, a montré, à partir du cas de 2 000 soldats blessés, qu’en se limitant aux ascendants directs, conjoints et enfants, le nombre de parents directement touchés par la blessure de ces militaires s’élèverait à plus de 9 000. En réalité, il est évident que l’impact est encore plus important. En effet, des études ont mesuré une proportion de 7 % de soldats atteints de blessures psychiques à leur retour d’opérations extérieures – et, dans certaines unités combattantes, cette proportion peut même atteindre 100 %.

La prise en compte de plusieurs milliers d’anciens combattants, parmi lesquels se trouveront malheureusement de nombreux blessés – sinon physiquement, du moins psychologiquement – et de leur famille, s’annonce donc comme un redoutable défi social pour les années à venir, auquel notre armée se devra de répondre de la manière la plus complète et humaine possible, sous peine de susciter frustration et incompréhension.

La mesure symbolique que représente l’attribution d’une carte de famille de blessés de guerre poursuit cet objectif. C’est pourquoi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants apporte son soutien plein et entier à la proposition de loi portée par nos collègues du groupe Les Républicains, dont nous nous félicitions de l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.

Les familles, qui souffrent véritablement d’un second impact de la blessure, méritent bien entendu la reconnaissance de la Nation, au-delà du soutien matériel et psychologique qui leur est apporté. En outre, les médecins semblent unanimes pour dire qu’un blessé bien entouré se rétablit mieux et plus rapidement. Il est donc indispensable, dans l’intérêt du blessé, de sa famille, de nos armées et, au-delà, de la société tout entière, qu’une aide soit apportée à la famille pour que, d’une part, le blessé guérisse plus vite et que, d’autre part, la blessure initiale fasse le moins possible de victimes collatérales.

Nous considérons que l’attribution d’une carte de famille de blessé de guerre est un premier pas indispensable vers une matérialisation de la reconnaissance de la nation envers les familles des blessés, elles qui ont soutenu le blessé, qui ont consenti des sacrifices et qui ont souffert par et avec lui. Une telle carte serait également une affirmation de l’appartenance des familles de blessés à la communauté de défense et de la considération qui leur est due. Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera résolument pour cette proposition de loi.

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