Depuis la fin de la guerre d’Algérie, plus de 600 Français sont tombés au combat. En 2015 plus de 7 000 militaires français étaient déployés en OPEX. Notre engagement au Mali notamment a été coûteux en vie humaines. La nation toute entière rend régulièrement hommage à cette jeunesse de France qui accepte de se sacrifier pour sa patrie, au milieu de politiques internationales parfois incompréhensibles. Leur sacrifice, comme celui de nos aînés à Verdun et ailleurs, nous rappelle que nos bisbilles parlementaires valent bien peu devant l’honneur et la vertu de nos soldats.
Les blessés de guerre, selon l’évaluation du rapporteur, touchent 9 000 personnes dans le cadre familial, sans compter, je crois, les conséquences pour les ascendants, nos soldats étant souvent très jeunes. Ces milliers de personnes méritent le plus grand respect de la nation tout entière. Pour expliquer les pertes des premières années de la guerre de 14, le général de Castelnau disait : « Nous avons péché par infatuation » et, aujourd’hui, beaucoup dans les rangs ne supportent plus l’infatuation d’un certain héritage de mai 68 qui, après les avoir brocardées, a trop souvent oublié les souffrances, qui, elles, persistaient dans la plus pure et la plus honorable tradition de la Grande Muette.
On peut d’ailleurs saluer le travail extraordinaire de l’hôpital militaire de Percy et de l’institution des Invalides. Aux blessés d’Afghanistan, du Mali, de Centrafrique et de tant d’autres théâtres d’opérations, ils savent fournir l’attention et l’assistance nécessaires pour panser ce qui peut l’être. On pense notamment au choc sourd des difficultés post-traumatiques qui enferment le soldat et sa famille dans une marge délicate de la société. Face à un monde qui ne comprend pas son engagement, voire qui, comme lors des manifestations de la CGT, tente d’attaquer l’institution des Invalides, le soldat meurtri a besoin de la sollicitude et du professionnalisme dont font preuve tant de médecins.
Le rapport de mon collègue Olivier Audibert Troin le souligne d’ailleurs avec précision : « Dans le cas particulier des victimes de stress post-traumatique, le caractère invisible de la blessure est, pour la famille, une difficulté majeure. Le délai de latence est également déstabilisant, la maladie pouvant se déclarer des mois, voire des années après la survenue de la blessure restée cachée jusque-là. Le mutisme, l’isolement, l’hyperactivité, l’irritabilité, les phobies, les addictions, les cauchemars sont autant de comportements difficiles à supporter et à admettre par le conjoint et les enfants qui doivent les endurer. » J’espère que l’engagement du Gouvernement ira dans une prise en compte très pointue de ce sujet !
La carte de la famille de blessé de guerre est une excellente initiative. Je tiens dès à présent à vous en féliciter. Tout une série d’initiatives doivent d’ailleurs s’y retrouver : le pacte Défense PME pourrait intégrer des recrutements facilités pour les familles de blessés, la DRHAT – Direction des ressources humaines de l’armée de Terre – pourrait développer un pôle spécifique, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerres pourrait faire bénéficier les familles concernées de son réseau extraordinaire, tant d’autres projets étant possibles ! C’est pourquoi j’aurais aimé que la création de cette carte par le ministère de la défense intègre celle d’un processus dédié dans l’ensemble des ministères français.
Je pose aussi la question de la place accordée à la gendarmerie dans ce modèle. On connaît la décision néfaste qui a consisté à faire passer la gendarmerie nationale sous le contrôle du ministère de l’intérieur. On sait également que nos gendarmes n’ont jamais admis cette volonté. Et ils ont bien raison. Mais sortir les gendarmes du dispositif de la carte de familles de blessés de guerre alors qu’ils assurent des missions de prévôté et de protection d’ambassades, notamment à Bagdad et à Kaboul, serait contraire au bon sens. Aux côtés de nos soldats, des gendarmes risquent leur vie au cours de missions extérieures : leurs familles doivent bénéficier de ce lien fort qui existe avec le ministère de la défense. Il serait inacceptable que les familles de gendarmes ne bénéficient pas de cette initiative, monsieur le secrétaire d’État !
Je vous adresse donc, monsieur le rapporteur, toutes mes félicitations pour ce texte qui, je l’espère, sera complété par cette modeste mesure au profit des gendarmes – un complément qui ne sera pas majeur au plan financier mais sera essentiel au plan symbolique.
Enfin, quelle est la place dans le texte des blessés des attentats terroristes ? Ils sont les victimes de la pire des guerres, celle qui annihile tous les droits de l’homme, de la femme et des enfants. Ils devraient être concernés car ils ont également droit à notre sollicitude.