Le concept de noeud réglementaire traduit d'abord l'idée que l'abattoir n'est pas un lieu où l'on tue et on fait les choses n'importe comment : c'est un endroit extrêmement réglementé. Il est important de se souvenir que, historiquement, c'est dans les abattoirs, à Chicago, en 1860, que naît le travail à la chaîne, avec la parcellisation et la rationalisation des tâches : c'est en allant les visiter que Henry Ford cherchera à faire la même chose pour fabriquer ses automobiles. Le taylorisme est né dans les abattoirs. Stéphane Geffroy montre bien dans son livre que c'est encore le cas aujourd'hui. Même si, grâce aux treuils et aux systèmes pneumatiques qui facilitent le maniement et la circulation des animaux et des carcasses, le travail en abattoir n'exige plus la même force physique, le principe reste le même, avec une organisation et des cadences très précises.
La rationalisation du travail s'est effectuée en plusieurs étapes, motivée d'abord par des considérations de marché, puis, très rapidement, par des préoccupations hygiénistes, qui ont conduit à sortir les abattoirs des villes, à en faire des lieux fermés et à encadrer très fortement les pratiques. La pression sanitaire a été le principal vecteur de la modernisation de l'abattage, l'objectif essentiel des contrôles mis en place étant de garantir un état sanitaire optimal des viandes et des animaux.
Cela étant, la préoccupation de la protection animale n'est pas si récente qu'on le croit. On a réellement commencé à s'en préoccuper dans les années quatre-vingt-dix et à modifier le code rural en conséquence ; mais la survenue de la crise de la vache folle a focalisé tous les efforts sur l'amélioration des conditions sanitaires en abattoir et faire passer la question du bien-être animal au second plan des préoccupations de l'inspection vétérinaire, quand bien même certains vétérinaires sont toujours restés sensibles à cet enjeu. À la même époque, une grosse structure privée a d'ailleurs l'idée de mettre en place dans ses abattoirs un audit bien-être animal afin de valoriser l'image de la viande qu'elle vendait.