À titre liminaire, il est important de rappeler que l'administration pénitentiaire est une administration dont les moyens de fonctionnement et la masse salariale croissent considérablement depuis plusieurs années. Entre 2012 et 2016, la masse salariale (titre 2) a, en effet, augmenté de 17 % et hors titre 2, les crédits ont crû de 16 %. Au total, les moyens dont bénéficie l'administration pénitentiaire ont connu une hausse de 17 % depuis 2012. Pour l'année 2015, entre les créations opérées en loi de finances, les plans de lutte contre le terrorisme et le transfert d'emplois du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice pour effectuer les extractions judiciaires, l'administration pénitentiaire a obtenu 1 171 créations d'emplois. Elle a procédé à 2 058 recrutements dont 1 555 surveillants et 344 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Il s'agit de recrutements considérables qui mettent sous tension l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP).
Toutefois, concernant les emplois de surveillant, alors que nous attendions un recrutement de 717 surveillants, seules 426 créations d'emplois ont été effectives, auxquels s'ajoutent les transferts d'emplois, ce qui fait que nous n'atteignons pas le plafond d'emplois fixé en loi de finances. En effet, les départs chez les personnels de surveillance sont très importants. Nous sommes capables d'évaluer et de prédire de façon relativement exacte les départs à la retraite. En revanche, il nous est plus difficile d'évaluer les départs liés à des démissions, à des détachements auprès d'autres administrations ou à une promotion interne qui est extrêmement dynamique au sein de l'administration pénitentiaire. Ainsi, beaucoup de surveillants passent et réussissent le concours de CPIP. De fait, les départs, soit en cours de scolarité soit à la toute fin de la scolarité, sont très importants, de l'ordre de 8 à 10 %.
À ce phénomène, s'ajoute le manque d'attractivité du métier de surveillant qui crée une vraie difficulté pour l'administration pénitentiaire, à un moment où l'ensemble des forces de sécurité recrutent massivement des personnels. L'administration pénitentiaire n'est pas celle qui attire au premier chef de jeunes recrues. La moyenne d'âge des élèves de l'École est d'ailleurs de 29 ans : on devient surveillant plutôt dans une seconde partie de carrière, après avoir connu une expérience professionnelle dans le privé et, souvent, une période de chômage.
Nous avons souhaité engager une réflexion de fond sur ce problème dans le cadre de la sortie de crise du conflit social qui a eu lieu à l'automne et l'hiver 2015. Nous avons créé une prime de fidélisation, à l'instar de ce qui se fait dans la police nationale, qui vise à stabiliser des jeunes surveillants dans leur premier emploi, notamment dans les établissements pénitentiaires peu attractifs qui connaissent d'importantes vacances d'emplois. Cette prime est en cours d'élaboration avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique. Le dispositif devrait permettre à la fois de reprendre le stock des agents qui ont été affectés dans des établissements à faible attractivité et de faire bénéficier les nouveaux agents qui arriveront dans ces établissements, à partir de 2017, d'un système favorisant leur stabilité pendant cinq ans sur le premier poste.
Nous avons souhaité également réfléchir sur la régionalisation des concours, qui serait un moyen efficace de recruter des surveillants dans des régions où cela est difficile : en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), dans la région lyonnaise et en région parisienne. Cette régionalisation est cependant difficile à faire accepter aux organisations professionnelles, qui y voient un frein à la mobilité et le risque pour les titulaires de manquer de possibilités de changer d'affectation en cours de carrière. Les discussions ne sont pas encore parvenues à leur terme.
Les enjeux de recrutement sont donc très importants pour l'administration pénitentiaire. Il est prévu en 2016 de procéder à 2 160 recrutements. Je rappelle que l'administration pénitentiaire dispose d'une seule et unique école qui forme la totalité de ses agents. L'école sera encore davantage mise sous tension au cours des années à venir car les générations « Chalandon », c'est-à-dire les générations de surveillants qui ont été recrutés massivement au début des années 1990, commenceront à partir à la retraite dès 2020. Ceci pose la question de la capacité de l'École – telle qu'elle est aujourd'hui calibrée – à former tous ces nouveaux surveillants.
Nous connaissons un taux de vacance d'emplois dans l'administration pénitentiaire qui reste très élevé et que nous essayons de combler. Au 6 juin 2016, le nombre de vacances parmi les surveillants était de 1 419, ce qui est très important. Le taux de couverture global, qui est de 94 %, peut paraître élevé mais dans un établissement pénitentiaire dans lequel le travail est posté, il est extrêmement important de saturer les emplois pour que l'ensemble des postes soit couvert. Nous avons connu des pics de vacance comme en mai 2016, de 1 800 emplois, ce qui met évidemment les établissements en grande difficulté. Grâce aux recrutements de 2015 et de 2016, nous souhaitons faire baisser le nombre de vacances aux alentours de 1 000 début 2017 et aux alentours de 300 début 2018. Non seulement il faut que nous parvenions à recruter massivement des personnels de surveillance en disposant d'un dispositif attractif, mais nous devons également parvenir à former l'ensemble de ces agents et fiabiliser le système en les sédentarisant le plus longtemps possible sur leur premier poste.
Concernant le fonctionnement des établissements, l'exécution 2015 en crédits de paiement s'est élevée à 1,217 milliard d'euros, ce qui représente la totalité des crédits arbitrés dans le schéma de fin de gestion, soit un taux de consommation de 100 % des crédits disponibles. Les premiers postes de dépenses concernent la gestion déléguée et les contrats de partenariat public-privé (PPP), puis viennent l'immobilier, la gestion publique et enfin, la santé des personnes. Ce dernier poste représente 37 millions d'euros de dépenses dans les services déconcentrés et 95 millions d'euros de cotisations, ce qui est considérable.
Les faits marquants de la gestion en 2015 sont liés d'abord à une baisse de 2 % des charges à payer par rapport à 2014. Cette baisse, hors dépenses de santé, est de 15 %. Les dépenses de santé ont quant à elles connu une augmentation très importante de 31 % entre 2014 et 2015. Plusieurs facteurs expliquent la progression des dépenses : outre les annulations intervenues dès la discussion du projet de loi de finances, le programme 107 a subi plusieurs annulations de crédits en cours de gestion pour un montant de plus de 79 millions d'euros, alors que des besoins nouveaux ont impacté la gestion. Au 31 décembre 2015, plusieurs marchés de gestion déléguée sont arrivés à échéance et ont été renouvelés dans le cadre des marchés publics d'exploitation-maintenance et de services à la personne des établissements pénitentiaires (MGD-2015). Ce nouveau marché a été notifié en septembre 2015 afin de préparer son démarrage en septembre 2016 et l'avance prévue aux marchés a été payée en quasi-totalité en 2015, soit un montant de 8 millions d'euros.
La rigidité de certains déterminants de l'administration pénitentiaire (les taux d'indexation en application de dispositions contractuelles, les taux d'occupation des établissements…) explique l'évolution de ces dépenses de plus de 15 millions d'euros par rapport à 2014.
En 2015, quatre structures pénitentiaires ont été mises en service : la maison centrale de Vendin-le-Vieil, le centre de semi-liberté de Paris-La Santé, qui est passé en contrat de partenariat public-privé, et les centres pénitentiaires de Beauvais et Valence. L'administration pénitentiaire a, en outre, pris possession du centre pénitentiaire de Riom.
La mise en oeuvre de la loi du 15 août 2014 a entraîné de nombreux déménagements ou redimensionnements des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) afin de permettre l'accueil de 1 000 agents sur la période 2015-2017, soit une augmentation de 20 % de ces services. Ce cycle de déménagements n'est pas encore terminé. Nous avions obtenu environ 2 millions d'euros à cet effet ; la dépense s'est finalement élevée à 17 millions d'euros pour 2015 pour permettre d'installer ces agents dans des conditions de travail satisfaisantes.
S'agissant du service de santé déconcentrée, la mise en place du nouveau circuit de facturation centralisé entre la direction de l'administration pénitentiaire, la direction de la sécurité sociale et la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a nécessité d'engager l'apurement de la dette sanitaire de l'administration pénitentiaire en recensant les factures de santé. Un effort significatif a été réalisé pour honorer leur paiement. La dépense de santé déconcentrée et celle due à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) s'élèvent ainsi à 133 millions d'euros contre 129 millions d'euros prévus en loi de finances initiale en 2015 et 127,3 millions d'euros en 2014. Faute de crédits de paiement pour honorer les factures, les restes à payer ont augmenté de façon conséquente de 31 % par rapport à 2014, pour atteindre 38,5 millions d'euros.
Enfin, l'investissement immobilier, hors contrats de partenariat public-privé, a lui aussi progressé, malgré un schéma de fin de gestion comportant des annulations et des reports de crédits de paiement. Sur les opérations menées par l'agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), la dépense s'élève à 192 millions d'euros, portant principalement sur les opérations du centre pénitentiaire des Baumettes (55 millions d'euros), du centre de Fleury-Mérogis (40 millions d'euros), du centre pénitentiaire de Papéari (37 millions d'euros) et du centre pénitentiaire de Draguignan (24 millions d'euros). La dépense des services déconcentrés a été de 104 millions d'euros, dont 14 millions mobilisés dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste (PLAT), avec l'aménagement des unités dédiées mais surtout la mise en oeuvre des mesures de sécurisation afin d'éviter l'introduction de moyens de communication illicites, l'installation des filets anti-projections ainsi que l'amélioration des conditions de détention. Nous avons ainsi supprimé des dortoirs dans les établissements d'Angoulême et de Draguignan. La consommation de l'ensemble du budget opérationnel du programme immobilier est en progression de 13,5 %, soit plus de 35 millions d'euros.
Enfin, l'année 2015 a été marquée par l'effort national de lutte contre le terrorisme auquel l'administration pénitentiaire a pris part, en dépit d'une mise à disposition tardive des crédits ouverts par le décret d'avance du 9 avril 2015. Le taux d'exécution des crédits s'élève à 92 % en crédits de paiement, témoignant ainsi de la forte mobilisation des personnels et de la nécessaire couverture des besoins déjà identifiés. Les dépenses en matière immobilière ont été exécutées à 100 % : il s'agit de l'équipement des unités dédiées mais aussi d'autres dépenses de sécurisation des établissements pénitentiaires. La gestion publique implique essentiellement des dépenses de réinsertion avec le financement de nombreux programmes de prise en charge ainsi que des activités dans les établissements pénitentiaires, à hauteur de 9,7 millions d'euros, qui ont été exécutées à 83 %.
L'ENAP a été renforcée en raison de l'effort considérable qui lui a été demandé, en termes de formation de l'ensemble des jeunes agents et de formation continue sur le processus de radicalisation, avec notamment les enjeux de sa détection.
Enfin, nous avons financé une importante campagne de communication pour recruter des personnels de surveillance – vous avez sans doute pu voir des affiches sur les autobus ainsi que la campagne télévisuelle qui a été lancée et qui est la même que celle de l'année dernière.