Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 4 juillet 2012 à 12h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'économie, des finances :

Je suis très heureux et honoré d'être auditionné par votre commission. Je souhaiterais rendre hommage au député Olivier Ferrand qui aurait dû siéger dans vos rangs et qui aurait constitué un élément de talent au sein de la commission.

Nous posons, dès les premiers jours de cette nouvelle législature, les premiers jalons de la politique économique de « redressement dans la justice » voulue par le Président de la République. L'ordre du jour est effectivement chargé : le projet de loi de règlement présente un panorama détaillé – plutôt sombre d'ailleurs – de la situation financière du pays ; le débat d'orientation des finances publiques offre une perspective d'ensemble et permettra au Parlement d'apporter son soutien aux inflexions nécessaires pour redresser les comptes et l'économie du pays ; enfin, le projet de loi de finances rectificative constituera la première étape de notre plan d'ajustement des comptes publics et de justice fiscale.

Le Parlement sera pleinement associé à ce chantier crucial qui doit allier, dans la durée, crédibilité budgétaire et changement. Jérôme Cahuzac a brillamment assuré la présidence de votre commission dont j'étais un modeste membre sous la précédente législature. Il connaît et respecte donc la rigueur et la qualité de vos travaux. En tout état de cause, nous partageons la même volonté d'échange avec chacun de ses commissaires. Le Gouvernement se doit de cultiver le dialogue, l'écoute et la pédagogie à l'égard des députés afin qu'ils soient pleinement associés à la conduite du changement, dans un contexte économique très difficile.

La situation économique est marquée par une croissance atone, de 0,3 % en 2012, et un taux de chômage touchant 10 % de la population active, et plus particulièrement les jeunes et les seniors. Selon le diagnostic de la Commission européenne, de l'Inspection générale des finances et d'autres instances de contrôle, la France fait face à un triple déficit tandis que les tensions demeurent très vives dans la zone euro. Le premier déficit affecte la croissance et la compétitivité. Il trouve en partie sa source chez certains de nos partenaires européens, contraints de mener des politiques d'austérité en l'absence de solution d'ensemble à la crise des dettes souveraines. En outre, la consommation des ménages étant faible, elle ne joue plus suffisamment son rôle de moteur historique de la croissance. Ce déficit s'explique enfin par une perte de compétitivité sans précédent puisque nos parts de marché à l'exportation ont reculé de 20 % au cours des cinq dernières années.

Le deuxième déficit concerne la crédibilité de notre économie : nos comptes publics dérivent au point qu'une agence de notation nous a retiré notre « triple A ». La dette publique a augmenté de 800 milliards d'euros depuis 2002. En 2011, le déficit public demeure supérieur à 100 milliards d'euros, ainsi que l'a montré la Cour des Comptes. Or, la crise ne peut à elle seule tout expliquer. Ne confondons pas gestion et malchance : confrontée à la même crise et utilisant la même monnaie, l'Allemagne a su ramener son déficit public à un niveau proche de l'équilibre en 2011.

Enfin, il en découle un déficit de confiance en l'action publique, sapée par l'instabilité, les remises en question permanentes et la confusion dans les objectifs. Certaines décisions – que nous estimons injustes, car en faveur des plus privilégiés – ont aussi entamé notre cohésion sociale.

Lors de l'élection présidentielle de mai et des élections législatives de juin, les Français ont voté pour un changement de cap : une stratégie résolue en faveur de la croissance et de la solidarité, tant à l'échelon national qu'européen, et le redressement des comptes dans la justice.

Au niveau européen, des avancées majeures pour restaurer la croissance ont été enregistrées lors du sommet des 28 et 29 juin derniers : grâce, en particulier, aux efforts de la France et au message porté par le Président de la République, la croissance a été replacée au coeur de la construction européenne. Les chefs d'État et de Gouvernement ont adopté un plan ambitieux s'élevant à 1 % du produit intérieur brut – PIB –, c'est-à-dire 120 milliards d'euros, l'équivalent du budget communautaire, comprenant de nouvelles ressources et orientant vers la croissance l'ensemble des politiques européennes.

Ils ont également adopté des mesures de stabilité financière. Avant la fin de l'année, sera mise en place une supervision financière intégrée pour mieux contrôler le système financier et contenir l'impact des crises sur les finances publiques. Les banques en difficulté pourront être recapitalisées, en réponse notamment à la situation espagnole, sans que les prêts consentis par le Mécanisme européen de stabilité – MES – et le Fonds européen de stabilité financière – FESF – reçoivent le bénéfice de la séniorité. Des interventions sur les marchés obligataires primaire et secondaire seront possibles, la Banque centrale européenne intervenant alors comme opérateur pour le compte des fonds de secours mobilisés au profit d'États ayant déjà fait des efforts importants pour redresser leur déficit structurel.

Enfin, une feuille de route a été tracée en vue d'une intégration solidaire. Cela prouve que l'Union européenne n'est pas uniquement synonyme de restrictions budgétaires et que l'on peut obtenir des résultats au niveau européen lorsque l'on formule des propositions tout en étant respectueux de ses engagements.

Au niveau national, des mesures d'urgence ont déjà été adoptées en faveur de la justice, de l'emploi et du pouvoir d'achat et nous les assumons pleinement : le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse, dit décret sur les retraites, la hausse de l'allocation de rentrée scolaire, le coup de pouce au SMIC et la création de contrats aidés supplémentaires. Ces mesures nécessaires, tant sur le plan social que sur le plan économique, ont été entièrement financées par des hausses de recettes ou des économies supplémentaires.

Les textes budgétaires de cette session visent à préserver la croissance. Le projet de loi de finances rectificative traduira ainsi, dans notre fiscalité, la priorité que nous accordons à l'emploi et à l'investissement, par exemple celui des bénéfices plutôt que leur distribution. Le collectif prévoira la suppression de certains avantages consentis aux plus petites entreprises qui n'ont pas contribué à la baisse du chômage. Il s'agit de la première étape d'un mouvement qui se poursuivra. Ainsi, au second semestre 2012 et au premier semestre 2013, nous proposerons une série de réformes ambitieuses pour redresser l'économie en permettant aux entreprises d'investir et en mettant la finance davantage au service de l'économie réelle. Il s'agira notamment d'apporter un soutien aux petites et moyennes entreprises – PME –, aux très petites entreprises – TPE –, aux entreprises de taille intermédiaires – ETI – ; et à l'investissement grâce à une réforme de l'impôt sur les sociétés – IS – et du crédit d'impôt recherche – CIR –.

Plusieurs réformes du financement de l'économie seront conduites en parallèle, avec, pour principaux axes, la création d'une banque publique d'investissement, la réforme bancaire, la réforme de l'épargne réglementée et celle de la fiscalité de l'épargne.

La fiscalité, rendue plus lisible, plus juste et plus efficace, favorisera les investissements au détriment des entreprises qui délocalisent. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault l'a indiqué lors de sa déclaration de politique générale devant cette assemblée : être juste, c'est aussi reconnaître l'apport des créateurs, des innovateurs et des entrepreneurs. En d'autres termes, le volet compétitivité de ces réformes est essentiel. L'équité suppose également une maîtrise, voire une baisse de certains prix, notamment celui du logement, et un soutien affirmé à notre commerce extérieur.

Le soutien à l'activité ne doit pas contrecarrer le redressement de nos comptes publics – une nécessité absolue, tant pour respecter nos engagements européens que pour demeurer souverain vis-à-vis des marchés financiers, restaurer la confiance et, surtout, pour dégager des marges de manoeuvre en faveur de la croissance. Le poids de la dette est désormais écrasant : l'État verse chaque année à ses créanciers plus de 50 milliards d'euros, ce qui fait désormais du service de la dette notre premier poste de dépense budgétaire. Une telle situation ne pouvant perdurer, il convient de réduire la part de la dette publique dans le PIB. Le constat de la Cour des Comptes est d'ailleurs particulièrement clair à cet égard. Si les déficits ont effectivement été réduits à 5,2 % en 2011, leur niveau spontané dérivait vers 5 % en 2012. Il fallait donc opérer dès cette année des choix structurels.

Nous avons choisi la sincérité, en commençant par bâtir notre stratégie budgétaire et fiscale sur des prévisions de croissance réalistes – 0,3 % en 2012, soit un taux très légèrement inférieur à la prévision de l'INSEE mais conforme au consensus établi par les économistes, et 1,2 % en 2013. Le retour de la croissance sera donc graduel. Le principe de sincérité suppose également que nous définissions de manière parfaitement claire nos objectifs et les moyens d'y parvenir. Nous visons à contenir le déficit budgétaire à 4,5 % en 2012, à le ramener à 3 % en 2013 grâce à un effort très important, puis à poursuivre ce redressement afin d'atteindre l'équilibre des comptes publics en 2017. Ce cadre apportera de la visibilité à tous les acteurs qui investissent, consomment et exportent. Nos engagements, rappelés à plusieurs reprises par le Gouvernement, y compris à nos partenaires européens, seront tenus tout en menant une politique de justice.

Le redressement économique implique des efforts significatifs que nous souhaitons répartir équitablement : entre recettes et dépenses, dans le temps, entre le secteur privé et le secteur public, au sein du secteur public, et entre ménages et entreprises. Les ménages les plus aisés et les grandes entreprises dont les taux d'imposition sont les plus faibles seront mis à contribution. L'efficacité économique doit rejoindre l'exigence politique et sociale.

Premier élément de cette politique de redressement, le projet de loi de finances rectificative – LFR – que Jérôme Cahuzac va vous présenter vise à sécuriser l'objectif de 4,5 % de déficit public à la fin de l'année sans briser une croissance vacillante. Il nous faut, pour ce faire, calculer au plus juste l'effort à fournir : il consiste en 7 milliards d'euros de recettes supplémentaires et en des économies de dépenses. En outre, nous souhaitons soutenir le pouvoir d'achat des Français. Enfin, la LFR replacera la justice sociale au coeur du système fiscal en revenant sur les mesures que nous considérons comme les plus injustes et, au demeurant, les plus inefficaces de la législature précédente : la TVA dite « sociale » ou anti-compétitivité...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion