Il aurait mieux valu que l'acte III de la décentralisation précède la modification des scrutins locaux. Mais soit.
Dans notre République, l'usage veut néanmoins que le mode d'élection ne subisse pas de changement dans l'année précédant le vote. Or, on va rompre avec cette tradition si les allers-retours avec le Sénat se prolongent.
Le refus du Sénat d'adopter ce projet de loi révèle d'ailleurs une insuffisance de concertation.
Je ne suis pas absolument pas convaincu par votre binôme. Deux candidats sont élus ensemble, mais ils exercent leur mandat séparément. Ce système inédit, qui n'existe nulle part au monde, permettra d'atteindre votre objectif de parité, mais il créera une concurrence ingérable, une véritable « usine à gaz ». Un scrutin de liste départemental aurait permis de consolider l'ancrage territorial, d'assurer l'égal accès des hommes et des femmes au mandat et de garantir la représentation de l'ensemble des forces politiques.
Enfin, contrairement à votre présentation, les exigences pesant sur le redécoupage des cantons n'émanent pas du Conseil constitutionnel, mais de décisions du Conseil d'État rendues à l'occasion de modifications très ponctuelles des limites territoriales des cantons. Votre redécoupage s'apparente donc à un « tripatouillage », puisque les cantons ne correspondront plus aux circonscriptions électorales, alors même que le mode de scrutin législatif va lui aussi évoluer. Bien que les collectivités « territoriales » aient une existence constitutionnelle dans la République décentralisée, des pans entiers de « territoires » cesseront d'être représentés. Or, le développement équilibré du territoire national constitue l'un de nos défis majeurs. Dans un département comme la Côte d'Or, qui compte 706 communes, ma circonscription législative représente 54 % du territoire et regroupe 17 cantons. Avec cette réforme, nous passerons à 4 cantons ! Cela fera d'immenses circonscriptions et aboutira à une primauté de fait de la principale agglomération. Tout cela est très dangereux pour notre organisation territoriale.