Intervention de Manuel Valls

Réunion du 30 janvier 2013 à 11h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur :

S'agissant de l'intercommunalité, j'ai évoqué la perspective d'une évolution supplémentaire à l'horizon 2020. Le fléchage – qui était déjà prévu dans le texte du précédent Gouvernement – est un point d'équilibre entre ceux qui s'inquiètent d'une déperdition du poids et de l'identité de la commune et ceux qui souhaiteraient aller plus loin. C'est le meilleur moyen pour avancer. L'intercommunalité est une institution jeune, qui possède de plus en plus de compétences et de pouvoirs, mais qui est encore en évolution.

Le fléchage devra être le plus simple possible pour que les électeurs ne s'y perdent pas. Pour ce qui est des projets territoriaux, les délégués communautaires seront élus dans le cadre communal, et non dans celui de l'intercommunalité ; en revanche, il serait bon que les projets intercommunaux soient l'un des enjeux de l'élection municipale – comme c'est parfois déjà le cas. Sur ce point, le texte a fait l'objet d'un large consensus au Sénat ; il permettra de franchir une nouvelle étape.

Quant aux élections, vous le savez bien, ce n'est ni le choix d'un mode de scrutin ni une modification du calendrier qui changera quoi que ce soit à la volonté des électeurs ! Personne ne peut prédire quel sera le climat politique en 2014 ou en 2015. Prétendre que le texte a été élaboré dans la perspective des sénatoriales revient à nous faire un faux procès : dès lors que nous abrogions le conseiller territorial, il fallait fixer un nouveau calendrier. La logique eût été de prévoir des élections en 2016 ou 2017 ; nous avons choisi 2015, car cela nous laissait le temps de procéder au nouveau découpage cantonal tout en permettant de lier les élections cantonales et les régionales. Enfin, je rappelle que les communes représentent 96,1 % du corps électoral du Sénat, les conseils généraux, 2,6 %, et les régions, 1,21 % !

Monsieur Goujon, vous avez eu dix ans pour modifier l'organisation territoriale de Paris ! Entre-temps, sur la règle du seuil minimal de trois conseillers, le Conseil constitutionnel est passé par là. Marseille a déjà été concernée par un redécoupage, et son système électoral repose sur une division, non par arrondissements, mais par secteurs ; en outre, il était difficile de procéder à des modifications d'ampleur contre l'avis du maire sortant. L'article 19 vise donc bien à tenir compte des évolutions démographiques.

Le conseiller départemental ne sera pas « hybride », mais double. L'hybride eût été le surhomme, ou la surfemme, qui aurait représenté les compétences à la fois du département et de la région, si le conseiller territorial avait vu le jour ; le fait que la loi du 16 décembre 2010 soit passée de peu au Sénat était d'ailleurs la marque d'un doute.

Le système du binôme a été choisi en vue d'imposer la parité. Nous n'avons pas retenu la liste départementale, bien qu'elle fasse partie des traditions de gauche, parce que nous voulions conserver une relation de proximité, un lien direct avec les électeurs, afin de préserver l'essence même du département – institution qui remonte à plus de deux siècles. À partir du moment où nous adoptions le principe de la parité, il fallait trouver un dispositif adéquat ; un système mixte – scrutin de liste départemental, scrutin nominal par canton – eût été frappé d'inconstitutionnalité : le mode de scrutin du Sénat n'a jamais été examiné par le Conseil constitutionnel, et pour cause ! La France invente en effet un nouveau système, et je vous remercie de le souligner.

Je suis davantage étonné par les critiques portant sur le rôle respectif des conseillers binômes élus. D'abord, quand on est conseiller départemental, même si on est l'élu d'un territoire, on représente l'ensemble du département – c'est la même chose pour les sénateurs. Ensuite, les deux conseillers auront fait campagne ensemble, en bonne intelligence, et ils représenteront de façon complémentaire les territoires dans le cadre des nouveaux cantons.

J'avais dit aux sénateurs que j'étais ouvert sur la question des critères du redécoupage cantonal ; j'avais même précisé que je ne m'opposerais pas à ce qu'on desserre l'étau du critère démographique et qu'on en introduise d'autres, comme la superficie ; et je suis bien évidemment sensible à la demande d'un certain nombre de territoires d'être représentés. Nous sommes en dialogue constant avec le Conseil d'État : il faudra travailler sur ce point.

Je rappelle qu'à la suite du découpage « Marleix », 53 cantons se trouvent actuellement à cheval sur plusieurs circonscriptions législatives. L'application du critère des 20 % est souvent contradictoire avec les limites des circonscriptions ; même en le desserrant, le problème subsistera. Il n'est pas nécessaire que les cantons recoupent exactement les circonscriptions.

Quant à la commission « indépendante » présidée par le très indépendant Yves Guéna, elle n'est compétente que pour le découpage des circonscriptions législatives, qui est une prérogative du législateur – ce qui n'est pas le cas du découpage des cantons. Toutefois, chaque département fera l'objet à la fois d'un avis consultatif du conseil général et de l'avis du Conseil d'État.

Une innovation, permettant la parité et la représentation des territoires : voilà les points forts de ce nouveau mode de scrutin qui, incontestablement, entrera dans l'Histoire.

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