Intervention de Michel le Cler

Réunion du 15 juin 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Michel le Cler, responsable de la Coordination nationale des associations riveraines des sites Seveso :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, la Coordination nationale des associations riveraines des sites Seveso a été créée en février 2012. Tout en affirmant leur attachement au maintien des activités économiques sur le secteur, les associations qui la composent ont toujours estimé qu'il était de la responsabilité de l'industriel de réduire les dangers et les risques à la source en gommant le principe de « l'économiquement acceptable », et de payer pour les risques générés selon le principe du pollueur-payeur. Elles ont confirmé cette orientation au fil du temps.

Les difficultés rencontrées pour l'application de la loi dite Bachelot sont nombreuses et reconnues par l'ensemble des partenaires – les décrets, les ordonnances et circulaires du Gouvernement en sont l'illustration. Treize ans après son adoption, la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 suscite un rejet toujours aussi fort de la part des riverains. Alors qu'en vertu de cette loi, les 421 PPRT prévus devaient avoir été réalisés au 31 juillet 2008, on a assisté depuis 2003 à un véritable détricotage de la loi Bachelot, preuve qu'elle était inadaptée à la réalité du terrain et qu'elle mésestimait les conséquences économiques de son application, créant de fait des injustices flagrantes entre les riverains, les industriels et les entreprises dans le périmètre PPRT. Il existait pourtant un document intéressant : le rapport rédigé en 2002 par M. Jean-Yves Le Déaut au nom de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur. Cette commission d'enquête présidée par M. François Loos avançait 90 propositions très intéressantes, qui n'ont malheureusement pas été suffisamment entendues.

Quelques parlementaires ont tout de même été sensibles aux propos des riverains. Plusieurs d'entre vous ont demandé la mise à plat et une révision, voire l'abrogation de la loi de 2003. Un projet de résolution relative à un moratoire sur la mise en oeuvre des PPRT a pu être présenté au Sénat devant un parterre d'une demi-douzaine de sénateurs le 11 décembre 2014. Ce texte avait également été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, mais il n'a semble-t-il jamais été donné suite à cette initiative. Quoi qu'il en soit, il nous semble qu'aujourd'hui, personne ne peut dire qu'il n'était pas informé, qu'il ne savait pas.

Les interventions de la Coordination nationale ont été nombreuses, soit pour apporter nos arguments, soit pour solliciter une rencontre. Des courriers ont été adressés aux candidats à l'élection présidentielle de 2012, puis aux candidats aux élections législatives – nous en avons rencontré plusieurs sur le terrain. Nous avons également écrit aux candidats élus, nous sommes entrés en contact avec les parlementaires auteurs de questions écrites ou orales au Gouvernement – à l'Assemblée nationale et au Sénat –, et des dossiers ont été communiqués aux présidents de groupe à l'Assemblée nationale. Reçus à plusieurs reprises au ministère de l'écologie, nous n'avons malheureusement pas été auditionnés, comme nous l'aurions souhaité, par le ou la ministre à la tête de ce ministère. Enfin, nombreuses ont été les interventions de la Coordination nationale et des associations sur le terrain.

Très rapidement, nous avons constaté que le discours officiel se polarisait sur le seul financement des travaux de renforcement des habitations, ce qui constitue, de notre point de vue, une façon de ne pas être exigeant avec l'industriel et de faire oublier sa responsabilité – une façon de se donner bonne conscience, alors que le financement des travaux n'était pas la préoccupation première des riverains.

Plusieurs d'entre vous rappelleront sans doute leurs questions écrites ou orales à l'Assemblée nationale. La demande première des riverains était que leur sécurité soit assurée en agissant sur le générateur des risques, charge à celui-ci de réduire le risque à la source sans faire référence au principe de « l'économiquement acceptable ». Les mesures prescrites de renforcement du bâti font sourire, même si le sujet que nous examinons est grave et sérieux. À qui peut-on faire croire que le fait de changer de fenêtres peut assurer la sécurité du riverain ?

Actuellement, un peu plus de 400 PPRT sont répartis sur le territoire, et le fait marquant majoritairement exprimé par les associations reste la grande frilosité en matière d'informations en direction des habitants : nombreux sont celles et ceux qui ont découvert par hasard l'existence d'un PPRT sur leur commune. Il est difficile de ne pas y voir un déni de démocratie !

Nous constatons une certaine absence d'uniformité dans les réponses apportées : certains PPRT laisseraient 10 % du montant des travaux prescrits à la charge des habitants, d'autres pas. Par ailleurs, sept sites ont été choisis dans la plus grande opacité parmi les 400 PPRT existants pour relever d'un programme d'accompagnement aux risques industriels (PARI). Les personnes touchées par cette mesure ne sont pas dupes et n'acceptent pas un système qui les rend responsables de leur choix pour se protéger. En règle générale, les PPRT se traduisent par des mesures coûteuses dont l'efficacité reste à prouver. Partout en France, on a incité les riverains à prendre part aux enquêtes publiques. Or, on constate que les préfets prennent souvent des arrêtés autorisant les PPRT, en dépit de l'avis négatif des riverains et des enquêteurs publics.

Seul le principe de la réduction des risques, point fondamental de la loi, doit être appliqué, en mettant de côté la notion de « l'économiquement acceptable ». Il est indispensable de repenser ces deux principes dans un sens plus équilibré, respectueux des intérêts des riverains. Il faut donc une révision de la loi et, préalablement à cette mesure, la mise en place d'un groupe de travail regroupant État, industriels, collectivités et riverains.

Le financement doit revenir principalement à l'industriel, et non aux collectivités : ce n'est pas au contribuable de financer les carences de l'industriel. Je regrette que nous disposions de si peu de temps pour faire valoir notre point de vue, madame la présidente, car c'est la première fois qu'il nous est donné de nous exprimer face à la représentation nationale.

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