En février dernier, Vivendi annonçait une perte opérationnelle de plus de 264 millions d'euros pour Canal+ France et une importante chute du nombre d'abonnés, même si ce nombre est en croissance à l'étranger. Le Groupe est entré en effet dans une période de turbulence : un changement d'actionnaire, un marché toujours plus concurrentiel, le départ de plusieurs têtes d'affiche, un plan de réduction des effectifs... Comme d'autres acteurs du secteur, vous vous trouvez aujourd'hui devant la nécessité impérative de vous réinventer pour garder à flot la belle machine qu'est votre entreprise : un modèle singulier, audacieux, conquérant – et nous savons tous ici ce que la création et notre beau cinéma français vous doivent.
Pour enrayer la fuite des abonnés, vous estimez donc que le salut viendrait du sport et de l'accord de distribution exclusive conclu avec BeIN Sports en février dernier : l'avenir de la chaîne est ainsi suspendu à la décision de l'Autorité de la concurrence. Toutefois, on croit comprendre que cet accord n'est pas sans susciter quelques difficultés, ce qui explique d'ailleurs le report du rendu de la décision. Les opérateurs distribuant actuellement BeIN craignent en effet de voir Canal+ récupérer demain l'ensemble des abonnés de la chaîne sportive au détriment de leur offre de bouquet. Êtes-vous confiant dans la décision que prendra l'Autorité de la concurrence ? Peut-on imaginer, comme l'indique Le Monde, que l'Autorité assortisse son accord de conditions restrictives, ce qui impliquerait une renégociation partielle de l'accord, notamment au sujet des injonctions auxquelles est soumis Canal depuis la fusion de Canalsat avec TPS ?
BeIN est par ailleurs loin d'être la seule concurrence à gérer. Côté fiction, il vous faut également composer avec Netflix et consorts. Pour gagner en agilité, vous venez d'annoncer un partenariat avec Samsung, qui permet d'intégrer votre offre au téléviseur de ce constructeur sans passer par un décodeur – un tournant donc. Vous avez également annoncé une offre sans abonnement d'ici la fin de l'année. Est-ce un modèle économique viable pour le groupe ?
En ce qui concerne le cinéma enfin, Canal+ est, à juste titre, considérée comme le poumon du secteur, puisqu'elle représente près de la moitié du financement de la télévision vers le cinéma. Historiquement, c'est parce que Canal+ était prioritaire pour la diffusion des films qu'elle avait, en contrepartie, un devoir d'investissement. Or, aujourd'hui, il semble que l'avenir de Canal+ passe moins par la fiction que par le sport. La ministre de la Culture a récemment apporté son soutien à la chaîne tout en réaffirmant sa volonté que le groupe maintienne ses investissements dans le cinéma : quelles précisions pouvez-vous nous fournir sur ce point ?
Enfin, vous avez signé un accord de distribution avec Molotov ; c'est un revirement du groupe, qui ne souhaitait pas voir ses chaînes intégrer le bouquet de cette nouvelle interface de télévision totalement délinéarisée. Pouvez-vous nous expliquer l'intérêt pour un bouquet payant comme le vôtre de rejoindre le projet de Pierre Lescure, qui risque de devenir à la fois un outil de diffusion et un concurrent ?
Vous avez par ailleurs récemment démenti le projet de vente d'iTélé : où en êtes-vous sur ce dossier ? Comment comptez-vous vous adapter à la concurrence des autres chaînes, notamment BFM TV ? Que pensez-vous du projet de création d'une chaîne publique d'information en continu ?
Enfin l'Assemblée nationale et le Sénat ont récemment adopté en première lecture la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Nous avons beaucoup débattu de la notion d'intime conviction professionnelle. Que recoupe selon vous une telle notion ? Ne va-t-elle pas exacerber les contentieux entre les journalistes et leur direction ? Le rédacteur en chef conserve-t-il encore un pouvoir hiérarchique sur les journalistes qui relèvent de sa responsabilité ?