Intervention de Marie-Astrid Ravon-Berenguer

Réunion du 14 juin 2016 à 16h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Marie-Astrid Ravon-Berenguer, directrice financière du CEA :

Le budget annuel du CEA s'élève à 4,5 milliards d'euros en 2016, dont 1,6 milliard pour la dissuasion, 0,7 milliard pour l'assainissement et le démantèlement de nos installations nucléaires et 2,2 milliards pour la recherche civile. Pour ce dernier poste, l'État verse une subvention de 1 milliard d'euros, les recettes externes, provenant des industriels et des appels à projet, rapportent 1 milliard, et le programme d'investissements d'avenir (PIA) nous accorde 0,2 milliard.

L'État a souhaité, dans le décret d'avance, annuler 64 millions d'euros dans la subvention versée par le ministère de la recherche ; il nous avait initialement proposé d'effacer 118 millions d'euros correspondant à la dernière tranche de la subvention qui nous est versée en décembre. Cette suggestion nous était présentée comme une simple mesure de décalage dans le versement de la subvention entre décembre et janvier, mais on a démontré à nos interlocuteurs que l'inscription d'une annulation de 118 millions d'euros dans un décret d'avance n'était pas de même nature qu'un report de crédits de 118 millions. Devant nos arguments, l'État a réduit le montant de l'annulation à 64 millions d'euros, ce qui nous paraissait encore très élevé. En effet, nous connaissons des difficultés de trésorerie qui font qu'une telle annulation aurait obligatoirement eu un impact sur nos dépenses, d'autant plus que l'obligation de dégager 64 millions d'économies en milieu d'année sur les dépenses financées par la subvention du ministère de la recherche aurait entraîné de grandes difficultés.

Grâce aux deux commissions des finances du Parlement et à la décision du Président de la République, le Gouvernement a renoncé à cette annulation. Dans le décret d'avance subsiste une annulation de 12 millions d'euros portant sur le programme 190, qui finance la recherche dans le domaine de l'énergie, ce qui représente 2,5 % de la subvention versée, niveau plus commensurable aux annulations régulières que peuvent subir les autres organismes lors d'un exercice budgétaire.

La trésorerie du CAE affichait un déficit de 435 millions d'euros à la fin de l'année dernière, à cause du financement des dépenses d'assainissement et de démantèlement. Dans les dernières années, la subvention budgétaire inscrite dans le budget de l'État pour cette action s'élevait en moyenne à 370 millions d'euros, ce montant ne représentant que la moitié de la somme nécessaire au financement de cette tâche. Il était convenu avec l'État, dans le cadre de conventions triennales qui s'appuyaient sur une convention-cadre signée en 2010, que le complément de financement serait apporté par l'État sous la forme d'une dotation budgétaire ou de cession par le CEA de ses titres d'Areva. Ces opérations de reclassement des titres d'Areva ont été réalisées à trois reprises, et l'on avait convenu d'une quatrième revente à la fin de l'année 2015. Cela n'a pas été possible, car il aurait fallu prendre un décret en Conseil d'État permettant au CEA de passer sous la barre de 50 % de la détention du capital d'Areva, mais ce décret n'a été publié qu'en février 2016. Or, à cette date, l'État discutait avec Areva des opérations de restructuration de son capital, et il aurait été délicat que l'État rachète des titres d'Areva détenus par le CEA et affiche à cette occasion un prix de marché. L'Autorité des marchés financiers (AMF) aurait pu opposer ce prix de cession à l'État pour le rachat éventuel des participations minoritaires. En fin de compte, 376 millions d'euros de dépenses pour assainir et démanteler nos installations en 2015 n'ont pas été financés par l'État, ce qui explique la situation dégradée de notre trésorerie depuis le début d'année.

La trésorerie n'a affiché une situation excédentaire qu'à deux reprises au cours des six premiers mois de l'année et s'est établie, en moyenne, à – 200 millions d'euros depuis le 1er janvier 2016. Si ce déficit ne baissait pas d'ici à la fin de l'année, le CEA courrait un risque au regard de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour la période allant de 2011 à 2014, qui interdit aux organismes divers d'administration centrale (ODAC) d'emprunter à plus d'un an.

Nous cherchons avec l'État une solution pour remédier à ces difficultés de trésorerie, dans l'attente d'une cession de nos titres d'Areva. Le dispositif envisagé reposerait sur une avance de trésorerie consentie par l'État, qui serait remboursée par une remontée de titres au moment où l'État aurait achevé les opérations de recapitalisation d'Areva et où l'on pourrait donc afficher une transaction et un prix de marché pour la cession de nos titres. Si une avance de 376 millions d'euros était transférée au CEA en juillet prochain, notre trésorerie moyenne se trouverait à l'équilibre pour l'exercice 2016. Cette solution permettrait de maintenir cet équilibre en 2017, mais le CEA ne disposerait pas d'un matelas correspondant à 45 jours de fonctionnement.

Nous n'aurions pas pu faire face à une annulation de 64 millions d'euros, car il aurait fallu trouver des économies en dépenses équivalant à 130 millions d'euros en année pleine. La somme de 65 millions d'euros correspond également à l'économie négociée avec l'État en novembre dernier, au moment de l'élaboration de notre plan à moyen et long termes. Nous avons cinq ans pour accomplir cet effort, alors que le décret d'avance nous aurait demandé de consentir le double de cet effort en six mois. La nature des dépenses financées par le programme du ministère de la recherche rendait cette contrainte encore plus forte.

En effet, cette subvention, de 554 millions d'euros, finance le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) à hauteur de 57 millions d'euros, soit 10 % de la subvention, l'engagement international de la France étant difficile à remettre en cause à court terme. 74 millions d'euros, soit 14 % de cette subvention, sont alloués aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) ; il s'agit d'engagements nationaux ou internationaux portés par le CEA et le CNRS pour le compte de l'État et pour lesquels il est difficile de se désengager. Il reste 423 millions d'euros, soit 76 % de la subvention, qui financent des programmes de recherche civile hors énergie ; 60 % de cette enveloppe sert à couvrir les dépenses directes des programmes et le solde est utilisé pour des dépenses de soutien au sens large. Cette annulation aurait conduit à économiser 11,5 % du montant de la subvention totale et à 15 % de celle-ci, si l'on en exclut ITER et les TGIR.

La subvention ne couvre que 44 % des dépenses civiles de recherche hors énergie, car les dépenses liées à la masse salariale s'élèvent à 544 millions d'euros, la dynamique de ce poste s'avérant difficile à infléchir à moyen terme.

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