Intervention de l'administrateur général du CEA

Réunion du 14 juin 2016 à 16h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

l'administrateur général du CEA :

Ce qui est vrai pour l'emploi scientifique l'est pour tous les secteurs concernant la préparation de l'avenir : dès que l'on rencontre des problèmes financiers, on a le mauvais réflexe de diminuer les dépenses de long terme car elles ne donnent pas de résultats immédiats, alors que le véritable investissement réside dans cet effort. Nos moyens ne nous permettent pas d'embaucher dans la recherche fondamentale autant de jeunes que nous le souhaiterions.

Il y a bien deux programmes de fusion en cours en France, et il faut s'en féliciter, car bien que nous soyons un pays pauvre avec des problèmes, nous restons un très grand pays scientifique. Ainsi, nous participons à la construction d'ITER, dont M. Bernard Bigot, mon prédécesseur, a la responsabilité et nous déployons le projet de fusion par confinement inertiel auprès des lasers, que j'ai dirigé. Les premières expériences du laser mégajoule ont été lancées il y a près de deux ans en présence du Premier ministre : il monte actuellement en puissance et fonctionne bien. J'espère atteindre un plein rendement autour de 2022. Obtenir de la fusion avec du laser, on l'a déjà fait avec de plus petits vecteurs, mais la réaliser avec des gains suffisants – pour que l'énergie produite par la fusion soit dix fois supérieure à celle que l'on investit, afin que l'on fabrique plus d'énergie que l'on ne consomme d'électricité – constitue notre défi. Les Américains ont développé un laser jumeau en Californie, le National ignition facility (NIF), mais les expérimentations ont échoué jusqu'à maintenant.

ITER constitue un très grand projet mondial regroupant sept partenaires, dont l'Europe. Il connaît quelques soucis calendaires et financiers : le surcoût se montera probablement à 4 ou 5 milliards d'euros, et il faudra cinq ans pour construire l'installation. Il est toujours désagréable de constater qu'un projet prend du retard et coûte plus cher, mais nous sommes en présence d'un programme considérable et d'une très grande complexité. M. Bigot a proposé une nouvelle organisation qui permettra de mieux maîtriser le projet, si bien que je suis optimiste sur l'amélioration de sa conduite. Cela dit, les retombées industrielles seront énormes, et l'on demande aux industriels de réaliser de vrais défis, ce qui tire le secteur vers le haut.

Espérons que nous maintenions nos succès dans les appels à projets européens, car cela constitue un vrai défi ; de plus en plus de pays sont candidats pour obtenir des subventions et nous valent bien. Au début, la France a toujours un temps d'avance aux guichets car elle sait se mobiliser très fortement et rapidement, mais les autres apprennent et obtiennent des succès.

Un bilan des plateformes régionales de transfert technologique (PRTT) après trois ans d'existence a été mené à la demande du Premier ministre. Il a donné lieu à un rapport et à une réunion de synthèse qui s'est tenue le 15 janvier 2016. Nous attendons les décisions du Premier ministre, qui pourrait choisir d'étendre les PRTT au-delà du Grand Est et des Hauts-de-France, peut-être en Bretagne et dans la région Centre-Val de Loire. Le CEA dresse un bilan positif des PRTT car les objectifs ont été atteints : nous sommes parvenus au bout de trois ans à un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros par an, et nous pensons atteindre 20 à 25 millions cette année. Le nombre de contrats et de transferts technologiques est élevé – les 15 millions correspondant au prix payé par les industriels pour recevoir ces transferts – et 960 industriels ont pu être contactés. Le taux de signature de contrat, 25 %, est satisfaisant car l'on s'attendait à un moins bon résultat, plus proche de 10 %. Les PRTT représentent un travail considérable pour les équipes délocalisées du CEA, mais l'enjeu de la réindustrialisation de la France est trop important pour ne pas consentir cet effort.

Le CEA est souvent perçu comme un organisme arrogant, ce qui n'est pas tout à fait faux, et nous devons apprendre à travailler avec les autres et nous montrer plus modestes. Les équipes universitaires et celles du CNRS déjà implantées dans les régions vous diront néanmoins que les relations se sont normalisées et sont devenues bonnes avec les membres du CEA. Lorsque nous avons besoin de faire de la recherche fondamentale dans les régions, nous faisons appel à ces organismes plutôt qu'à la base arrière du Commissariat.

La mise en place des SATT n'était pas cohérente avec notre utilisation des brevets. Ces derniers ne constituent pas une source de financement majeure pour le CEA. Les redevances que nous touchons permettent en effet tout juste de couvrir les coûts nécessaires à la protection de notre portefeuille de brevets. Ils concernent en revanche des technologies-clefs que nous pourrons mobiliser pour passer de nombreux contrats industriels, d'où notre volonté d'en conserver la propriété ; cela vaut surtout pour les contrats signés avec les petites et moyennes entreprises (PME), les petites et moyennes industries (PMI) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), le CEA devant adoucir ses positions pour les projets avec les grands groupes pour lesquels le cofinancement s'avère différent. Le laboratoire de recherche d'une PME est le CEA, si bien que nous conduisons la recherche du début à la fin de l'opération, alors qu'un grand groupe industriel possède son laboratoire, ce qui suscite la méfiance du CEA. Il faudrait que nous évoluions sur cette question et que nous acceptions de travailler avec de tels laboratoires, qui souhaitent conserver certains éléments secrets.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion