Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission – cher Jean-Paul Chanteguet –, madame la rapporteure – chère Geneviève Gaillard –, mes chers collègues, deux ans après nos premiers travaux en commission, l’Assemblée nationale va discuter en nouvelle lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
L’objectif qu’exprime l’intitulé même de ce projet de loi est déjà ambitieux. Je veux saluer l’initiative gouvernementale qui nous permet de nous saisir, sur ce thème comme sur d’autres, de sujets de société majeurs, à propos desquels l’histoire retiendra notre capacité, ou notre incapacité, à légiférer avec courage et discernement et en prenant toute la mesure des défis auxquels notre monde est aujourd’hui confronté.
Cette nouvelle lecture du projet de loi intervient à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire. Celui-ci a révélé des divergences de fond entre deux conceptions du rapport que l’homme doit entretenir avec la nature, c’est-à-dire avec l’environnement dans lequel il évolue, au sein d’une diversité écologique aujourd’hui menacée.
Il ne faut pas adopter une vision utilitariste de la biodiversité : il est au contraire nécessaire d’interroger et de corriger notre mode de vie actuel pour répondre à la prise de conscience collective des atteintes graves et parfois irréversibles que nous causons à notre environnement, à notre planète – véritable bien commun de toutes les espèces animales et végétales et donc de tous les hommes, d’aujourd’hui comme de demain.
Nous avons par conséquent le devoir impératif d’enrayer ce processus en changeant certains de nos comportements liés à un modèle économique non plus créateur de richesses mais bien destructeur d’avenir.
Le débat parlementaire a permis de nous accorder presque tous sur un certain nombre de points, tels que l’extrême nocivité et la dangerosité des produits phytosanitaires à base de néonicotinoïdes et donc sur la nécessité de les interdire le plus rapidement possible. Le seul débat qui demeure vraiment, à l’article 51 quaterdecies, concerne la date d’entrée en vigueur de cette interdiction, qui impliquera de trouver le plus rapidement possible des solutions alternatives respectueuses aussi bien de notre environnement que de notre santé.
L’objectif ambitieux de ce projet de loi a été consolidé par le long travail parlementaire, qui a su lui donner toute sa dimension, non seulement en le précisant, mais en l’enrichissant de façon substantielle. Cela démontre le rôle déterminant du législateur dans l’élaboration de la norme et la nécessité de toujours s’y conformer.
Plusieurs notions majeures ont été introduites, qui auront des conséquences concrètes sur la manière dont particuliers ou collectivités, ménages ou entreprises devront agir en responsabilité pour préserver et reconquérir la biodiversité. C’est le cas notamment du principe de non-régression du droit de l’environnement créé par l’Assemblée, supprimé par le Sénat puis rétabli ces derniers jours lors des discussions en commission. Directement issu d’un principe internationalement reconnu et rappelé dès l’article 2 de ce projet de loi, ce principe vise à assurer l’absence de perte nette, voire un gain de biodiversité.
S’il a pu être considéré par certains comme un danger dans la mesure où il risquerait d’entraver la lutte contre des espèces nuisibles ou invasives, je ne doute pas que nos débats seront de nature à les rassurer. Un véritable effort de pédagogie est nécessaire, sur ce sujet comme sur d’autres.
Parmi les avancées obtenues par la discussion parlementaire, notamment par le travail en commission – pour la qualité duquel je tiens à remercier et le président de la commission et la rapporteure –, l’introduction de la notion de préjudice écologique me semble être également une mesure essentielle et efficace. Désormais, toute personne qui causera un préjudice écologique sera tenue de le réparer. Cette disposition, dont l’application est précisée à l’article 2 bis, est à la mesure de l’ambition de ce texte.
De même, rappeler, dès l’article 1er, que les sols concourent à la biodiversité et qu’il est nécessaire d’en tenir compte dans le cadre de l’objectif que nous nous sommes fixé me semble être une véritable avancée. Celle-ci ne remet pas en cause notre agriculture, comme nous l’avons parfois entendu, mais l’oblige simplement à se raisonner.
En revanche, je regrette que la discussion en commission ne nous ait pas permis de réintroduire à l’article 4 quater, comme nous l’avions fait lors de la précédente lecture, la possibilité de cession à titre onéreux, ne visant pas une exploitation commerciale, de semences de variétés non inscrites au catalogue officiel mais qui représentent une ressource importante pour les associations de défense de la biodiversité. Je souhaite que nos travaux en séance nous permettent de rétablir cette disposition.
Dans son ouvrage La Voie, Edgar Morin considère l’écologie comme une science nouvelle à l’aune de laquelle nous devons construire nos politiques. Ainsi « une politique nouvelle (…) devrait affronter non seulement lobbies et corporatismes, mais aussi apathie et indifférence. Elle appellerait à un éveil citoyen, lequel se produirait par la prise de conscience des problèmes vitaux qui sont en jeu. Pour devenir citoyens de la Terre, nous devons impérativement changer notre façon de l’habiter. » C’est, je crois, l’ambition que porte ce texte.
Même si nous aurions parfois pu aller plus loin, ce projet de loi comporte de nombreuses avancées réelles et me semble conforme à l’objectif qu’il se fixe. Je souhaite que les débats qui s’engagent contribuent encore à l’améliorer et non à le dénaturer. Dans ces conditions, je le voterai avec fierté.