Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues et amis, ce texte, tel que je le ressens, est un merveilleux rêve qui me ramène à ma jeunesse, passée dans les montagnes. Lorsque j’avais quatre ou cinq ans, mon coeur explosait dans ma poitrine lorsque l’ours attaquait le troupeau et que celui-ci se rabattait irrémédiablement sur les tôles qui recouvraient la vieille cabane couverte de cailloux. Papa sortait alors, un bâton à la main, et il rentrait toujours un peu désespéré, en disant « Il m’en a encore pris une ! » Voyant que j’avais très mal à la poitrine, tellement j’avais eu peur, il me disait : « Ne t’en fais pas ! Que veux-tu, il fait partie de la nature, comme nous ! Mais il ferait mieux de se mettre à bosser au lieu de toujours nous taper ! »
Je ne pouvais pas savoir que, trente ou quarante ans après, l’idée de cet homme de bien qui voyait en l’ours une création de la nature, comme lui, ferait couler tant d’encre et de salive, inutilement.
Je voudrais d’abord saluer ces hommes et ces femmes simples, ordinaires, qui ont aimé la nature au point d’avoir choisi d’y vivre. Ils ont abandonné, pour certains, des carrières qui auraient pu être différentes, sous les lampadaires des grandes cités, parce qu’ils aimaient par-dessus tout le pays, leur territoire. Le service qu’ils lui rendent est inestimable, alors qu’ils sont de moins en moins nombreux, qu’ils disparaissent jour après jour : ils ont du mal et pourtant ils sont là. Ils ne peuvent pas supporter qu’il y ait un mètre carré qui ne soit pas entretenu.
Et puis il y a le cauchemar, affreux, qui a commencé il y a soixante ans environ à cause de certains hommes, toujours les mêmes, avides d’argent et de puissance. Parmi eux, cette terrifiante famille qui se partageait entre le soutien à l’apartheid en Afrique du Sud et l’achat de marques de cigarettes, qui en avait fait le plus grand cigarettier du monde. Comprenant que le monde changeait, un de ses membres s’est dit qu’il était temps de se reconvertir dans la protection de la nature : c’était M. Huxley qui a fondé le World Wildlife Fund – WWF –, formidable machine à recycler l’argent sale, l’argent pourri, à le reverdir même, en utilisant de petites associations de protection de la nature, sensibles, honnêtes, qui se battent aux côtés des nôtres pour que leur environnement, leur village, leur colline, leur clocher soient toujours un petit peu plus beaux.
Sauf qu’on ne parle pas de la même chose. Certains ont pensé que dans ce monde où l’on s’agglomérait de plus en plus, il fallait toucher la sensiblerie du coeur chez des individus perdus parce qu’ils étaient malheureux de devoir s’entasser, tandis que d’autres n’en finissaient pas de mourir à force d’être trop peu nombreux et de ne plus pouvoir se parler.
Eh bien ! ils ont formidablement réussi ; ils ont réussi à créer une cause mondiale autant que fausse et hypocrite. Le grand malheur de notre temps est que des esprits éveillés, intelligents, honnêtes, purs, sincères, y aient cru.
Je ne parle pas uniquement de Nicolas Hulot qui sera bientôt candidat à l’élection présidentielle : qu’il ait réussi à faire payer les plus grands pollueurs de la planète pour financer sa fondation, c’est chouette, mais j’ai connu mieux.