Intervention de Sébastien Mosneron-Dupin

Réunion du 15 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Sébastien Mosneron-Dupin, directeur général de l'agence Expertise France, communication de M. Jean-René Marsac, sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens d'Expertise France, et avis de la commission sur ce projet :

En l'occurrence l'Union européenne permet à l'ensemble des opérateurs européens de mener une action commune dans un pays où coexistent plus de trente-sept bailleurs de fonds. 40 % du budget du Mali provient en effet de l'aide publique au développement, et si ces 40 % étaient gérés par trente-sept entités ne se parlant pas, nous serions certes une partie de la solution mais également une partie du problème. l'Europe peut donc jouer un rôle de coordinateur.

En matière de décentralisation, dont je vous accorde, monsieur Loncle, qu'il s'agit d'un mouvement essentiel au développement du Mali et de l'Afrique en général, nous avons commencé par de petits projets, ne serait-ce que parce que on confond souvent décentralisation et déconcentration, et que les projets que l'on nous soumet ne sont souvent que des projets de déconcentration des services de l'État. Quoi qu'il en soit, nous accompagnons la formation d'administrateurs locaux et la mise en place d'un système de finances publiques locales, encore balbutiant. Le nerf de la guerre en effet, lorsque la décentralisation est en jeu, c'est l'autonomie financière des collectivités territoriales, dont le Mali est encore très loin. C'est la raison pour laquelle nous assistons notamment, avec la DGFiP, la mairie de Bamako dans la mise en place et la consolidation des services comptables, fiscaux et de gestion budgétaire.

Nous apportons enfin notre expertise aux Maliens dans les domaines du développement durable et de la santé.

Monsieur Schneider, vous avez raison de souligner que l'agence a besoin d'être accompagnée. Pour l'heure en effet, nous fonctionnons à plus de 65 % avec des financements étrangers. C'est certes une façon intelligente de capter des capitaux internationaux pour projeter l'expertise française, mais cela nous expose dans le même temps à devenir un opérateur guidé avant tout par des stratégies européennes ou multilatérales. Une aide bilatérale nous permettrait non seulement d'assurer notre présence dans les zones géographiques et les secteurs d'activité qui représentent un réel enjeu pour la France mais également d'investir dans l'agence.

Un gros effort d'investissement est en effet nécessaire notamment en matière de formation professionnelle et d'équipement informatique, car il nous faut des outils performants. C'est dans ces domaines que l'État peut accompagner l'Agence, ce qu'il fait, de façon dégressive puisqu'en 2019 nous ne recevrons plus aucune subvention de fonctionnement et devrons nous autofinancer. D'ici là, il importe que l'agence puisse continuer à bénéficier d'investissements qui lui permettent de rivaliser avec ses concurrents européens, la GIZ mais également Crown Agency en Angleterre ou la FIIAPP en Espagne.

Monsieur Launay, les six organismes qui ont fusionné au sein d'Expertise France sont les suivants : France expertise internationale, un organisme du ministère des affaires étrangères ; ADETEF, un organisme du ministère des finances qui travaillait dans le domaine de l'expertise financière ; ADECRI, un organisme qui dépendait des caisses de sécurité sociale ; le GIP Inter, un organisme qui dépendait du ministère du travail ; le GIP Esther et le GIP SPSI, qui travaillaient dans le domaine de la santé.

Monsieur Myard, nous nous accommodons fort bien de notre double tutelle, car, contrairement à ce que j'avais anticipé, Bercy et le Quai d'Orsay sont très souvent d'accord et leur accompagnement nous est utile. Quasiment la moitié du Gouvernement est par ailleurs représentée au conseil d'administration, où siègent des représentants des ministères de l'éducation nationale, de l'environnement, de la justice et de l'intérieur. Écrire un contrat d'objectifs et de moyens avec autant de mains n'a pas été la chose la plus simple, et cela explique le nombre élevé d'objectifs que comporte le document.

En ce qui concerne l'Europe, elle représente 40 % de nos financements, ce qui signifie que nous contribuons à améliorer le taux de retour de la contribution de la France à l'aide au développement européenne, que nous finançons à hauteur de plus d'un milliard d'euros. Je redis que la coopération européenne est un instrument de coordination qui peut être performant. Le FFU par exemple, doté de 1,8 milliard d'euros, permet à toutes les agences qui interviennent sur le terrain au Sahel de s'accorder sur une programmation commune et de présenter des projets qui sont, de ce fait, complémentaires.

Expertise France a présenté pour plus de 200 millions d'euros de projets financés sur le fonds FFU et, comme je l'ai indiqué, nous venons de gagner un projet sur le renforcement des forces de sécurité au nord Mali. Nous concourrons également au fonds Bêkou pour la République centrafricaine, avec notamment un projet de renforcement des services publics locaux dans trois départements.

Quant au choix de nos projets, il obéit à plusieurs critères. En premier lieu, notre logique n'est pas une logique d'offre, mais une logique de besoin : nous répondons à un besoin de transfert de connaissances ou de renforcement de capacités.

Ceci posé, les projets doivent pouvoir être financés, car nous n'avons en propre ni argent ni subventions pour financer les contrats que nous remportons. Un projet doit ensuite correspondre à notre contrat d'objectifs et de moyens, et aux orientations de la stratégie d'influence française. Enfin, nous devons posséder l'expertise nécessaire. Si l'ensemble de ces critères est réuni, nous pouvons accepter un projet qui, au-delà de sa dimension solidaire, contribuera à renforcer l'influence politique et économique de la France dans la zone.

En ce qui concerne la coopération avec les territoires d'outre-mer, nous nous efforçons de la développer. Elle demeure pour l'instant à un niveau très modeste alors que le potentiel est considérable. Nous travaillons notamment en Haïti, où doit se rendre prochainement notre directeur des opérations, pour voir dans quelle mesure le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) qui est implanté en Guadeloupe pourrait étendre ses activités agricoles en Haïti ; il en va de même à Madagascar, à partir de La Réunion. Les régions ultramarines possèdent une expertise qu'elles doivent intégrer dans leurs politiques de voisinage, pour le plus grand bénéfice de notre stratégie d'influence.

Madame Fourneyron, l'AFD est une banque et nous sommes une agence de mise en oeuvre ; nos métiers sont complémentaires. Pour parvenir à l'objectif de 25 millions d'euros de contrats réalisés, nous envisageons trois types de collaboration : d'une part l'exécution par Expertise France de projets conçus par l'AFD, comme par exemple la Facilité Climat ; ensuite, la conception commune de projets – c'est ce que nous faisons en Centrafrique ; enfin, le financement par l'AFD de certains de nos projets, qui impliquent de la maîtrise d'ouvrage locale.

Madame Seybah Dagoma, le partenariat avec Business France a deux vocations. La première est de faire appel à l'agence pour ce qu'elle maîtrise le mieux, c'est-à-dire trouver des PME françaises ou locales qui puissent compléter notre offre. Je pense en effet que le modèle d'expertise de demain ne doit pas uniquement reposer sur de l'expertise française mais conjuguer celle-ci avec l'expertise des pays du sud : ainsi, pour remporter un marché angolais sur la formation professionnelle, nous nous sommes appuyés sur des partenaires portugais et des partenaires locaux, de façon à proposer une offre pertinente, adaptée au terrain. La seconde vocation de ce partenariat doit nous permettre de projeter à l'international le savoir-faire qui a été acquis en matière de promotion du commerce extérieur. De ce fait, nous développons avec Business France une offre en matière de soutien au commerce extérieur. Nos tutelles sont les mêmes, tout comme nos missions de diplomatie économique. Nos équipes collaborent sur certains sujets, comme la santé ; elles doivent d'ailleurs se réunir vendredi pour définir les secteurs et les pays prioritaires sur lesquels nous allons travailler ensemble.

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