Madame la ministre, depuis le mois de janvier dernier, votre ministère a su redorer le blason de l'enseignement professionnel, jusque-là parent pauvre délaissé du débat sur l'éducation.
Aujourd'hui, le bac pro fête ses trente ans. En 1985, lorsque le baccalauréat professionnel a été institué par le ministre de l'éducation nationale de l'époque, Jean-Pierre Chevènement, suivant en cela la préconisation de la mission « École-entreprise » présidée par Daniel Bloch, l'ambition était double. Il fallait offrir aux jeunes se destinant à une activité manuelle ou technique un diplôme clair, lisible et reconnu sur le marché du travail. Un diplôme leur permettant de trouver rapidement un travail au sortir de la scolarité, mais aussi de poursuivre leurs études en fonction de leur projet. Il convenait encore, et c'est fondamental, de rapprocher l'école et les formations techniques des besoins des entreprises sur l'ensemble des territoires, qu'ils soient ruraux ou urbains.
Trente ans plus tard, cette entreprise est un plein succès : il existe aujourd'hui 18 filières professionnelles, au sein desquelles 88 spécialités sont représentées. Cela va de l'électronique dans un lycée parisien à de très nombreux métiers agricoles, partout présents en France, ou encore à une formation aux métiers du bois, comme à Thiviers, dans ma circonscription de Dordogne. D'ailleurs, l'évolution et la diversification des spécialités continue sa progression afin d'anticiper, et vous l'avez souligné, madame la ministre, les nouveaux besoins des entreprises. Ce sont 18 nouveaux diplômes qui ont ainsi été créés à la rentrée de 2015, et 500 nouvelles formations en alternance qui seront proposées dès la rentrée de 2017 ; ils sont fondés à la fois sur les besoins actuels des territoires mais aussi sur les perspectives d'emplois identifiées par France stratégie.
Les 49 campus des métiers et qualifications, créés par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, jouent également un rôle important dans le rapprochement des formations et des besoins des entreprises. On ne peut que se réjouir de voir la filière professionnelle bénéficier de la création de 1 000 nouveaux postes d'enseignants à l'horizon de la rentrée de 2017.
Le baccalauréat professionnel constitue une filière d'excellence : il ne s'agit pas là d'un slogan, mais d'une réalité attestée par les statistiques. Chaque année, près de 670 000 lycéens professionnels sont accueillis au sein des 160 000 établissements d'enseignement professionnel de notre pays. Un tiers des candidats au baccalauréat est aujourd'hui issu de la filière professionnelle, contre 20 % il y a cinq ans ; surtout, les deux tiers des bacheliers professionnels réussiront leur insertion dans le marché du travail dans les trois mois suivant l'obtention de leur diplôme.
Néanmoins, par-delà les chiffres et les réalités vécues par les familles, demeure parfois l'image d'une filière de seconde zone, d'une orientation vers la formation professionnelle, malheureusement synonyme d'échec scolaire, et exclusivement réservée aux enfants issus des catégories populaires. Cette image, nous l'améliorons en célébrant les trente ans du bac pro ainsi que la réussite de nos lycéens.
C'est aussi avec cette image d'orientation subie que vous rompez, madame la ministre, en offrant dès la rentrée prochaine un droit à la seconde chance pour tous les lycéens professionnels, qui pourront ainsi revenir sur l'orientation choisie en classe de seconde, jusqu'aux vacances de la Toussaint, s'ils constatent que le choix de leur filière ne leur convient pas. Il s'agit là d'une mesure essentielle pour faciliter l'orientation.
C'est désormais à nous, ministres, parlementaires et parents d'élèves, qu'il revient de faire partager la réussite de ce baccalauréat professionnel afin de mettre un terme définitif à toutes les idées reçues.
La question de la réussite des bacheliers lors de la poursuite de leurs études dans l'enseignement supérieur demeure toutefois posée : des difficultés de sélection et d'adaptation sont encore rencontrées dans des cursus courts comme les STS et les IUT, qui ont pour conséquence un taux d'échecs excessif. De nombreuses réflexions ont été menées à ce sujet, notamment dans le cadre de la mission d'information sur les liens entre le lycée et l'enseignement supérieur, dont le rapporteur a été notre collègue Emeric Bréhier. Je souhaiterais connaître votre avis sur les mesures qu'il serait pertinent d'adopter afin de faciliter la réussite de ces jeunes de l'enseignement professionnel engagés dans des études supérieures.