Je partage, madame la ministre, votre préoccupation de revaloriser l'enseignement professionnel, dont nous avons besoin, car il est source de qualification et de savoir-faire au sein des entreprises. À cette fin, il convient de regarder cette filière telle qu'elle se présente aujourd'hui, mais surtout de valoriser les métiers et les emplois auxquels elle prépare.
Depuis des années, la notion de travail manuel, d'ouvrier et d'ouvrière, de technicien, d'ingénieur, etc., la notion de travail même, est réduite à celle d'emploi : on ne considère plus que le fait d'avoir un emploi ou non ; d'être précaire ou non. Or, le métier c'est ce que l'on apporte par la qualification obtenue ; aussi revaloriser l'enseignement professionnel revient-il à revaloriser les métiers sur lesquels il débouche, faute de quoi nous échouerons à la tâche. Nous disposons d'établissements remarquables : je pense au lycée hôtelier François-Rabelais de Dugny, au lycée professionnel Arthur-Rimbaud de La Courneuve, au lycée Aristide-Briand du Blanc-Mesnil, qui s'est transformé en incluant dans ses programmes une formation aéronautique, alors qu'il connaissait un taux d'absentéisme proche de 50 %.
Je répète que les métiers aussi doivent être valorisés, et pas seulement dans le discours, mais en termes de conditions de travail et de salaire.
Il faut par ailleurs créer les conditions d'une véritable mixité sociale au sein de l'enseignement professionnel ; or, constituant 52,8 % des effectifs, les enfants d'ouvriers sont surreprésentés, et ont dès lors le sentiment de reproduire la situation de leurs parents. On ne peut plus parler d'ascenseur social, et le risque, au vu de la situation actuelle, est même celui de la régression.
Certains jeunes choisissent certes la filière professionnelle, mais si l'on compare les publics des lycées d'enseignement professionnel avec ceux des lycées d'enseignement général, la notion de choix devient toute relative. Vous-même, madame la ministre, avez évoqué des élèves fragiles, que l'on va orienter vers l'enseignement professionnel, alors que celui-ci a besoin de qualité : ces jeunes sont orientés en dépit du bon sens !
Je souhaite par ailleurs rappeler que la filière professionnelle n'a pas pour objet de ne fournir que des bacheliers professionnels ou des titulaires de CAP : l'accès à l'enseignement supérieur doit leur être ouvert. Nous avons besoin de qualifications de haut niveau, et pour cela les jeunes doivent pouvoir choisir de poursuivre leurs études. Cela est d'autant plus difficile que la condition sociale de la famille ne permettra peut-être pas la poursuite des études dans l'enseignement supérieur.
Vous avez évoqué l'article 33 de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, ce qui a du sens. Il ne mentionne pas de quotas, mais des pourcentages devant être définis par les autorités compétentes. Au regard de la résistance dont font preuve certains directeurs d'établissement, pensez-vous que cette disposition est également respectée dans tous les territoires ?
Je souhaiterais encore connaître votre sentiment au sujet du passage du bac pro de quatre à trois ans et sur la perte de 25 % de la formation professionnelle que cela a entraîné. L'éventualité de l'institution de blocs de compétences au sein de la voie professionnelle vous paraît-elle heureuse ? Quelles suites seront données au principe de la reconnaissance des qualifications dans les conventions collectives ?
Enfin, quelles mesures sont envisagées pour établir l'égalité de traitement – et je ne parle pas uniquement de la rémunération – entre les enseignants des lycées professionnels et les professeurs certifiés ?