Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 4 juillet 2012 à 12h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget :

Je constate avec amusement les glissements de certains membres de la commission, tels que votre président, M. Gilles Carrez, passé de ma droite à ma gauche, ou encore M. Charles de Courson, qui s'est rapproché de la présidence. J'exprime devant mes anciens collègues tout le plaisir que j'ai à les retrouver, et souhaite bonne chance à tous les nouveaux commissaires tout en affichant la certitude qu'ils accompliront un travail de qualité. J'ai une pensée émue pour Olivier Ferrand que je connaissais bien. Il manquera à la majorité et au Parlement dans son ensemble.

Le projet de loi de règlement prend acte de la diminution du déficit budgétaire de l'État en 2011, par rapport à 2010, ainsi que de celle du déficit public. Selon la Cour des comptes, qui nous sert en quelque sorte de juge de paix, le déficit budgétaire a diminué de 59 milliards d'euros entre 2010 et 2011, dont seulement 14 milliards de réduction structurelle. Compte tenu du remboursement à l'État des aides au secteur automobile, l'amélioration du déficit budgétaire n'est en fait que de 10 milliards d'euros, ce qui correspond au niveau de croissance spontanée des recettes.

Quant au déficit public, il a diminué d'1,9 % du PIB, mais la Cour n'évalue la diminution structurelle qu'à 0,8 point de PIB, correspondant exclusivement à des gains en recettes. Sur ces 1,9 %, 0,8 % correspond à des baisses exceptionnelles qui, par définition, ne se renouvelleront pas : 0,4 % au titre de l'extinction du plan de relance, 0,2 %, provenant de l'arrêt de l'équipement militaire, et 0,2 %, de la fin de réforme de la taxe professionnelle et à hauteur de 0,5 % de mesures strictement conjoncturelles. La Cour des comptes estime même qu'en dépenses, la politique conduite a abouti à une contribution négative, de – 0,2 %, à la maîtrise de la dépense.

Le projet de loi de finances rectificative s'inscrit donc dans un contexte économiquement tendu. Le texte n'est pas consécutif au rapport de la Cour des comptes qui partage néanmoins les diagnostics établis par les ministères de l'économie et des finances et du budget et, par conséquent, les mesures que nous soumettons au Parlement. Le Gouvernement a constaté pour 2012 des insuffisances de recettes que la Cour estime entre 6,5 et 10 milliards d'euros, et que le Gouvernement estime pour sa part à 7,1 milliards d'euros.

Tout d'abord, 3,4 milliards d'euros proviennent d'insuffisance de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés. En effet, les recettes issues de cet impôt ont été surestimées dans la mesure où l'augmentation du bénéfice fiscal, évaluée à 5,4 %, n'aura finalement été que de 2 %, soit une erreur de plus du simple au double. La contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, votée par la majorité précédente, rapportera 500 millions d'euros de moins que prévu. Ces éléments sont confirmés par la Cour des comptes. La deuxième insuffisance de recettes concerne la TVA, à hauteur d'1,4 milliard d'euros, dont 0,4 milliard de nature conjoncturelle, la croissance ayant été plus faible que ne l'espérait le précédent Gouvernement, et 1 milliard correspondant à une surestimation probablement délibérée puisqu'elle a été réalisée alors que tous les remboursements de TVA n'avaient pas encore été effectués. En outre, il manque 1 milliard de recettes au titre des droits de mutation à titre onéreux. Un tel écart est compréhensible tant cette recette est sensible à la conjoncture. Enfin, on constate une insuffisance de recettes d'1 milliard d'euros au titre des cotisations de sécurité sociale, également d'ordre conjoncturel. À cela s'ajoute l'effet masse des décisions relatives à la Grèce, à hauteur de 300 millions d'euros.

Entériner une telle insuffisance de recettes équivaudrait à accepter de ne pas tenir notre engagement de réduire notre déficit public à 4,5 % du PIB. Des mesures complémentaires sont donc nécessaires, d'autant plus qu'un contentieux, jusqu'alors ignoré des parlementaires, a été découvert. Il a débuté il y a plusieurs années, en 2007 au plus tard et probablement plus tôt encore. Tous les juristes et autres personnalités consultés par le Gouvernement précédent avaient prédit que ce contentieux serait perdu par la France. Cette année, il nous coûtera 1,5 milliard d'euros et 5 milliards d'ici à 2014, compte tenu des intérêts moratoires de près de 20 % que la France devra verser, précisément parce que ce contentieux fut ignoré. S'ajoute à cela – et la Cour des Comptes le confirme – un dérapage des dépenses d'1 à 2 milliards d'euros, phénomène assez peu surprenant car constaté d'année en année et justifiant l'existence d'une réserve de précaution de 5,4 milliards d'euros. Elle a été maintenue et complétée par le gel d'1,5 milliard de crédits supplémentaire.

La LFR propose donc des recettes complémentaires à hauteur de 7,2 milliards d'euros afin de compenser ce manque de recettes et de régler une partie du contentieux précité, dit contentieux « OPCVM ». Je me tiens à disposition des parlementaires souhaitant en savoir davantage sur la manière tout à fait confidentielle dont il a été traité, malheureusement sans succès, par le Gouvernement précédent, et sur la manière dont nous espérons, en gestion, pouvoir étaler ces 1 à 2 milliards d'euros de dérapage dans la dépense. Cette année, nous constatons comme au cours des précédentes, une sous-budgétisation des opérations militaires extérieures, des primes de Noël, du Plan sécheresse et du dixième mois de bourse étudiante, qui fut annoncé mais qui ne fut qu'à moitié financé et qui coûtera cette année 120 millions d'euros pris sur la réserve de précaution.

Si ce PLFR est adopté par le Parlement, non seulement l'objectif de 4,5 % sera respecté mais une partie du programme présenté aux électeurs lors de la campagne présidentielle puis législative sera mise en oeuvre. En effet, afin de rétablir les finances publiques, nous sollicitons à part quasi-égale les ménages – pour 53 % – et les entreprises – pour 47 % –, jusqu'alors plutôt épargnés par les politiques économique et fiscale. S'agissant des ménages, nous proposons une taxe rétablissant le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – que l'État aurait perçu si cet impôt n'avait pas été réformé l'année dernière. Concernant les entreprises, nous proposons de taxer à 3 % les dividendes, suivant la volonté du Président de la République de traiter de façon différenciée les entreprises qui investissent et celles qui distribuent des dividendes. D'autres mesures sont plus ponctuelles, qu'il s'agisse de la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers, de la contribution exceptionnelle sur les établissements de crédit, ou de la taxe sur les transactions financières, dont l'assiette et un taux avaient été votés sous la majorité précédente. Nous nous voyons contraints de doubler ce taux afin d'assurer le rendement attendu initialement. Quant à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, créée par la majorité précédente, nous proposons d'en percevoir le produit de manière anticipée à la fin de cette année plutôt que l'année prochaine. Enfin, nous proposons de réviser les droits de succession. Lors du célèbre paquet fiscal de l'été 2007, la franchise avait été portée à 150 000 euros par enfant et par parent avec un délai de reprise de six ans, ensuite fixé à dix ans en loi de finances rectificative, à la fin de la précédente législature. Nous proposons de l'allonger de dix à quinze ans en abaissant le montant libre de droits à 100 000 euros par parent et par enfant. Ainsi, pour un couple ayant deux enfants, ce montant correspond, en une fois, à 400 000 euros, en deux fois, c'est-à-dire en trente ans, au double. Cela ne concerne donc pas le patrimoine des classes moyennes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion