Intervention de Jean-Paul Bigard

Réunion du 15 juin 2016 à 18h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Jean-Paul Bigard, président du directoire du groupe Bigard :

Chacun doit prendre ses responsabilités. Si nous étions dans un système qui l'interdit, j'en prendrais acte. Or, comme nous sommes dans un système dérogatoire, c'est à nous de régler le problème. Cela dit, la situation est peut-être plus claire en France que dans des pays qui ont interdit l'abattage rituel alors que la pratique perdure. C'est le cas de la Pologne, de l'Allemagne, de l'Angleterre et de l'Irlande. Quand je me rends dans les abattoirs de ces pays, j'aime bien traîner et ouvrir des portes. Je vois tout de suite, grâce à l'allure de la carcasse, que c'est de l'abattage rituel. Au moins, en France, les choses sont claires. Un jour, quelqu'un m'a dit que, dans un pays laïque, chacun se débrouillait comme il pouvait. Je lui ai répondu que la règle, en Europe, étant d'étourdir les animaux, on avait refilé la patate chaude aux abattoirs français. Dont acte : nous réglons le problème. Au moins, en France, il n'y a pas de tricherie, contrairement à ce que l'on voit dans les pays où l'abattage rituel est interdit mais se pratique tout de même.

Il est difficile de communiquer sur le sujet. Je tiens à ce que ces établissements soient des lieux fermés. Vous êtes arrivés à cinq heures quinze à l'abattoir de Feignies. Quand le téléphone a sonné, j'étais à mon bureau. J'ai tremblé, je me suis demandé ce qui se passait. Vous aviez un ordre de mission. J'ai seulement demandé que les caméras n'entrent pas dans l'abattoir. Nous allons fermer l'accès au début des chaînes d'abattage. Il y a quelques semaines, j'étais aux États-Unis, dans l'un des plus gros abattoirs du monde. Nous n'avons plus du tout accès au début des chaînes. C'est Fort Knox. L'acte de mort est totalement verrouillé. Ce n'est pas un spectacle, c'est un acte difficile, même lorsqu'il est bien géré. On voit du sang, on entend du bruit, il y a une odeur. C'est plus impressionnant sur un bovin de 500 kilos que sur un poulet de 1,5 kilo. Il est possible de renforcer encore les règles, mais nous n'avons aucun intérêt à mettre en scène et à ouvrir le début d'une chaîne d'abattage. La première partie de la chaîne d'abattage, c'est-à-dire de la mort de l'animal jusqu'à son éviscération thoracique, abdominale, autrement dit la vidange de l'animal, est délicate à montrer à des gens qui ne connaissent pas. Cela constitue obligatoirement un choc. Du reste, beaucoup de personnes ne veulent pas voir. On peut montrer des carcasses en bout de chaîne, lors de l'inspection sanitaire, mais pas ce qui est en amont.

Il faut s'attacher à définir des règles claires, à les imposer. Les contrôles sont effectués par les services vétérinaires. Ils savent comment cela se passe dans tous les outils. Il ne s'agit pas de leur confier une mission supplémentaire, mais d'intégrer cela dans leur contrôle, dans leur travail. Certains le font très bien – j'ai parlé tout à l'heure de techniciens qui opèrent avec un chronomètre. Pourquoi pas, si cela peut améliorer les budgets et enrichir les effectifs ? Le travail sera sous contrôle, et ce sera bien.

Autant on peut communiquer sur le produit fini, autant c'est compliqué en ce qui concerne la phase amont. Nous constatons aujourd'hui une évolution dans le message et dans l'acceptabilité par le consommateur, ce qui me vaut des échanges vifs et des désaccords de position avec le monde de la production. Il est de plus en plus difficile de faire la corrélation entre un animal et un morceau de viande. Le reportage de Mauléon a fini d'écoeurer ceux qui ne l'étaient pas encore. Certains estiment qu'il ne faut plus consommer des agneaux de lait.

Il fut un temps où le monde de l'élevage considérait qu'il fallait montrer une belle Normande, une belle Charolaise pour faire consommer de la viande. Mais, aujourd'hui, il faut partir dans une autre voie. Que l'on montre des animaux, des paysages, pourquoi pas ? Mais on ne peut pas montrer des animaux pour dire au consommateur qu'il va manger de la bonne viande. Bigard, Charal et Socopa investissent des sommes considérables dans la communication. Avec les « Hachés de nos régions », on voit furtivement, pendant une seconde, un troupeau de vaches normandes, mais tout de suite après on parle de viande et surtout pas de ce qui se passe dans l'abattoir.

Il ne faut pas communiquer sur l'amont de la chaîne d'abattage pour expliquer aux consommateurs que tout se passe bien. Il faut agir, prendre des dispositions pour que le travail en amont soit fait et que l'association L214 ou d'autres n'aient plus l'occasion de montrer des choses réelles ou arrangées. Il faut être rigoureux, exigeant et obligatoirement sanctionner si des anomalies sont constatées.

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