J'ai apprécié les dispositions qui ont été annoncées par le ministre en charge du domaine à la suite du Conseil des ministres du 20 janvier 2016. Toutefois, je m'interroge – voire m'inquiète – de la réalité des suites qui vont y être données. Depuis dix ans, j'ai connu un certain nombre de ministres en charge du domaine de l'État, qui se sont impliqués plus ou moins fortement. M. Christian Eckert – je lui rends cet hommage – est très attentif, à l'écoute et sait décider quand c'est nécessaire. Il n'empêche, la direction de l'immobilier de l'État (DIE) semble avoir vocation à demeurer sous le contrôle, le parrainage ou la tutelle – je ne sais quel est le terme le plus adapté – de la direction générale des finances publiques. Vous savez que le Conseil de l'immobilier de l'État (CIE) était favorable à la mise en place d'une direction disposant d'une certaine autonomie et n'ayant de comptes à rendre qu'au ministre, ce qui met l'accent sur la qualité du ministre en charge du domaine. On peut, en effet, s'interroger sur la capacité de la DIE à rassembler la diversité des intervenants de l'État quand de gros dossiers seront en jeu. Je pense, par exemple, à Paris qui, avec l'ensemble des administrations centrales sur son territoire et des implantations complexes, constitue un enjeu stratégique et politique fort.
J'en arrive ainsi à ma première question : mettrez-vous les moyens politiques pour accompagner la DIE afin qu'elle dispose de l'autorité nécessaire et puisse aussi s'entourer des professionnels adéquats ? En effet, les métiers évoluent au sein de l'ancien France Domaine et on peut espérer que la nouvelle direction soit dotée de moyens suffisants pour aller de l'avant. Cette capacité à mobiliser toutes les énergies n'est pas probante. On le constate à chaque élaboration des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) : trop souvent par le passé et encore aujourd'hui, France Domaine a été oublié ou informé au dernier moment, ne disposant ainsi plus de la possibilité de réagir. Je ne mets pas en cause l'ensemble des ministères, des grandes administrations ou encore des opérateurs de l'État mais certains d'entre eux ne sont pas assez attentifs aux observations du CIE. La professionnalisation sera donc, y compris sur le terrain, une étape très importante.
Le CIE a auditionné M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques, qui a tenu des propos très intéressants. Toutefois, en tant que président du CIE, je suis en train de préparer un courrier à votre attention qui représentera l'état d'esprit du CIE à l'unanimité car les avis du CIE sont toujours adoptés à l'unanimité.
Nous nous interrogeons également sur le jeu que peuvent jouer certaines municipalités. Dernièrement, nous avons auditionné un opérateur de l'État et un accord gagnant-gagnant a été conclu avec le maire, y compris en utilisant le plan local d'urbanisme, au bénéfice de la collectivité. Je connais une autre grande commune qui, au contraire, utilise le pastillage pour dévaloriser les biens de l'État alors que l'opérateur n'est pas encore connu. J'aimerais qu'on m'assure que les opérateurs sont connus au moment où la décote est fixée. Je ne prendrai pas l'exemple d'Icade, qui a démembré son patrimoine il y a quelques années, de façon forte intéressante. Je prends des paris sur l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et quelques autres biens. La même collectivité a indiqué lors du vote du budget 2015 que « la volonté de la ville est de dynamiser la gestion de son patrimoine », au moyen par exemple du siège social d'une société d'économie mixte proche de Saint-Thomas d'Aquin. À côté de cela, on vient d'apprendre que Sciences Po venait de finaliser avec l'État la vente de l'hôtel de l'Artillerie pour un montant de 93 millions d'euros TTC, soit 87 millions d'euros HT. Au cours de l'audition par le CIE des opérateurs concernés, le chiffre de 80 millions d'euros avait été évoqué. L'estimation libre de toute contrainte que j'avais demandée ne m'est jamais parvenue mais les professionnels contactés évaluaient le bien à 120 millions d'euros. Je ne conteste pas la qualité du projet mais des opérations d'une telle envergure nécessitent de faire preuve de transparence et de réaliser un montage vertueux. En effet, il est probable que dans quatre ou cinq ans, vous-même ou votre successeur, aurez peut-être à verser un complément de financement compte tenu du fait que, s'il y a eu une décote au départ, il n'est pas sûr que les logements étudiants aient été inclus dans le périmètre.
On m'apprenait ce midi que la vente de l'îlot Saint-Germain avait été finalisée. Il serait intéressant que l'on puisse connaître le montant de cette vente puisqu'il s'agit d'une négociation à l'amiable. En tant que rapporteur spécial, j'avais réalisé une évaluation des décotes « loi Duflot » à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2016 : sur les 70 millions d'euros de décote, 37 millions d'euros concernaient la ville de Paris. Il existe une multitude d'opérateurs du logement social avec des statuts et des contraintes variables et donc des facultés de revendre le patrimoine, quinze ans après, très différentes.
On peut regretter le recours insuffisant aux conventions d'utilisation, dont le rôle devrait être déterminant en matière de performance immobilière. Je considère que c'est l'amélioration du dispositif des loyers budgétaires et son extension aux opérateurs – et non sa suppression – que devra réaliser la nouvelle direction de l'immobilier de l'État. Vous avez souligné, monsieur le ministre, combien il pouvait être difficile aujourd'hui pour vous et France Domaine et, demain pour la DIE, de faire prendre conscience à l'opérateur ou à l'administration centrale que le propriétaire est l'État et non l'occupant et que la performance de cet immobilier mérite une attention particulière. Ainsi, la capacité de France Domaine à analyser des situations, à avoir une vision globale sur l'ensemble de l'immobilier et à pouvoir trouver des solutions mériterait également une attention particulière. Ce mécanisme des loyers budgétaires ne sera vertueux, M. le ministre, que si vous prenez toutes les précautions. La haute administration de Bercy n'y est pas favorable car ils n'auraient pas été complètement utilisés. À mon sens, le combat mené par le CIE depuis bien longtemps a toujours été d'exiger les loyers budgétaires et également de faire en sorte que les redevances d'utilisation ou d'occupation soient connues, transparentes et bien équilibrées.
Par ailleurs, je souhaite que le document de politique transversale, qui est un excellent document présentant chaque année l'ensemble de l'état de l'immobilier ainsi que ses performances, soit encore élargi à un domaine qui fait l'actualité, celui de la performance énergétique. Je crois que le Conseil supérieur de la construction a donné un avis favorable à un décret ministériel sur la performance énergétique et je souhaiterais que l'État applique aussi ce dispositif pour son propre immobilier.
J'aurai un exemple à donner concernant une haute autorité – ces autorités sont tellement « hautes » qu'elles ont tous les droits. Concernant cette autorité, pour 1 200 agents, il y a 21 000 mètres carrés disponibles, soit 24 mètres carrés par agent. Je sais qu'étant donné l'importance de cette autorité, il faut rester prudent mais je souhaite que progressivement, tous ceux ou celles qui résistent à une occupation décente des espaces de l'État puissent rendre également des comptes.