Intervention de Christian Eckert

Réunion du 21 juin 2016 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

Je répondrai d'abord à cette dernière question. Bien souvent les ministères mettent ces blocages sur le compte de France Domaine. Quand vous avez un dossier de ce type et que vous avez le sentiment qu'il y a un blocage soit à Bercy soit ailleurs, n'hésitez pas à m'en saisir directement. Je suis tout à fait prêt à examiner ce type de dossiers.

Quand j'ai pris la question de l'immobilier à bras-le-corps, on était très loin d'un recensement exhaustif du patrimoine de l'État. J'ai été extrêmement frappé, quand j'ai pris mes fonctions, que mes services me disent qu'on avait une connaissance du parc immobilier pas toujours quantitative et encore moins qualitative. D'énormes progrès ont été faits depuis. Dans le cadre de la phase d'expérimentation des SDIR, je me suis rendu dans les Pays de la Loire. Un recensement exhaustif des biens a été fait, indépendamment de celui qui se considère comme propriétaire, que ce soit un ministère ou que ce soit un opérateur, décliné avec des éléments qualitatifs comme l'accessibilité, le ratio d'occupation ou le rendement énergétique des bâtiments.

Aujourd'hui sur les treize régions, la phase de recensement-diagnostic du parc n'est pas achevée dans quatre d'entre elles. Lorsque ce recensement sera achevé, il sera plus facile d'obtenir la liste des biens vacants ou inutiles. La connaissance du parc que nous avions était extrêmement sommaire et ne permettait d'avoir ni une vision globale ni une vision stratégique.

Nous souhaitons disposer d'un véritable organe de pilotage de l'immobilier de l'État. On s'est beaucoup interrogé sur le fait de savoir si cette nouvelle direction, la direction de l'immobilier de l'État, devait ou non être intégrée à la DGFiP et quel serait son degré d'autonomie. La position du Premier ministre a été claire. Dans les circulaires qui ont découlé de la communication du 20 janvier 2016, il est affirmé que le pouvoir de décision appartient au ministre en charge du domaine. Il y a eu quelques hésitations pour savoir qui présiderait la Conférence nationale de l'immobilier public (CNIP). Sur ce point aussi, il est clairement dit que c'est bien le ministre en charge du domaine même si d'autres idées avaient germé ici ou là.

Pourquoi avoir laissé cette direction intégrée à la DGFiP ? Ce choix découle de notre interrogation sur le réseau déconcentré. Fallait-il créer un nouveau réseau déconcentré avec des structures régionales alors qu'il en existe déjà au sein de la DGFiP, avec les responsables de la politique immobilière de l'État (RPIE), prêt à s'intégrer dans la nouvelle direction de l'immobilier de l'État ? J'ai conscience qu'il faudra étoffer ces services par une plus grande professionnalisation, avec des personnes ressources sur des métiers liés directement à la gestion de l'immobilier. J'ai été très satisfait d'entendre à la première réunion de la CNIP, la semaine dernière, le ministère de la défense nous dire qu'il avait un service de gestion immobilière dont personne ne conteste la performance et dont il était prêt à mutualiser les compétences au-delà de la gestion de ses propres bâtiments.

Il y a une volonté politique clairement affirmée qui se repose sur une structuration laissant au ministre en charge du domaine toutes ses prérogatives et une articulation indispensable avec les préfets de région. L'articulation entre les préfets de région et les agents des finances publiques a soulevé des questions. Il n'y pas de relation hiérarchique entre eux. Ce point a été formalisé de manière très claire.

En matière d'évaluation, on ne s'interdit jamais de faire appel à des prestataires extérieurs pour confronter nos évaluations. Les missions d'évaluation ne sont pas les seules missions de France Domaine. L'évaluation dépend de l'utilisation future du bien, ou plus précisément des possibilités d'utilisation future du bien. Elle nécessite donc la connaissance des projets, mais l'élaboration des projets est aussi fonction de l'évaluation, d'où la complexité de cette phase.

La question sur le volume des cessions est une question traditionnelle. Elle est systématiquement posée par les journalistes, qui considèrent que si l'on n'a pas vendu beaucoup on a mal géré. C'est une vision à courte vue : la qualité de la politique immobilière ne dépend pas du nombre de biens vendus, ni en nombre ni en valeur. Il y a bien d'autres paramètres que vous connaissez. Le but n'est pas d'afficher des objectifs quantitatifs mais de bien gérer et d'avoir une utilisation optimale dans tous les sens du terme : performance énergétique, accessibilité, valorisation financière…

Les décotes sur l'application de la loi de 2013 fonctionnent. Elles ont mis du temps à se mettre en place parce qu'elles supposaient une appropriation du dispositif par tous les interlocuteurs. La décote est fonction de la nature du projet mais la nature du projet dépend de la décote. Le dispositif est aujourd'hui sur des rails, il profite au logement et je ne veux pas savoir s'il profite plutôt à tel ou tel organisme d'HLM. Ce qui m'intéresse c'est que ces décotes contribuent à produire du logement social. Les rapports de la Commission nationale de l'aménagement de l'urbanisme et du foncier (CNAUF) fournissent des données tout à fait précises en termes de volumétrie financière et de nombre de logements.

Vous avez évoqué, monsieur Dumont, le jeu de certaines municipalités. Les situations sont parfois terriblement complexes, comme dans la ville de Paris. Il y a des biens utilisés par l'État qui appartiennent à la ville de Paris et qui ne font l'objet d'aucune organisation juridique. Il y a des biens qui appartiennent au département de Paris qui font l'objet d'une utilisation gratuite par l'État. Il y a parfois même des biens dont on cherche pendant plusieurs mois à qui ils appartiennent.

La ville de Paris considère que c'est une situation qui doit se clarifier et cela ne me choque pas. Nous devons travailler avec la ville pour avancer sur des points financièrement importants, juridiquement compliqués et qui s'ajoutent à la volonté de la ville de Paris de « pastiller », c'est-à-dire d'imposer dans la construction de projets immobiliers un pourcentage de logements sociaux. Le pastillage excessif pourrait conduire au blocage complet et à l'impossibilité de cessions. Les investisseurs veulent faire des opérations rentables : imposer un trop grand nombre de logements sociaux sur une opération peut diminuer fortement sa rentabilité, avec pour conséquence le découragement d'un certain nombre d'investisseurs et le ralentissement des flux de cession. Avec la ville de Paris comme avec d'autres grandes villes en province, il faut discuter et négocier. Nous avons confié au préfet de la région d'Île-de-France une mission sur un certain nombre de sujets. Une première phase vient de s'achever avec un accord sur les pastillages ou les dépastillages d'un certain nombre d'opérations. Il y a des préaccords et je verrai prochainement le préfet de région pour envisager une deuxième phase, en particulier sur un certain nombre d'emprises parisiennes qui ont un caractère emblématique pour l'opinion et qui sont financièrement lourdes.

En ce qui concerne l'hôtel de l'Artillerie, la ville de Paris devrait donner dans les prochains jours son accord sur la vocation du bâtiment, ce qui est un préalable. Je sais que le Conseil de Paris doit se réunir prochainement pour valider le projet. Vous parlez, monsieur Dumont, d'une évaluation à hauteur de 120 millions d'euros : ce n'est pas l'évaluation de mes services, qui avaient plutôt évalué ce bien autour de 90 millions d'euros. Nous sommes en phase finale de discussion et je n'ai pas à ce jour de proposition chiffrée de Sciences Po. Nous avons fait connaître les caractéristiques de la transaction qui pourrait recevoir notre agrément, proche des chiffres que vous avez indiqués tout à l'heure, mais je n'en ai pas aujourd'hui formellement la demande. Cette question a fait récemment l'objet d'un échange entre la maire de Paris et le Premier ministre.

En ce qui concerne l'îlot Saint-Germain, le principe a été a arrêté quant à la vocation des différentes parties. Certaines parties vont rester à l'État, d'autres vont être cédées au privé, d'autres encore auront vocation à être des logements. C'est un accord global qui doit être encore travaillé et finalisé. Il nécessitera encore quelques mois de travail pour arrêter les arpentages et les divisions parcellaires sur un bien relativement volumineux.

La question des loyers budgétaires n'est pas tranchée. Je prendrai prochainement ma décision sur leur maintien ou leur suppression, avec l'accord du Premier ministre. Je connais à la fois les difficultés de la mise en oeuvre de ces loyers budgétaires, mais aussi leur intérêt. Je reconnais être assez partagé sur cette question. Ce sujet a fait l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des finances dont je vous invite à prendre connaissance et que je suis prêt à vous communiquer.

Vous avez parlé, monsieur Dumont, de la capacité de France Domaine à rassembler et à agir sur les différents ministères. Je crois avoir prouvé sur un certain nombre de cas que j'étais en mesure de le faire, en conformité avec ce qui est clairement dit dans les textes et les circulaires du Premier ministre.

M. Rodet a parlé des biens de l'État à l'étranger. Nous avons régulièrement des discussions avec le quai d'Orsay sur ces affaires qui sont souvent plus complexes que la presse veut bien le dire. C'est un exemple lié à l'Autriche qui est souvent évoqué en ce moment. Nous avons un regard attentif à la situation des biens situés à l'étranger.

Le ministère de la défense dispose d'un patrimoine immobilier très important, mais constitué de biens qui ne sont pas toujours situés là où les besoins de foncier sont très forts. Ils peuvent ne pas avoir une attractivité extraordinaire, comme certaines casernes ou terrains d'aviation. La volonté politique des élus locaux ne peut pas s'affirmer quand il n'y a pas de projet concret solide derrière un transfert de biens et a fortiori une acquisition de biens. Des cessions à titre gratuit ont toutefois été réalisées dans le cadre des règles fixées.

Un mot sur la question des universités, à laquelle j'ai déjà travaillé avec Thierry Mandon. Je dois assurer la fluidité du marché et dégager du foncier quand c'est nécessaire, je dois protéger le patrimoine de l'État, ne pas le céder à n'importe quel prix et ne pas favoriser des intérêts particuliers au détriment de l'État. Mais nous devons aussi, par le biais de l'immobilier, donner plus d'autonomie et de moyens à certaines structures comme les universités mais aussi l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Je plaide pour qu'il y ait systématiquement des clauses de retour à bonne fortune, ce qui n'a pas toujours été le cas. Certains transferts ont permis après quelques années la réalisation de plus-values importantes sans aucun bénéfice pour l'État. Il y a donc un travail à faire. Certaines universités ont un patrimoine foncier important dont il n'est pas sûr, d'ailleurs, qu'il ait vocation à demeurer en totalité du patrimoine destiné à l'université. Je n'ai pas de dogme en la matière mais veux m'assurer que tous les objectifs que j'ai évoqués soient respectés.

Je conclurai sur les opérateurs. Il est fondamental d'avoir une vision de l'immobilier qui englobe les opérateurs. Dans la région parisienne, où la tension immobilière est particulièrement forte, l'État n'est pas propriétaire d'énormément de terrains susceptibles de donner du foncier. Ce sont de grands opérateurs nationaux comme la SNCF ou SNCF Réseau qui peuvent dégager du foncier pour le logement, particulièrement le logement social, plutôt que l'État. Les opérateurs doivent absolument être inclus dans la nouvelle politique immobilière. Nous faisons en sorte de faire évoluer fortement la gouvernance et comptons sur l'aide du Conseil de l'immobilier de l'État et de la commission des finances.

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