Le déni est social, médical, général. Nous avons l'impression qu'on nous refuse le droit d'exister. Quand quelqu'un souffre de troubles obsessionnels compulsifs (TOC), on l'envoie chez un psychiatre, on s'occupe de lui – on ne lui dit pas de se débrouiller avec ses problèmes ! Nous, nous sommes classés en rhumatologie, mais on nous dit que tout est dans la tête – et on ne sait pas nous soulager.
Nous ne nous expliquons absolument pas cette omerta. Lorsque, avec M. Serge Perrot et M. Bruno Halioua, j'ai écrit le livre La fibromyalgie. Une si longue route, M. Halioua, qui écrit beaucoup sur l'histoire de la médecine, m'avait dit qu'il n'avait jamais rencontré de maladie qui entraîne un tel rejet du patient, une telle volonté de ne pas entendre les troubles. Sans doute le fait que les fibromyalgiques soient des femmes à 90 % n'aide-t-il pas…
Il y a pléthore d'articles de presse sur la fibromyalgie, et malgré tout les gens ont l'impression que l'on n'en parle pas.
Quelqu'un qui a mal, partout, tout le temps, qui s'enferme, qui n'a plus l'énergie de s'occuper de ses enfants, est traité comme s'il prenait un prétexte pour ne rien faire. Cette maladie est extrêmement invalidante, mais nous n'arrivons pas à en faire la preuve de façon objective : « Moi aussi, j'ai mal », nous disent les gens. Nous sommes dans l'inimaginable : comment une personne peut-elle vivre avec des douleurs continues, une fatigue chronique, un sommeil non réparateur ? Comment peut-on ne pas tenir debout pendant une demi-heure, comment peut-on arriver au travail en étant déjà fatigué ? Il y a de plus des troubles cognitifs associés : on écrit un texte très approfondi, de façon très compétente, mais d'un coup on ne sait plus si l'on est lundi ou mardi… Et les médicaments aggravent les troubles.
Il est aisé, si l'on se plaint à son médecin d'avoir mal un jour ici, le lendemain là, et le troisième de mal dormir, de penser à un trouble psychique. Mais même si c'était le cas, pourquoi ne s'occupe-t-on pas de nous ? Pourquoi ce rejet ?
Et puis il ne faut pas être trop souriante, trop maquillée, avoir trop bonne mine : on perdrait toute crédibilité. Mais si l'on a l'air misérable, on est encore moins crédible… On ne fait jamais ce qu'il faut !