J'ai commencé à ressentir des douleurs à quinze ans, après un problème infectieux grave ; mais à l'époque on ne se plaignait pas. J'ai été dispensée de sport au baccalauréat : on constatait donc bien des douleurs, mais on n'en savait pas grand-chose. J'ai continué ma vie sans comprendre pourquoi j'étais si fatiguée ; à trente-trois ans, j'ai eu mon premier enfant et je ne me suis pas relevée. Mes troubles étaient tels que l'on a pensé à une sclérose en plaques.
Ce diagnostic de sclérose en plaques probable a duré treize ans ; je suis rentrée en France, et après plusieurs années, en 1998, on m'a parlé de fibromyalgie.
Mais, je le disais, ce diagnostic n'entraîne pas forcément une prise en charge. C'est d'un sentiment d'injustice puissant qu'est née l'association : je trouvais incroyable ce diagnostic d'une maladie que personne ne connaissait ni ne semblait vouloir traiter, et qui de plus provoquait un rejet ! Avec la sclérose en plaques, j'éveillais la compassion ; avec la fibromyalgie, j'éveillais la suspicion. En 1998, nous étions vraiment très mal traités, dans les conférences, les congrès, partout.
Les seuls traitements adaptés que j'aie pu réussir à mettre en place sont des soins non médicamenteux : il faut apprendre à gérer la douleur, la fatigue, le stress. C'est le but de l'éducation thérapeutique du patient. J'ai ainsi mis en place des ateliers, dans un hôpital ; en six semaines, les effets se font sentir. Bien sûr, il ne suffit pas de danser pour aller bien, mais bouger sert à détourner l'esprit de la douleur. Il faut retrouver – c'est fondamental chez les douloureux – une forme de plaisir : lorsqu'on perd le plaisir, on ne peut plus s'éveiller à la vie autour de soi. Ces techniques sont maintenant bien connues du corps médical. Malheureusement, les projets d'éducation thérapeutique du patient sont encore trop rares.
Le diagnostic est aujourd'hui posé beaucoup plus tôt, voire trop tôt parfois. Les statistiques globales sont faussées par les malades de ma génération, qui ont souvent attendu vingt ou trente ans, voire plus, un diagnostic. Pour les personnes récemment diagnostiquées, 50 % ont obtenu un diagnostic en trois ans, dont 25 % en moins d'un an. Ceci constitue incontestablement à ce sujet une nette amélioration de la situation.
Sur cette question du diagnostic précoce et de la prise en charge de la fibromyalgie, nous avons été entendus par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Nous avons fait un rapport, qui comporte huit propositions. Le diagnostic précoce permet théoriquement une prise en charge précoce, ce qui permet au malade chronique de mieux gérer sa maladie. Un travail est en cours sur le diagnostic précoce des maladies chroniques ; il devrait être publié en 2017.
Nous avons également travaillé à un outil destiné à permettre aux médecins généralistes de poser un diagnostic plus rapidement. Auparavant, le diagnostic était la plupart du temps posé par des rhumatologues ; aujourd'hui, il l'est à 40 % par des généralistes, et à 53 % par les rhumatologues. On a pendant longtemps utilisé des critères très incomplets – les fameux dix-huit points de pression douloureux. Il existe maintenant des critères, plus étendus et mieux maîtrisés par les généralistes.
Encore une fois, le diagnostic, même précoce, n'entraîne pas nécessairement une prise en charge adaptée.