Intervention de Dalil Boubakeur

Réunion du 16 juin 2016 à 11h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris :

Absolument, Dieu est miséricordieux : en cas de nécessité, Dieu permet, avec son pardon, que la viande non rituellement égorgée soit consommée.

Puis, à partir de 1962, de nombreux musulmans, en particulier d'Algérie, ont été considérés comme rapatriés. On sortait brutalement du code de l'indigénat malgré le souhait du général de Gaulle, en 1958, de réaliser l'intégration en Algérie. Nous avons eu un an ou deux pour choisir entre être Français ou prendre la nationalité algérienne qui venait d'apparaître, comme ce fut le cas pour les Marocains en 1955 et pour les Tunisiens en 1957 – alors que l'ensemble des musulmans étaient jusqu'alors ressortissants de la communauté française.

À partir de 1962 s'est posé le douloureux problème des harkis. Un rapatriement massif a eu lieu, avec des aléas sur lesquels il n'est pas nécessaire de revenir, créant des difficultés notamment concernant la pratique religieuse. La question a été de savoir si ces gens-là devaient adopter une conception laïque vouée à la satisfaction des besoins familiaux, à la scolarité, au travail, etc., ou si, petit à petit, leur identité n'allait pas revenir affleurer parmi ces besoins. Je reconnais les efforts de mon ami Kabtane, tout jeune à l'époque, qui, avec un certain nombre de personnalités françaises, dont des officiers dont je salue la mémoire, a formé une association des Français musulmans. Ils ont commencé par demander une mosquée. Ainsi la grande mosquée de Lyon, la première obtenue après celle de Paris, a-t-elle répondu à une demande des musulmans pour l'exercice de leur culte. Elle a été inaugurée en 1994 après un terrible parcours du combattant, après des difficultés dont vous n'avez pas idée.

Auparavant, François Mitterrand, dès après son élection à la présidence de la République, avait promulgué une loi d'exemption pour les musulmans étrangers formant des associations loi de 1901 : les musulmans étrangers comme les musulmans français bénéficiaient désormais de la même facilité pour devenir président d'une association loi de 1901. Vous pouvez imaginer que leur première demande a été la création de mosquées. La première a été installée dans une usine désaffectée, à Roubaix, après que le Gouvernement s'y est opposé, tout comme le maire, André Diligent. Il a fallu en effet des manifestations aussi importantes que le serait, un peu plus tard, la marche des beurs, pour que le fait musulman soit considéré comme partie intégrante de notre République laïque. L'efflorescence des mosquées, à partir du début des années 1980, fut telle qu'on a constaté, en 1995, donc quelque quinze années après la promulgation de cette loi par François Mitterrand, que l'islam était devenu la deuxième religion de France.

Tout le reste, vous l'imaginez bien, a suivi : les prières, le pèlerinage, les pratiques religieuses… L'augmentation de la production de viande halal a commencé à ce moment-là, sans être bien contrôlée puisque les sacrificateurs étaient agréés par les préfets. Deux ministères, celui de l'intérieur, qui est chargé de tous les cultes, et celui de l'agriculture, chargé pour sa part des questions touchant à l'alimentaire, ont donc mis les autorisations en place, le décret de 2011 prévoyant que les sacrificateurs soient formés, notamment en matière de prévention de la souffrance animale.

On note donc une importante évolution de la communauté musulmane qui a poussé les autorités à exiger que les sacrificateurs et les contrôleurs soient formés, en partie par le ministère de l'agriculture qui délivre l'attestation, et par les instituts musulmans comme l'a précisé le recteur de la grande mosquée de Lyon.

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