Je vous remercie, messieurs, pour vos exposés. Nous avons tous ici bien conscience que, quel que soit le mode d'abattage, les conditions objectives d'exécution sont loin d'être parfaites ; c'est du reste ce qui justifie l'existence de la présente commission. Beaucoup de travail nous attend pour combler l'écart entre la règle et la pratique ; ce qui ne retranche rien aux questions qui ont été posées. Il n'y a pas un modèle d'abattage idéal vers lequel nous devrions tendre, mais des règles dont la mise en oeuvre pose des problèmes. Autrement dit, il n'y a pas une perfection et des soucis ; il y a des règles et des soucis dans leur mise en oeuvre.
Je commencerai par les techniques admises et leur évolution. À un moment donné, il faut bien que des autorités, légales d'un côté, religieuses de l'autre, conviennent des pratiques admises par les uns et par les autres, et conviennent d'un processus d'évolution. Autrement dit, il convient de définir une méthode pour savoir si et les autorités légales et les autorités religieuses acceptent un outil nouveau. Il ne servirait à rien, en effet, de l'accepter sur le plan réglementaire s'il n'est pas utilisable aux fins rituelles auxquelles on le destine ; de même, s'il est conforme aux prescriptions religieuses mais inacceptable d'un point de vue réglementaire, le problème ne sera pas mieux résolu. Nous devons donc réfléchir à un process adéquat.
Surtout, une fois cette technique définie, comment en contrôler la bonne exécution ? Nous nous heurtons ici à un problème spécifique à l'abattage rituel : ce contrôle devrait à mon sens être partagé. La décision de sa conformité à la prescription religieuse vous appartient mais, sur le terrain, dans l'abattoir, quiconque voit l'acte, pourrait avancer que la pratique n'est pas halal ou pas casher : « Moi qui ne suis pas savant en matière de religion, j'ai un texte qui me dit comment procéder et je vois bien que ce n'est pas ce que vous faites ! Vous êtes venu sacrifier un animal dans mon abattoir, vous êtes agréé pour le faire, c'est parfait, mais je suis responsable de mon établissement et je constate que votre couteau est ébréché, que l'aiguisage n'est pas bon, que vous n'êtes pas venu à l'heure prévue, etc. » Pouvons-nous donc accepter ce contrôle double de la licéité religieuse et de l'exécution qui, elle, peut être contrôlée à plusieurs ?
Enfin, j'estime qu'il faut faire des efforts en matière de formation. Les générations passent et les gestes requis sont très techniques. Je dis souvent qu'il y a plus de différence entre un abattage rituel mal fait et un abattage rituel bien fait qu'entre un abattage rituel et un abattage non rituel. Ce qui signifie que le progrès accompli est loin de friser la perfection et qu'il convient d'améliorer la formation, j'y insiste, le contrôle, l'agrément des équipements et des personnels… Sur ce dernier point, je suis frappé par la durée des agréments : l'opérateur est agréé, soit, mais quand vérifie-t-on que l'agrément tient toujours, que l'intéressé est toujours capable de remplir sa fonction, qu'il maîtrise les nouvelles techniques, meilleures que celle mises en place dix ans auparavant, bref, qu'il est au top, comme on dit en bon français ? Nous devons, ici aussi, travailler ensemble pour mieux assurer le progrès : ne pouvons-nous concevoir des instances paritaires de réflexion technique, de réflexion éthique qui le diffuseraient ? Il faut en effet bien reconnaître que, dans la pratique, on note une grande émancipation par rapport aux règles en vigueur, qu'elles soient administratives ou religieuses.