Je remercie vraiment les députés qui ont posé ces questions et en particulier le rapporteur qui a exprimé ce que j'aurais voulu dire.
Je rappelle que l'abattage rituel représente 15 % du total et que l'abattage rituel juif ne compte que pour 1,6 % des animaux.
Je ne suis pas forcément d'accord avec ce qui a été dit sur l'association L214 : même si elle donne un coup qu'on peut prendre personnellement, l'alerte qu'elle lance est vitale pour nous tous. Ensemble, faisons face – devise de l'armée de l'air où j'ai servi – à ces critiques, même si l'abattage rituel juif et l'abattage rituel musulman ne sont en rien concernés par les images atroces qui ont été diffusées. Et vous avez raison, monsieur le rapporteur : quand j'étais rabbin de Reims, j'étais allé visiter les abattoirs pour voir ce qui s'y passait. Quiconque voit un abattage ne mange pas de viande pendant au moins plusieurs semaines, tant il est difficile de le supporter dans une société qui a normalement évacué la violence de sa sphère. Nous devons ensemble améliorer les choses.
Oui, madame Le Loch, si une nouvelle technique nous arrive de Nouvelle-Zélande ou d'ailleurs, si elle est conforme à la fois à la réglementation en vigueur – par nature évolutive – et aux prescriptions religieuses, nous saurons nous adapter.
En ce qui concerne votre audition d'hier soir, je ne l'ai pas visionnée mais j'ai l'impression, d'après ce que vous en dites, que vous avez eu affaire à quelqu'un qui n'aime pas l'abattage rituel juif – qu'il trouve, je reprends son mot, bordélique –, qui n'aime pas l'abattage rituel musulman, qui n'aime pas non plus l'État, bref, quelqu'un qui n'aime personne… Eh bien, nous irons abattre ailleurs ! Je pense néanmoins qu'il y a un problème majeur dans ce qu'il décrit : malheureusement, des abattages rituels juifs sont réalisés par des sacrificateurs qui ne sont pas sous mon autorité. La carte que je délivre est terrifiante : je peux la retirer sur simple contrôle des vétérinaires. Le ministère de l'agriculture a un corps d'inspection auquel nous nous fions totalement, au point que si les vétérinaires nous signalent – et c'est arrivé, j'évoque ici un cas concret – que tel abatteur rituel a fait un geste un peu rapide ou non conforme aux prescriptions, je lui retire sa carte et il se retrouve dans l'impossibilité de travailler. Et, afin d'éviter tout souci avec les prud'hommes, nous lui confions le contrôle de la phase qui suit l'abattage.
J'aime cette idée qui me rappelle l'article 40 du code de procédure pénale qui oblige les fonctionnaires, dans l'exercice de leurs fonctions, à aviser sans délai le procureur de la République d'un crime ou d'un délit dont ils auraient eu à connaître. De la même manière, si quelqu'un constate une pratique dangereuse, qui affaiblit la confiance qu'on place dans la filière collective, il doit la dénoncer.
Sur le tableau accroché derrière votre président, on peut lire cette phrase : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. » Il s'agit d'une phrase quasi biblique : tu aimeras ton prochain comme toi-même, ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse. Cette liberté, on conçoit bien que, parfois, on doive la normer.
Oui, nous nous adaptons, monsieur Censi, mais, et c'est le génie de la France, cette adaptation se fait dans le respect de nos traditions, dans le respect de ce que nous sommes.
Vous avez également évoqué le système dérogatoire. Je vais vous donner un exemple qui me rappelle mon expérience militaire : en France, depuis un décret de 1939, on n'a pas le droit de vendre d'armes à l'étranger, sauf système dérogatoire. C'est ce système dérogatoire, qui s'appelle la CIEEMG (Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre), qui fait aujourd'hui de nous, très immodestement, le troisième vendeur d'armes au monde… La dérogation ne consiste pas à vous vous autoriser à faire dans votre coin votre petit truc pas terrible ; c'est une façon de dire qu'il s'agit d'un acte grave, grave au sens d'important. Oui, c'est un acte grave, important, de vendre des armes ; on ne le fait pas de manière anodine. Oui, c'est un acte grave, important, d'abattre un animal, un être vivant. Le système dérogatoire, j'y insiste, dans le cas qui nous occupe, ne signifie pas qu'on condescend à vous laisser faire votre truc entre vous, mais qu'on a conscience que, vous donnant cette dérogation, vous devez être encore plus attentifs au respect de l'être vivant que vous devez abattre pour le consommer. Ce système est construit sur la confiance de tous les intervenants, y compris sur celle du brave homme que vous avez auditionné hier soir. Je crois profondément que c'est ensemble que nous pourrons instiller de la confiance.
Il s'agit d'une règle que j'ai théorisée sur l'éthique – j'étais membre du Comité national d'éthique. Certes, quand, on parle d'éthique, on ralentit le système et on est moins efficace. Mais quand on parle d'éthique, on instille de la confiance dans le système et, à moyen et, surtout, à long terme, le système sera plus efficace.
De la même façon que l'État a mis en place des comités d'éthique sur les rites funéraires, ce serait une belle idée que vous proposiez la création d'une sorte de comité d'éthique sur l'abattage et qui ne réunirait pas uniquement des représentants religieux – je répète que tout ce qui a heurté l'opinion n'a jamais concerné l'abattage rituel : il s'agissait, en l'occurrence, d'abattage bio… Nous y participerions, pour ce qui nous concerne, comme une part de la pensée collective pour renforcer la confiance dont la société a tant besoin.
Le 26/10/2016 à 16:18, laïc a dit :
"J'aime cette idée qui me rappelle l'article 40 du code de procédure pénale qui oblige les fonctionnaires, dans l'exercice de leurs fonctions, à aviser sans délai le procureur de la République d'un crime ou d'un délit dont ils auraient eu à connaître. De la même manière, si quelqu'un constate une pratique dangereuse, qui affaiblit la confiance qu'on place dans la filière collective, il doit la dénoncer."
M. nous présente l'idée d'un Etat dans l'Etat. Et bientôt des tribunaux religieux ? Après tout, si un juif ou un musulman n'a pas agi conformément à ce que la loi juive ou musulmane lui prescrit, pourquoi ne serait-il pas jugé par ses coreligionnaires, avec les peines prévues par la loi religieuse, sans tenir compte des lois civiles ? On voit ainsi à quelles extrémités pour nous amener cette proposition avancée par M. Korsia. Il ne peut y avoir qu'une loi en France, comme il ne peut y avoir qu'une répression, sinon c'est la porte ouverte à tous les abus, à toutes les dérives. La laïcité est là pour lutter contre cela, la laïcité a un sens de justice et de légalité.
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