Intervention de Jean Bizet

Réunion du 15 juin 2016 à 16h45
Commission des affaires européennes

Jean Bizet, président de la commission des Affaires européennes du Sénat :

Je tiens à remercier la présidente Danielle Auroi de nous permettre d'échanger avec vous. Nous gardons un excellent souvenir de la récente présidence italienne de l'Union européenne qui a démontré sa capacité à faire avancer l'ensemble des projets européens en cours.

C'est un fait que l'Europe traverse aujourd'hui une série de crises. L'Italie s'est ainsi retrouvée, avec la Grèce, en première ligne dans la crise des migrants. Je tiens à rendre hommage à la réponse humaine qui a été la sienne ainsi qu'au dévouement des services italiens et des associations dans la gestion de celle-ci.

Europe essaie d'adopter non sans difficulté une démarche cohérente. Je ne crois pas à la pertinence d'une réponse nationale qui viserait à rétablir les frontières. C'est une réaction, dictée par l'émotion, qu'on peut comprendre mais qu'on ne peut valider. La libre-circulation à l'intérieur de l'Union est un acquis majeur qu'il faut préserver. Le corollaire de cette liberté est toutefois la nécessité d'assurer la sécurité des frontières extérieures. C'est pourquoi nous soutenons la proposition de la Commission européenne de renforcer FRONTEX et de créer un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes européens. Or, une telle proposition suppose des transferts de souveraineté ou, à tout le moins, une souveraineté partagée. Ce fait peut susciter certaines réticences mais si l'on veut être pragmatique et efficace, il ne faut pas se voiler la face. J'aimerais avoir votre appréciation sur ce point.

L'accord signé par l'Union européenne avec la Turquie pour le renvoi des migrants semble donner de premiers résultats mais, comme l'a rappelé la présidente Danielle Auroi, il faut rester très prudent. Nous avons eu un échange un peu ferme hier lors de la COSAC à La Haye avec la délégation turque qui y assiste en tant qu'observatrice. La définition qu'elle a du terrorisme – ou plutôt qu'elle n'a pas car ne veut pas l'admettre – comme l'appréciation quelle porte sur les relations entre la Syrie, l'Union européenne et les États-Unis ne sont pas tout à fait les nôtres. Nous avons beaucoup d'interrogations sur les conditions de la mise en oeuvre de l'accord comme sur les contreparties accordées à la Turquie. Malheureusement, les développements récents et les évolutions préoccupantes du régime turc ne conduisent pas à l'optimisme.

Quelle est votre analyse sur la perspective d'une libéralisation des visas pour les citoyens turcs ? 72 critères doivent être remplis et les autorités turques avouent elles-mêmes que tous ne le sont pas aujourd'hui.

La situation économique de l'Union européenne est, malgré quelques signes d'amélioration, encore fragile. L'Italie a plaidé pour une plus grande flexibilité. Nous devons trouver un meilleur équilibre entre le nécessaire redressement des finances publiques et la relance de l'investissement au service de la compétitivité. Au-delà, il faut être conscient des enjeux d'une plus grande intégration de la zone euro et d'une meilleure convergence. Nous savons que depuis 1999, l'union monétaire a souffert de l'insuffisance de l'union économique. Il est plus que temps d'avoir une véritable union économique et monétaire nécessaire au bon fonctionnement du marché unique. Nous aimerions avoir votre point de vue sur ce sujet.

Enfin, à la veille du référendum britannique, on ne peut que s'interroger sur la cohésion de l'Union et sur ses perspectives. Quel qu'en soit le résultat, nous ne pourrons faire l'économie d'initiatives pour relancer le projet européen en le recentrant sur les grands enjeux et en rendant l'Europe plus soucieuse de subsidiarité et de simplification. Je résume souvent ces idées dans une phrase : nous avons besoin d'une Europe puissance plus que d'une Europe espace. Or, une telle ambition exige une volonté politique qui, il faut le reconnaître, s'est passablement étiolée depuis quelques années. Plus précisément, le couple franco-allemand doit être fort sans s'éloigner de ses principaux partenaires, parmi lesquels l'Italie. L'Italie est l'un des grands pays fondateurs de l'Europe et, à ce titre, elle a une responsabilité particulière, comme la France et l'Allemagne, pour donner une impulsion nouvelle au projet européen.

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