Monsieur Lamblin, vous évoquiez la possibilité que la vidéo puisse servir de preuve à décharge. Mais, lorsqu'on est au coeur du cyclone médiatique, on a du mal à se servir d'une vidéo ! On ne peut pas diffuser quarante-huit heures d'images où tout se passe bien au journal de vingt heures ! Pour se défendre et prouver que l'entreprise est vertueuse, il faut compter sur des tiers. Je pense évidemment aux DDPP qui sont les gendarmes de nos métiers. Il faut s'assurer qu'ils ont les moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions.
Le RPA assume une fonction transversale qui s'apparente à celle du responsable sécurité qui a été créée ces quinze dernières années. Ce dernier est également un lanceur d'alerte s'agissant d'éventuelles procédures inadaptées qui risqueraient de provoquer des accidents ou de dégrader l'état de santé des personnels. Il veille notamment aux gestes des salariés pouvant favoriser l'apparition de troubles musculo-squelettiques (TMS), par exemple lors de l'accrochage à l'abattoir. Cela intéresse l'entreprise qui peut être sanctionnée financièrement si son taux de TMS est trop élevé. Les chefs d'entreprise écoutent les responsables sécurité, car ils font progresser l'entreprise et la préservent d'un risque qui pèse aussi sur ses finances.
On peut faire un parallèle avec les RPA, car un risque réel existe pour l'image de plusieurs marques à forte valeur économique qui défendent publiquement une certaine éthique. Les marques commerciales communiquent en effet en présentant un peu « Martine à la ferme » : elles vendent du rêve. Mais, comme le disait M. Daniel, la première fois que vous entrez dans un abattoir de volaille, vous pénétrez dans une salle sombre avec une lumière bleue pour éviter d'effrayer les animaux, conformément à la réglementation. Vous subissez un choc.
L'acceptabilité de nos métiers par la société est un vrai sujet de débat sur lequel nous réfléchissons depuis des années. Nous avançons, mais on ne peut pas systématiquement s'appuyer sur les labels et sur les volailles fermières, car ce segment ne représente que 20 % de la production française. Nous sommes face à un véritable enjeu de société. Nous en sommes parfaitement conscients.
Il est sans aucun doute surprenant de pénétrer pour la première fois dans une salle d'accrochage. On ne peut pas nier que l'ambiance soit glauque. Cela dit, dans mon entreprise, j'ai encore remis récemment la médaille du travail à des « accrocheurs » qui avaient occupé leur poste pendant trente-cinq ans. Lorsque je leur propose des postes moins exigeants physiquement, la réponse est toujours négative. Ces hommes sont habitués à faire ce travail ; ils s'y plaisent. Nous sommes très attentifs aux questions de TMS parce que l'entreprise risque d'être sanctionnée.