Intervention de Rached Ghannouchi,

Réunion du 21 juin 2016 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Rached Ghannouchi, :

Le djihad, dont vous m'avez demandé la définition, c'est le droit, pour un État agressé, de se défendre par les armes. Ce n'est pas l'entreprise d'un seul, ce n'est pas un chaos dans lequel des individus isolés, s'identifiant à l'État, prennent les armes. Telle n'est pas, disent les théologiens, la définition qu'en donne le Coran. De jeunes meurtriers incultes tuant de manière aléatoire, sans ordre de l'État, ce n'est pas le djihad. Ces jeunes gens considèrent qu'un État ou un autre – l'État tunisien par exemple – est un élément de désordre, s'érigent eux-mêmes en État, et l'attaquent.

Quel a été l'avis des religieux sur la transformation d'Ennahdha ? Que le parti se soit déclaré un parti démocratique musulman a eu un grand écho dans le monde arabo-musulman, notamment au Maghreb. Beaucoup ont vu dans cette évolution les prémisses positives d'une réforme ; d'autres, jugeant que c'est dévier de la religion, la considèrent néfaste. Pour nous, l'avenir de l'islam est dans la voie que nous avons adoptée. Au Maroc, le Parti de la justice et du développement, au pouvoir, qui était un mouvement religieux, a abandonné sa composante religieuse pour se constituer en parti politique. Nous pensons qu'il en ira de même en Libye, où le Parti justice et construction, qui est démocrate et modéré, est scindé des Frères musulmans.

Ennahdha se définit désormais comme un parti de démocrates musulmans et ne se distingue pas des autres partis démocrates. Nous considérons que le pouvoir émane du peuple, que les droits de l'homme doivent être respectés ainsi que le pluralisme politique et que le gouvernement sort des urnes. Il n'y a qu'une seule conception de la démocratie, c'est celle-là. L'islam inspire ces principes. Un musulman qui pratique la démocratie au sein d'Ennahdha se sent un bon musulman car, ce faisant, il applique des principes qui s'inspirent de l'islam. Tout comme le protestantisme, qui veut qu'un bon protestant entreprenne, a beaucoup contribué à la naissance du capitalisme, l'islam est pour nous une source d'inspiration et de valeurs démocratiques, comme le sont pour d'autres le bouddhisme, le judaïsme ou le christianisme. Si j'évoque souvent la CDU, c'est parce qu'elle est pour nous l'exemple parfait d'un parti qui s'attache à faire coïncider religion et démocratie. Nous ne lançons pas de fatwa, nous ne disons pas ce qui est licite et ce qui ne l'est pas. Nous avons un programme politique ; il revient au peuple de l'accepter ou de le refuser. Un membre d'Ennahdha n'est pas un meilleur musulman qu'un non-membre, et nous ne faisons pas de prosélytisme. Ceux qui acceptent nos principes nous rejoignent : il n'est pas besoin d'être musulman pour cela, mais de faire sien notre projet politique et socio-économique. Le niveau de religiosité de nos membres ne nous concerne pas. Vous aurez d'ailleurs remarqué que, dans cette salle même, une de nos adhérentes est voilée et que l'autre ne l'est pas ; c'est Mme Aroua Ben Abbes.

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