Intervention de Laure Bereni

Réunion du 1er juin 2016 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Laure Bereni, sociologue, chargée de recherche au CNRS, membre de l'équipe « Professions, réseaux, organisations » du Centre Maurice Halbwachs :

Les perspectives dont je vous parle, que l'on pourrait faire remonter très loin mais que l'on associe souvent à Simone de Beauvoir et son ouvrage Le deuxième sexe, ont évidemment une dimension éminemment politique. Ce sont des savoirs qui ont été d'emblée au service de la contestation sociale et politique.

Dans les années 1970, un mouvement féministe s'est structuré en France, et dans ce mouvement que l'on appelle souvent « la deuxième vague du féminisme », les savoirs théoriques et savants occupaient une place très importante. C'étaient des armes intellectuelles pour contester la hiérarchie entre les hommes et les femmes. D'emblée, tous ces savoirs ont été mobilisés par des militantes et des militants qui luttaient contre la domination masculine et dès l'origine, les enjeux scientifiques et politiques ont été fortement imbriqués.

Mais il s'est passé bien des choses depuis les années 1970, notamment un processus d'institutionnalisation de ces recherches : on a commencé à recruter des chercheuses et des chercheurs qui travaillaient sur ces questions et à publier leurs articles dans des revues savantes légitimes. Ce processus d'institutionnalisation a fait entrer ces recherches dans les canons scientifiques, en les éloignant un peu du mouvement social dont elles étaient issues, le mouvement féministe.

En dépit de cette autonomisation des recherches sur le genre par rapport au mouvement social, le dialogue reste très fort aujourd'hui entre les militantes féministes et les chercheuses et chercheurs sur le genre. Naturellement, il n'y a pas d'unanimité, mais une telle unanimité n'existe même pas parmi les chercheurs.

Il y a donc une forme de normalisation des études sur le genre, d'intégration dans le monde académique et dans les canons de la recherche scientifique : on fait du terrain en sociologie, des entretiens, de l'observation ethnographique, on s'inscrit dans une littérature plus générale. Mais dans le même temps, le regard critique demeure, trace politique toujours très vivante dans les études sur le genre.

Cela répond peut-être à votre question : cette dimension potentiellement politique est toujours présente, et elle rend ces recherches toujours suspectes.

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