Pour ma part, j'ai travaillé sur la bataille de la parité, c'est-à-dire le processus de légitimation, dans les années 1990, de la première réforme paritaire des années 1999 et 2000. Des militantes se sont mobilisées en faveur de cette réforme dans de nombreuses sphères sociales, aussi bien les associations que les partis politiques, et ici même à l'Assemblée nationale puisque c'est au coeur du débat sur la parité que cette délégation, ainsi que celle du Sénat, ont été créées. C'est aussi au moment de ce débat que l'Observatoire de la parité a été créé.
Cette mobilisation a aussi eu lieu à l'université. En travaillant à ces questions, j'ai été frappée de constater à quel point cette bataille de la parité avait été une bataille des idées et des principes, parce que les résistances à la parité prétendaient se fonder sur les principes politiques. Évidemment, il était difficile de dire que l'on ne voulait pas des femmes parce qu'il aurait fallu que les hommes laissent leur place !
Les principaux arguments opposés à la parité étaient qu'il s'agissait d'une brèche dans l'édifice de l'universalisme républicain qui allait laisser libre cours aux revendications particularistes, et que cette réforme était absolument incompatible avec la tradition française de la République.
Dans cette mobilisation, les chercheuses – à cette époque, peu d'hommes travaillaient sur ces questions – ont joué un rôle de légitimation très important. Ce qui distingue peut-être cette mobilisation féministe contemporaine de celles qui l'ont précédée est le fait que ces femmes, aujourd'hui, sont expertes. Elles sont écoutées comme des expertes, et non plus seulement comme des militantes. Aujourd'hui, la cause des femmes est défendue au coeur des institutions dominantes. C'est ce que j'ai voulu montrer dans le livre issu de mon travail de thèse : ces mobilisations pour la cause des femmes émergent au coeur même des institutions et ont le potentiel pour former une coalition transversale. Ce fut le cas au moment du vote des lois sur la parité.