Intervention de Laure Bereni

Réunion du 1er juin 2016 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Laure Bereni :

Historiquement, les sciences dures telles que la biologie ou la médecine ont été parties prenantes des systèmes de domination sociale en légitimant les rapports de domination. Depuis les années soixante et soixante-dix, plutôt dans le domaine de la médecine et de la biologie que de la physique, des critiques féministes et des analyses de genre sont venues mettre en évidence des métaphores hypersexuées dans la description des phénomènes naturels ; par exemple, comment le spermatozoïde « part à l'assaut » de l'ovule, qui reste totalement passif. En histoire des sciences et en sociologie des sciences, un certain nombre de choses ont été faites.

En sciences physiques et en mathématiques, beaucoup de recherches expliquent pourquoi les filles ne s'orientent pas vers ces filières et détaillent les obstacles qui se dressent sur leur route. Cela relève de la sociologie de l'éducation, c'est un domaine un peu différent.

Votre deuxième question porte sur les conséquences économiques des études de genre. Je suis toujours méfiante à l'égard de cet argument, car il me semble qu'en justifiant la recherche et les sciences par leurs conséquences économiques, nous entrons sur un terrain glissant. Je comprends que vous posiez la question, car pour défendre quelque chose face à des gens qui ne veulent rien entendre sur l'intérêt de la démarche, il faut prouver son utilité. Mais je pense qu'il faut rester vigilant, car ce type de justification va servir jusqu'au jour où nous ne prouverons pas que certains progrès ont une utilité économique, et alors nous reviendrons en arrière.

Pour avoir travaillé sur les politiques de diversité des grands groupes français et américains, je connais les pièges de cette rhétorique utilitariste, qui vont subordonner l'ensemble des politiques menées dans l'entreprise à un objectif de profit, et délaisser toute une partie des réformes qui devraient être menées pour améliorer l'égalité au motif qu'elles n'ont aucun impact en monnaie sonnante et trébuchante. Je préfère donc ne pas me prononcer à ce sujet. Bien sûr, des études sont menées pour montrer l'impact de telle ou telle recherche, mais il est dangereux de justifier la recherche uniquement au nom de son utilité économique. Il me semble que la recherche doit rester un domaine autonome, capable de prendre le temps de travailler à long terme, sans être complètement arrimé à des objectifs politiques et économiques à court terme. Dans la mesure du possible, il ne faut pas suivre cette pente.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion