Monsieur le président, vous aurez tout le temps de poser des questions puisque, par respect pour le Parlement, j'ai réservé toute ma matinée à cette audition de manière à pouvoir être absolument complet. Vous n'avez aucune inquiétude à avoir : vous aurez des réponses extrêmement précises sur tous les sujets que vous avez bien voulu évoquer.
J'en viens donc à ma seconde réflexion sur les « failles » supposées des services. Il est extrêmement rare que soient évoqués les attentats qui n'ont pas eu lieu, précisément parce que nos services de renseignement ont arrêté ceux qui les planifiaient avant même qu'ils puissent être commis. Je veux sur ce sujet apporter des informations sur des événements qui se sont produits depuis ma précédente audition par votre commission. Je pense à l'arrestation de Reda Kriket à Argenteuil, qui a porté à quinze le nombre des attentats déjoués depuis 2013 grâce au travail minutieux de nos services – dont sept depuis janvier 2015.
Par ailleurs, toujours depuis janvier 2015, 335 individus impliqués d'une façon ou d'une autre dans des filières djihadistes ont été interpellés par la DGSI. Parmi eux, 173 ont été mis en examen, et 130 ont été écroués. D'une manière générale, la DGSI est saisie, en propre ou avec la police judiciaire, du suivi de 271 dossiers judiciaires concernant 1 183 individus en raison de leur implication dans des activités liées au terrorisme djihadiste. C'est cette activité intense de nos services de renseignement intérieur qui permet, jour après jour, d'éviter que de nouveaux attentats soient commis. Il me semble important de ne jamais l'oublier.
Cependant, ce constat ne signifie pas, bien entendu, que notre dispositif de renseignement ne doive pas être réformé, renforcé, adapté à l'évolution de la menace terroriste qui a frappé notre pays en 2015. Bien au contraire, le Gouvernement s'est attaché à agir simultanément sur quatre terrains : la réorganisation de nos services de renseignement, afin de couvrir l'ensemble du spectre et de mieux partager l'information ; la modernisation du cadre juridique dans lequel agissent nos services face à un adversaire qui adapte en permanence sa stratégie et ses moyens d'action ; le renforcement continu des moyens d'action de nos services sur le plan matériel et humain, et la recherche d'une coordination plus efficace des services européens spécialisés ainsi que le renforcement des instruments dont ils disposent.
Je veux aujourd'hui revenir devant vous sur les principales décisions que nous avons prises depuis le début du quinquennat, et surtout depuis janvier 2015, pour renforcer nos capacités de renseignement intérieur, qu'il s'agisse de la surveillance du « haut du spectre », confiée à la DGSI, ou bien de la détection des signaux faibles de radicalisation, tâche décisive qui revient désormais au service central du renseignement territorial (SCRT) et aux autres acteurs du « deuxième cercle ».
Pour leur donner une pleine et entière capacité d'action, et par là même corriger certains effets négatifs engendrés par la réforme de 2008, il nous fallait tout d'abord rationaliser l'organisation de nos services. Dès 2013, nous avons commencé à réformer en profondeur l'architecture générale de notre dispositif, lequel repose désormais sur une articulation extrêmement claire et dynamique entre le « premier cercle » du renseignement intérieur, et le « deuxième cercle » composé principalement, s'agissant des services de renseignement, du service central du renseignement territorial (SCRT), de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP), et de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO) de la gendarmerie nationale.
Nous poursuivions alors deux objectifs complémentaires, qui sont aujourd'hui pleinement atteints : d'une part, achever la transformation de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et d'autre part, et c'est très important compte tenu des préoccupations que vous avez exprimées, monsieur le président, recréer un véritable service de renseignement de proximité en milieu ouvert.
Sur le premier point, les choses sont faites depuis la publication du décret du 30 avril 2014 portant création de la DGSI et la plaçant directement sous l'autorité du ministre de l'intérieur, à l'instar des autres grandes directions générales du ministère. Nous avons ainsi parachevé la réforme de 2008, dans ses aspects les plus pertinents, pour aller dans le sens d'une plus forte intégration et d'une plus grande coopération entre les services. La DGSI est désormais un acteur pleinement consacré du renseignement français, placé à égalité avec la DGSE, et siégeant dans les conseils de défense que le Président de la République réunit régulièrement. Par ailleurs, son autonomisation lui a permis de gagner en fluidité dans son organisation, et, par là même, en efficacité dans son action. Il lui est désormais possible de procéder aux recrutements dont elle a besoin, notamment en analystes, en linguistes ou en ingénieurs et en informaticiens.
Surtout, dès 2012, et il s'agit du deuxième pilier de notre réforme, le Gouvernement a remis sur pied un service de renseignement territorial digne de ce nom, en prise directe avec les évolutions profondes de la société, notamment dans les quartiers où s'est enkystée une délinquance de plus en plus poreuse à l'influence des réseaux djihadistes. C'était là une priorité absolue. La réforme conduite en 2008 avait supprimé les renseignements généraux (RG), sans pour autant leur substituer un nouveau modèle permettant la détection des signaux faibles. Elle avait donc affaibli la possibilité de détecter ces derniers sur les territoires. Elle avait réduit nos capacités de renseignement en milieu ouvert et, par là même, nos moyens de détection des phénomènes de radicalisation.
Par souci de clarté et pour expliciter notre propre démarche, je veux revenir brièvement sur la logique qui a présidé à la réforme de 2008 – laquelle a débouché sur la création de la DCRI –, et sur les effets qu'elle a provoqués sur le renseignement à moyen terme.
La fusion de la direction de la surveillance du territoire (DST) et des RG pour créer la DCRI a provoqué une désorganisation de notre dispositif de renseignement intérieur. Elle l'a affaibli en méconnaissant les spécificités de ces deux services complémentaires. Chacun sait parfaitement ici que la disparition des RG a constitué un facteur d'affaiblissement. Elle nous a amputés d'un service composé de policiers habitués à travailler sur le terrain et à partager leurs informations avec les autres services de sécurité. À partir de 2008, le maillage territorial assuré par les RG a été systématiquement réduit dès lors que ces derniers ont été en partie absorbés par la DCRI. Plusieurs dizaines de leurs implantations locales ont alors été fermées, au détriment du renseignement en milieu ouvert tel qu'il se pratiquait sur l'ensemble du territoire national.
En dehors de la DCRI, dont la vocation était dès lors exclusivement centrée sur les menaces du « haut du spectre », le reste du renseignement intérieur a ainsi été réduit à un simple service d'information générale, la sous-direction de l'information générale, en charge, pour l'essentiel, des phénomènes économiques et sociaux, ainsi que de la surveillance du hooliganisme. Ce service n'avait aucune attribution en matière de terrorisme, ni pour le « bas du spectre » ni pour la détection des signaux faibles, et il ne disposait pas des outils techniques nécessaires au renseignement. L'accès aux principaux fichiers de police lui était même interdit.
La réforme de 2008 reposait sur des diagnostics qui méritaient d'être revisités, notamment concernant la nature et l'évolution des menaces susceptibles de nous frapper. Nous avons donc, dès 2012, au lendemain des attentats de Toulouse et de Montauban, décidé de recréer un véritable service de renseignement de proximité. Entamé dès 2012, ce processus a débouché, en mai 2014, sur la création du service central du renseignement territorial (SCRT), dont le positionnement a été renforcé par rapport à celui des RG. Ses attributions ont été élargies pour lui permettre de retrouver pleinement ses compétences d'appui à la prévention du terrorisme, notamment par la détection en amont des signaux faibles de radicalisation. C'est la raison pour laquelle son maillage a été renforcé, en métropole comme en outre-mer, pour densifier le réseau de ses capteurs. De même, nous avons décidé de développer des relais du renseignement territorial dans les compagnies ou les brigades de gendarmerie ainsi que dans les commissariats de police, à chaque fois que cela se révèle nécessaire.
Par ailleurs, pour mieux prendre en compte le caractère diffus de la menace djihadiste ainsi que les phénomènes de porosité entre délinquance et terrorisme, priorité a été donnée à la coopération et au partage de l'information entre les différents services. Coordonner davantage est apparu comme une exigence. Nous avons ainsi consolidé l'articulation entre le « premier cercle » et le « deuxième cercle », dont le décret du 11 décembre 2015 a fixé la composition, principalement le SCRT et la DRPP, cette dernière couvrant le ressort territorial de la préfecture de police, à Paris et dans l'agglomération parisienne. À cet égard, l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) joue bien sûr un rôle décisif d'analyse et de synthèse. L'UCLAT ne constitue pas un service « opérationnel », et l'échange d'informations entre services « de terrain » passe par des relations directes, notamment par la constitution de bureaux de liaison et de coordination.
De surcroît, comme vous l'avez indiqué dans vos propos introductifs, monsieur le président, j'ai pris la décision, après le drame survenu au mois de juin 2015, à Saint-Quentin-Fallavier, de créer un état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), afin de renforcer encore davantage la coopération entre les services. Je tiens à préciser que, sans la création préalable du SCRT, jamais l'EMOPT n'aurait pu voir le jour, dans la mesure où celui-ci s'appuie sur le fichier de traitement des signalements, de la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), largement alimenté par les agents du renseignement territorial.
Vous avez posé une question très importante à laquelle je souhaite apporter une réponse précise – ce sujet a également été abordé dans le rapport du sénateur Dominati. N'y a-t-il pas trop de structures de coordination ?
En matière de renseignement, il existe plusieurs sujets de coordination qui ne relèvent pas des mêmes logiques, même si in fine, l'ensemble de toutes les informations recueillies doivent être assemblées afin que l'on puisse comprendre de façon extrêmement fine ce qui se passe en matière de terrorisme.
Il faut analyser les phénomènes de radicalisation. On peut partir d'individus identifiés, mais il faut aussi recourir aux chercheurs et à l'université qui permettent d'avoir en permanence une réflexion « rétro-prospective » sur les phénomènes de radicalisation et l'émergence d'activités, d'actions et de groupes terroristes. L'analyse géopolitique et internationale est également indispensable. Elle justifie que soit maintenue une relation constante entre les services intérieurs et extérieurs. Il faut aussi assurer le suivi des individus eux-mêmes. Si chaque service suivait les individus relevant de sa compétence, il n'y avait pas de lieu où l'ensemble des services du ministère de l'intérieur pouvait effectuer le suivi individualisé de chaque cas, et échanger des informations de manière à bien identifier le passage d'un individu du « bas vers le haut du spectre ». Nous n'avions pas non plus de structure qui, sur le fondement de cette analyse individualisée et de ces échanges, permette d'identifier les risques s'attachant à tel ou tel individu en raison de son activité professionnelle ou de son réseau relationnel.
C'est la raison pour laquelle j'ai mis en place ce dispositif : les représentants des grandes directions se retrouvent au sein de l'état-major au plan central. Cet état-major est dupliqué au plan local. Il permet au préfet, sur la base des signalements des services, et de signalements effectués auprès de la plateforme téléphonique installée Place Beauvau, au mois d'avril 2014, de disposer d'une liste exhaustive des personnes à suivre, et d'échanger toutes les informations disponibles sur ces dernières.
Il n'y a donc pas de dispositif de coordination redondant : ce qui relève de l'analyse géopolitique, de l'analyse rétro-prospective des phénomènes de radicalisation, et du suivi individualisé de chaque cas est confié à l'EMOPT, et permet, dans une articulation parfaite avec l'UCLAT, lieu de l'analyse des phénomènes de radicalisation, d'avoir, Place Beauvau, un dispositif complet de suivi. Bien entendu, ce travail que nous effectuons Place Beauvau, cette organisation spécifique, qui donne satisfaction aux préfets – je pense que vos visites dans les territoires l'ont montré – et, désormais, aux services – la constitution du fichier a été laborieuse mais, maintenant que c'est chose faite, son utilisation opérationnelle est extrêmement efficace –, nous permet aussi de faciliter nos relations avec certains autres acteurs du renseignement comme la DNRED, la DGSE ou TRACFIN.
Je souhaite dire un mot de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui donne à nos services un cadre légal moderne et cohérent adapté aux nouvelles menaces, aux mutations technologiques les plus récentes, et à l'évolution du droit national et international. Pour la première fois dans l'histoire de la République, ce cadre fixe des règles d'emploi claires des techniques de renseignement afin de protéger les agents qui y ont recours, tout en garantissant le respect des libertés individuelles. La loi renforce ainsi les indispensables dispositifs d'évaluation de l'action des services.
Je signale d'ailleurs à votre attention, car c'était une demande du Parlement, que les décrets d'application ont été publiés, dans leur quasi-totalité, dans des délais très rapides, entre le 28 septembre 2015 et le 29 janvier 2016, pour ceux nécessitant divers avis. Nous allons ainsi pouvoir très vite commencer à mettre en oeuvre des innovations telles que le fichier des antécédents judiciaires terroristes (FIJAIT), lequel sera installé dès le début du mois de juillet, de même que nous avons commencé, dans une logique de décloisonnement et de partage de l'information, à élargir l'accès administratif au traitement des antécédents judiciaires ainsi qu'aux données de connexion, pour les services qui en avaient besoin et ne pouvaient jusqu'à présent y accéder.
Nous avons considérablement renforcé les moyens humains mis à disposition des services de renseignement. Entre 2007 et 2012, les services de sécurité intérieure ont perdu 13 000 emplois, et cela n'a pas été sans conséquence sur l'activité des services de renseignement qui ont eux-mêmes perdu de la substance. Durant la même période, les crédits de fonctionnement hors titre 2 ont diminué de 17 %. Depuis le début de ce quinquennat, nous les avons augmentés d'autant, ce qui permet d'accroître les effectifs, d'équiper en matériels nouveaux les services de renseignement qui en avaient grandement besoin, mais aussi de moderniser les infrastructures informatiques. En la matière, je pense au dispositif de contrôle CHEOPS, utilisé dans les aéroports, qui est absolument indispensable pour l'identification des terroristes lors de leur franchissement des frontières extérieures, et qui n'avait pas fait l'objet d'investissements depuis de nombreuses années. Les augmentations de crédits que je viens d'évoquer permettent sa remise à niveau.
Depuis 2013, un plan spécifique a été initié pour renforcer les effectifs de la DGSI, qui concerne 432 effectifs en dehors des plans particuliers de renforcement des moyens du ministère de l'intérieur dans le cadre de la lutte antiterroriste. Il est accompagné d'un effort budgétaire sur crédits hors titre 2 pour un montant de 12 millions d'euros par an.
Le plan de lutte antiterroriste a conduit au mois de janvier 2015 à augmenter cet effort de 1 400 emplois répartis de la manière suivante : 500 emplois dans le renseignement intérieur, 500 emplois dans le renseignement territorial pour redonner de la densité à nos réseaux de capteurs, 100 emplois au sein de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, 130 emplois au sein de la direction centrale de la police judiciaire dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité. Cela permet de renforcer considérablement les moyens de nos services dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Je veux également rappeler que certaines des 5 000 créations nettes d'emplois annoncées par le Président de la République lors de la réunion du Congrès, à Versailles, le 16 novembre 2015, viendront conforter significativement les effectifs de nos services de renseignement. Ces derniers diversifient par ailleurs le recrutement de leurs agents : ils ont désormais la possibilité d'avoir recours à des recrutements contractuels, ce qui permet de faire entrer dans les services des analystes, des universitaires qui travaillent en croisant les données afin d'avoir une meilleure perception de ce que sont les risques réels.
Sur le plan des capacités technologiques de surveillance et de recueil de renseignement, nous avons également consenti un effort important, dans le cadre du plan de renforcement des moyens d'équipement, d'investissement et de fonctionnement. Au titre du plan de lutte antiterroriste de janvier 2015, ce sont 233 millions d'euros sur trois ans qui ont été ouverts, dont 90 millions d'euros pour la modernisation et le renforcement des infrastructures et applications informatiques.
Avant de conclure, je veux dire un mot du débat qui se déroule dans la presse concernant l'opposition entre l'investissement dans les ressources humaines et l'investissement dans la technologie. Certains considèrent que nous avons trop investi dans cette dernière, que nous faisons un renseignement trop technologique qui ne donne pas les résultats qu'il devrait faute de ressources humaines ; d'autres estiment au contraire que la formation de nos ressources humaines vieillit, et que nous devrions investir davantage en faveur de la technologie. En fait, les chiffres que je viens de vous présenter en matière de recrutement et d'investissement pour les crédits hors titre 2 montrent que nous investissons à la fois en faveur de l'un et de l'autre. Si nous ne faisons pas les deux à la fois, nous perdrons incontestablement en substance.
Je répondrai dans un instant à la question que vous m'avez posée sur Amimour et Mostefaï de façon extrêmement précise, car je ne veux pas qu'il y ait de frustration, mais je souhaite préalablement évoquer la dimension européenne de nos sujets.
J'ai montré tout à l'heure la complexité du parcours des terroristes, et j'ai évoqué les conditions dans lesquelles ils étaient entrés sur le territoire européen. Daech a récupéré des milliers de passeports vierges en Irak et en Syrie, et s'est doté d'une véritable usine du faux document. Il n'est pas exclu, puisque cela s'est déjà produit, que d'autres commandos puissent entrer sur le territoire de l'Union européenne, munis de faux documents, pour nous frapper et commettre de nouveaux attentats, en profitant des flux migratoires et de la détresse de ceux qui sont persécutés en Irak et en Syrie.
Les contacts que votre commission d'enquête a eus au niveau européen vous l'auront confirmé : la France mène une action extrêmement déterminée pour que des mesures soient prises, le plus rapidement possible, afin d'éviter cela, même si l'Europe met trop de temps à prendre des décisions – et, quand elle les a prises, trop de temps à les appliquer.
Premièrement, il nous paraît indispensable de mettre en place un contrôle puissant aux frontières extérieures de l'Union européenne. Cela suppose la montée en puissance de l'agence européenne FRONTEX, et cela implique également que lorsque les étrangers arrivent sur le territoire, un contrôle extrêmement efficace et solide soit pratiqué avec l'interrogation systématique du système d'information Schengen (SIS). C'est la raison pour laquelle nous avons demandé et obtenu la modification de l'article 7-2 du code frontières Schengen, qui permet désormais de consulter le SIS pour les ressortissants de l'Union qui en franchissent les frontières extérieures. Cette modification risque cependant d'être altérée par la proposition de l'Union européenne relative au dispositif de frontière intelligente, entrée et sortie, qui préconise une application à tous sauf aux ressortissants de l'Union. Nous aurions donc une contradiction complète entre ce que l'Union européenne a acté à la demande de la France pour modifier l'article 7-2, et ce qu'elle propose de mettre en place concernant le dispositif entrée-sortie.
Deuxièmement, pour être interrogé avec efficacité, le SIS doit nécessairement être alimenté par tous les pays de l'Union européenne de la même manière. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. La France est actuellement le pays qui alimente le plus le SIS. S'il n'est pas alimenté de façon homogène et identique par les autres membres de l'Union, son interrogation au moment du franchissement des frontières extérieures n'aura pas d'intérêt. Cela conduira, de nouveau, pour le coup, à des failles et à des pertes en ligne.
Troisièmement, nous devons connecter le SIS aux autres fichiers criminels et aux autres fichiers. Je pense au SLTD – pour Stolen or Lost Travel Documents – d'Interpol, ou au fichier d'empreintes digitales EURODAC dont le règlement de l'Union européenne ne permet pas l'utilisation à des fins de sécurité. Ce dernier point constitue un énorme problème lorsque l'on sait que deux des kamikazes du Stade de France sont entrés dans l'Union grâce à des empreintes prises à Leros, posées sur de faux passeports sur lesquels ils apparaissaient sous de fausses identités. Il est donc fondamental d'utiliser EURODAC à des fins de sécurité intérieure, de même qu'il est essentiel que nous disposions d'une task force européenne composée de nos meilleurs spécialistes de la lutte contre les faux documents, car, encore une fois, tout ce que je viens de dire n'a de sens que dès lors que les documents interrogés sont les bons, et que si l'on peut identifier ceux qui ne le sont pas – nous pourrons alors neutraliser les terroristes dès l'instant où ils entrent en Europe.
Je veux enfin insister sur la directive armes à feu. Si nous ne parvenons pas à modifier la directive de 1991 afin d'obtenir davantage de marquages, ainsi que l'intensification de l'éradication des armes et de la lutte contre la vente d'armes à feu sur le net, l'efficacité de notre action en matière de lutte antiterroriste sera obérée.
Voilà ce que je souhaitais dire. J'en viens à Mostefaï et Amimour. Il s'agit de deux cas différents. Bien qu'étant tous les deux ressortissants français…