Au sujet des forces d'intervention, vous avez pris toute une série de décisions, monsieur le ministre, mais nous aimerions savoir ce qu'il en est aujourd'hui de votre doctrine. Tout d'abord, du point de vue du système de commandement, que se passe-t-il en cas d'attaque ? Il y eut beaucoup de flottement, le 13 novembre – des chefs de service nous ont dit avoir appris les événements en écoutant BFM. La question est-elle réglée ? Nous avons par ailleurs noté, au début, des rivalités entre forces d'intervention spécialisées. Vous y avez sans doute mis bon ordre, mais la question de M. président de la commission d'enquête est extrêmement pertinente : pour plus d'efficacité, ne faut-il pas une seule force, comme dans d'autres pays ?
Que prévoyez-vous, ensuite, en ce qui concerne la préparation des forces de police « de base », celles qui arrivent tout de suite et évitent un grand nombre de morts ? Je vous rappelle qu'un héros a changé la donne au Bataclan. Ne faut-il pas créer une sorte de « super-BAC » dotée de moyens de nature à éviter un grand nombre de morts dans les premières minutes, décisives ?
J'en viens à l'opération Sentinelle. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les conditions d'emploi des soldats n'étaient pas franchement claires, y compris devant le Bataclan. Sans doute avez-vous aussi réglé cela mais, comme je l'ai dit hier soir au ministre de la défense, je n'en reste pas moins réservé au plus haut point sur l'utilisation des soldats pour des opérations de ce type : ils ne sont pas faits pour cela, ce n'est pas leur métier. Il faut évidemment rassurer et prendre des mesures de sûreté immédiates, mais, à terme, ce n'est pas jouable d'utiliser, pour surveiller des aéroports ou monter la garde dans les rues de Paris, des soldats habituellement en mission en Afghanistan ou au Mali. Ils ne sont pas formés pour ce travail de police. En outre, nous ne leur rendons pas service : le temps d'entraînement de nos forces militaires, à qui il est ainsi beaucoup demandé, se trouve en effet réduit.
Par ailleurs, il a fallu plus de deux heures ou deux heures et demie avant que les forces de secours n'interviennent au Bataclan. La doctrine d'emploi des forces de secours va-t-elle changer ? Je sais que vous y avez beaucoup travaillé : pouvons-nous aujourd'hui être à peu près sûrs qu'il n'est plus possible d'entrer dans Paris pour mitrailler des terrasses et d'en repartir sans être neutralisé ? Pardon de vous poser la question aussi directement, mais ce sont précisément ces faits extrêmement choquants qui se sont produits et qui ne sont pas pensables dans d'autres capitales. De même, saurait-on réagir autrement en cas de prise d'otages dans un bâtiment accueillant du public ? Disant cela, je n'entends nullement prononcer un réquisitoire. Il est normal qu'un certain temps d'adaptation soit nécessaire à une démocratie en paix, lorsqu'elle est confrontée à de tels événements.
Tel est le sujet qui nous a occupés ces derniers mois, et qui vous occupent en permanence. Cela implique de revoir la formation des hommes, leur équipement, leur commandement. Il ne doit plus être possible que quelques types armés de kalachnikovs aient le temps de tuer des dizaines et des dizaines de personnes, avant de quitter la capitale.