Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 2 juin 2016 à 9h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Sur ces sujets, soyons extrêmement précis sur les conditions de droit et sur ce que nous faisons. Je ne veux pas qu'on donne le sentiment qu'en France on laisse les gens se faire tuer sans réagir.

En cas de tuerie de masse, demain, l'intervention des forces de l'ordre doit être immédiate et maîtrisée. On ne sait jamais en pareil cas si l'auteur des faits est équipé d'explosifs ni s'il existe un risque d'effets collatéraux. Intervenir, ce n'est pas simplement tirer sur des tireurs sans évaluer les conséquences : il faut un certain niveau de professionnalisme et des protocoles d'engagement précis ; sinon, nous ajouterons des mots aux morts.

Quel dispositif préconisons-nous pour répondre à la préoccupation que vous venez d'exprimer, M. Meyer Habib ? D'abord, nous avons articulé autour des préfets de zone et des préfets de département un dispositif extrêmement précis qui répartit les compétences. Les plus proches, qui ne sont pas forcément toujours armés pour faire face à une tuerie, c'est-à-dire les primo-arrivants, doivent sécuriser la zone, évaluer le risque, le comportement des personnes, et appeler immédiatement les brigades anti-criminalité et les PSIG. BAC et PSIG sont positionnés sur le territoire national de manière à pouvoir arriver le plus rapidement possible et sont désormais équipés de moyens qui leur permettent de faire face, dans l'attente de l'arrivée des forces spécialisées si leur mobilisation est justifiée par une prise d'otages, un risque de surattentat, etc. Tout cela fait l'objet de protocoles précis et implique une maîtrise opérationnelle totale. Je vous rappelle, monsieur le député, qu'une disposition adoptée lors du récent examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, définit très précisément les conditions dans lesquelles les policiers peuvent engager le feu en cas de tuerie de masse. Ces mesures, protectrices des policiers, leur permettent d'intervenir dans des conditions beaucoup plus solides que celles qui prévalaient jusqu'à présent. Ces nouvelles conditions de droit, l'articulation entre primo-intervenants, primo-arrivants et forces spécialisées, le renforcement des forces spécialisées et des équipements des BAC et des PSIG doivent répondre à la préoccupation que vous exprimez.

Aujourd'hui, un policier qui intervient sur le site d'une tuerie de masse peut, compte tenu des dispositions législatives adoptées, ouvrir le feu pour faire cesser cette tuerie. Nous avons remaillé le territoire avec l'implantation des forces spécialisées et nous avons rehaussé le niveau d'équipement. Que signifie alors « aller plus loin » ?

Le président Fenech est revenu sur la question de l'intervention des différentes forces – BRI, RAID, etc. Les services du ministère de l'intérieur ont fourni une chronologie extrêmement précise de l'intervention. Le délai de deux heures et demie ne correspond pas à la réalité. J'ignore ce que votre commission fera des éléments que nous lui avons transmis. Je crois que vous vous êtes rendus, mesdames et messieurs, au Bataclan, où vous avez pu reparler avec les responsables du RAID et de la BRI. Ils ont montré que la BRI avait fait ce qu'elle avait à faire, et que, s'il avait été possible en la circonstance de sauver davantage de vies, bien entendu nous l'aurions fait. Votre commission a eu connaissance de toutes les informations dont nous disposions.

Y a-t-il des compétences spécialisées que nous aurions pu mobiliser ? Pas à cette occasion-là, mais cela peut arriver. Je ne veux pas m'attarder sur ce sujet publiquement mais je peux vous recevoir, monsieur le rapporteur, monsieur le président pour vous donner des exemples concrets que je vous demanderai de ne pas rendre publics – leur divulgation rendrait très difficiles l'action des forces spécialisées. Oui, chacune des forces a des compétences que les autres n'ont pas. Et si ces compétences doivent être mobilisées dans des conditions d'intervention particulières, je pense qu'il vaut mieux faire bloc.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, j'ai invité les trois patrons des services spécialisés à venir me voir, sans les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale, sans le préfet de police de Paris. Je leur ai dit que, certes, il était possible de perpétuer la tradition de la « guerre des services », mais que le pays était confronté à une menace terroriste extrême et que les Français attendaient que la République les protège des terroristes. Dès lors que celle-ci parvient à le faire, ils ne se demanderont guère quelle entité spécialisée l'aura permis. Notre devoir ce n'est pas d'être forts séparément ou de prouver que tel peut être plus fort que tel autre : c'est d'être forts ensemble. Comme chacune des trois forces est excellente dans son domaine, soyons capables de mobiliser la force la plus à même d'intervenir dans un contexte particulier. Les autorités du ministère de l'intérieur, au premier rang desquelles moi-même, doivent pouvoir faire intervenir la bonne force au bon moment. Peu importe si le cas de figure est très marginal, il peut se révéler utile d'agir ainsi – la zone géographique concernée ne doit pas nous l'interdire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion