Revenons sur la procédure d'indemnisation devant le FGTI.
Le FGTI ouvre des dossiers d'indemnisation pour les victimes directes, qui figurent sur la LUV, et pour les victimes indirectes qui sont les ayants droit et les proches des victimes directes. Sont considérées comme victimes indirectes par le FGTI : les conjoints, les ascendants, les descendants jusqu'au deuxième degré, les frères et les soeurs des personnes décédées ; mais aussi les conjoints et les ascendants, les descendants au premier degré des personnes blessées ; enfin toute personne justifiant d'un lien particulier avec toute personne décédée ou blessée. Tels sont les critères d'éligibilité.
Concrètement, le FGTI prend l'attache des victimes qui sont inscrites sur la LUV, ou de leurs ayants droit. Mais cela n'empêche pas que toute personne puisse saisir directement le FGTI si celui-ci ne l'a pas contactée et qu'elle s'estime victime d'un acte de terrorisme.
Une fois le contact pris, le FGTI verse une première provision au plus tard un mois après avoir reçu la demande de la victime – et après l'avoir analysée. Ensuite, des provisions complémentaires peuvent être accordées sur demande.
Le FGTI présente une offre d'indemnisation définitive au plus tard trois mois après avoir reçu les justificatifs – certificats médicaux, rapports d'expertise médicale, justificatifs de perte de revenus ou justificatifs d'état-civil. Mais pour les blessés graves ou pour les victimes qui ont subi un traumatisme psychologique, il faut attendre ce que l'on appelle la « consolidation » de l'état de santé physique ou psychologique. On peut aussi parler de « stabilisation ». Or cette phase nécessite du temps. Par exemple, l'effet blast d'une blessure par balle peut avoir une résonance sur la consolidation des os. L'attente dépend de l'état de santé de la victime : un mois, deux mois, trois mois, voire beaucoup plus. Ainsi, le processus d'indemnisation définitive dépend lui-même de la consolidation de l'état de santé.
Vous avez ensuite posé la question essentielle de l'évaluation du préjudice, les victimes ayant souvent le sentiment qu'il y a deux poids deux mesures lorsqu'il s'agit d'indemniser un préjudice. Je serai donc précise et concrète sur la façon dont le préjudice est évalué.
Les principaux postes de préjudice sont fixés par la nomenclature Dintilhac, parmi lesquels figurent : les dépenses de santé, les pertes de revenus, le déficit fonctionnel, les souffrances endurées, les éventuels frais résultant de l'assistance d'une tierce personne, le préjudice d'affection, les frais d'obsèques pour les ayants droit, etc.. Mais il n'y a ni montant fixe ni barème, car ce serait contraire au principe de réparation intégrale.
Le FGTI se réfère à la pratique des tribunaux judiciaires, et en particulier au référentiel d'indemnisation des cours d'appel pour estimer les préjudices. Celui-ci peut parfois est majoré par le fonds, sur production de documents d'expertise et sur analyse fine du dossier.
S'agissant de votre interrogation sur l'amélioration de la transparence du référentiel d'indemnisation, le conseil d'administration du FGTI s'est prononcé contre la diffusion de ce référentiel. Il n'est donc pas possible de communiquer sur l'évaluation des postes de préjudice faite par le fonds.
Enfin, il existe une réparation forfaitaire complémentaire qui est accordée au titre du PESVT – le préjudice exceptionnel spécifique des victimes d'actes de terrorisme. Cette réparation a été décidée en 2014 par le conseil d'administration du FGTI, précisément pour tenir compte de la spécificité des préjudices subis par les victimes du terrorisme. Ainsi, 30 000 euros sont accordés aux personnes blessées au cours d'un acte de terrorisme ; pour les proches, le montant varie de 3 500 à 17 000 euros en fonction du lien de parenté.
Toutefois, ce type de réparation, qui est mal compris par les victimes, soulève un certain nombre de difficultés : ce n'est pas un poste de préjudice de droit commun, son montant est relativement faible et il est mal expliqué par le FGTI.
Pour les victimes directes, on distingue celles qui sont directement exposées auxquelles on accorde 30 000 euros, des victimes indirectement exposées, qui perçoivent 10 000 euros. Or cette distinction est ténue. Cela a entraîné à plusieurs reprises des débats au sein du conseil d'administration, et a conduit à des évolutions après chaque attentat. Par la suite, les critères d'attribution du PESVT pour les victimes directes sont devenus peu lisibles. C'est la raison pour laquelle je pense qu'un effort de clarification doit être engagé notamment sur le PESVT.
Quels sont les leviers du secrétariat d'État sur le FGTI ? Avons-nous un rôle direct sur le FGTI ? Aujourd'hui, j'ai un rôle d'action dans la mesure j'ai la responsabilité de travailler à la bonne coordination de chaque ministère représenté au sein du conseil d'administration du fonds. Mais je n'ai pas un rôle direct de pilotage. Vous le savez, le FGTI a un statut juridique particulier de droit privé. Une mission réfléchit néanmoins à l'évolution de son statut.
Cela étant, j'ai mené plusieurs types d'actions pour alerter le FGTI sur certains cas particuliers, qui justifieraient l'accélération et la simplification des démarches. Je réponds ainsi à votre dernière question : le secrétariat d'État a lancé une action concertée sur la révision des formulaires du FGTI. Il faut que ceux-ci soient lisibles et faciles à remplir, et que les victimes n'aient pas à renseigner plusieurs fois le même formulaire, car cela leur est très pénible. De nouveaux formulaires actualisés et simplifiés sont en ligne depuis le 20 mai, et seront validés par le prochain conseil d'administration du FGTI. Comme vous pouvez le constater, nous avons donc d'ores et déjà contribué à la simplification des démarches.
Nous avons également travaillé à l'amélioration des courriers qui seront adressés aux victimes. Dès que j'ai été nommée, nous nous sommes mobilisés sur ce point. Nous avons fixé au FGTI des indicateurs pour que chaque demande reçoive une réponse dans un délai raisonnable. Je suis aujourd'hui en mesure de vous dire que d'ici à la fin de l'année, aucune demande ne sera laissée sans réponse de la part du FGTI.
S'agissant des frais d'avocat, dans le cadre d'une procédure pénale, ceux-ci sont pris en charge par l'aide juridictionnelle – et pour les victimes de terrorisme, elle est acquise sans conditions de ressources. Tel n'est pas le cas en revanche lorsqu'on est en phase transactionnelle. Les frais d'avocat devant le FGTI ne peuvent donc pas être pris en charge. Ils peuvent néanmoins aller jusqu'à10 % de l'indemnité.
J'ai engagé trois types de réflexion pour régler cette situation.
Premièrement, l'extension de l'aide juridictionnelle à la phase transactionnelle.
Deuxièmement, la prise en charge des frais d'avocat par le FGTI. Mais il faut que ceux-ci ne rentrent pas dans la réparation intégrale, car il faut absolument éviter les effets d'aubaine.
Troisièmement, la prise en charge par l'assurance protection juridique de ces frais. Il y a plusieurs occurrences dans le travail que nous menons : soit le déplafonnement, soit une convention de prise en charge des frais et des honoraires entre le FGTI, le Conseil national des barreaux et les assureurs, sur le modèle des accidents collectifs. À ce stade, le travail que nous menons n'est pas encore achevé.