Intervention de Juliette Méadel

Réunion du 16 juin 2016 à 9h30
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Juliette Méadel, secrétaire d'état chargée de l'aide aux victimes :

Monsieur le député Christophe Cavard, il est en effet difficile pour les victimes d'attendre que l'enquête aboutisse. Le temps de la justice ajoute à leur souffrance. Les victimes, comme nous tous, ont envie de savoir ce qui s'est passé, et le plus vite possible. Mais je ne peux que rappeler la loi et nos principes, et notamment le II de l'article préliminaire du code de procédure pénale qui dispose que « L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. »

Ainsi, personne d'autre que le juge d'instruction ne peut s'adresser aux victimes pour rendre compte et dire les éléments de l'enquête, pour des raisons de principe, mais aussi pour préserver la conduite de l'enquête dans les meilleures conditions possibles. Il s'agit d'éviter, en particulier, que la divulgation par d'autres que par l'autorité judiciaire ne puisse avoir une répercussion, soit sur le bon déroulement de l'enquête, soit même sur son issue, qui est de trouver la vérité.

Je reconnais volontiers que cela ne répond pas à l'attente des victimes qui, elles, veulent avoir des informations. Le secrétariat d'État à l'aide aux victimes peut-il se substituer aux magistrats ? La réponse est clairement non . Il n'est pas question que, même en termes de communication, qui que ce soit s'exprime à la place des magistrats.

Cela étant, il y a deux façons d'améliorer les choses, et elles sont déjà mises en place.

Premièrement, lorsqu'on se constitue partie civile, on a accès au dossier. Donc, pendant une information judiciaire, l'avocat de la partie civile dispose des mêmes droits que le conseil de la personne mise en examen. Il peut obtenir des copies des pièces de la procédure et les transmettre à son client. C'est l'article 114, alinéa 5 et suivants du code de procédure pénale. En outre, depuis la loi du 27 mai 2014, les copies peuvent être demandées par les parties, et les rapports d'autopsie font bien partie des pièces communicables.

Deuxièmement, le code de procédure pénale prévoit également que, pour les magistrats instructeurs, une réunion d'information doit avoir lieu tous les six mois avec les victimes qui se sont constituées partie civile. Il y a une dizaine de jours, se sont ainsi tenues à l'École militaire les journées d'information des victimes. Le ressenti a été positif : les victimes ont apprécié d'être reçues par les magistrats qui s'occupent du dossier. De fait, six magistrats instructeurs – ce qui suppose une mobilisation de moyens assez exceptionnelle – sont chargés de ces dossiers d'une immense complexité. Les échanges ont été d'une grande précision et les victimes ont eu le sentiment d'un grand professionnalisme. Il y a eu des exposés très nourris, parfois de deux heures, et on leur a présenté le compte rendu d'investigations multiples. Cela n'a pu que rassurer les victimes qui ont ainsi eu accès à tous les éléments d'information. Certaines questions sont restées sans réponse, mais pour une raison simple : elles ne relevaient pas de la procédure en cours.

Au moment où ces journées se sont tenues, Salah Abdeslam venait d'indiquer qu'il ne s'exprimerait pas, ce qui a légitimement suscité une immense frustration. À l'issue de ces journées, certaines victimes s'en sont plaintes. On peut le comprendre, mais chacun doit aussi rester conscient du rôle des magistrats instructeurs qui, bien entendu, ne peuvent pas se prononcer dans un tel cas.

Je rappelle, pour m'en réjouir, que vous avez voté à l'unanimité, dans le cadre du projet de réforme pénale, un amendement visant à réduire le délai à partir duquel une association peut se constituer partie civile, ce qui a été salué par les associations comme étant un grand progrès. Le fait de pouvoir se porter partie civile sans délai préalable de constitution d'une association perme en effet aux victimes d'avoir accès à l'information.

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